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Pluriculturalité: twa ki twa ?

4 novembre 2018, 23:00

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Pluriculturalité: twa ki twa ?

Elle a 26 ans, fête Eid et Divali et compte nommer son enfant Christian ou Marie. Elle s’appelle Zafreen Bhaukaurally. Comme des milliers d’autres Mauriciens, cette jeune femme est née d’un mariage mixte. «Mon père est musulman et ma mère hindoue. J’ai donc grandi en côtoyant les deux religions», explique-t-elle. Lors du Ramadan, elle jeûne pendant un mois et lors de la fête Maha Shivaratree, elle fait le pèlerinage jusqu’à Grand-Bassin. Ses parents étaient en parfaite harmonie quant à leurs croyances religieuses, chacun suivait sa religion tout en soutenant l’autre dans la sienne.

Baignant dès la petite enfance dans cette mixité, Zafreen ne s’est pas arrêtée à l’hindouisme et l’Islam, car au collège, elle part tous les jours sans faute à l’église pour y allumer une bougie, y découvrir le catholicisme. «Mes parents étaient très ouverts d’esprit donc ils ne m’ont jamais imposé de religion. On a tout le temps tout fait ensemble et c’était merveilleux.» Toutefois, cela n’a pas toujours été facile pour elle.

Surtout avec un nom comme le sien. «Souvent, on m’a demandé en ‘quoi’ je crois. Lorsque je me suis mariée à un hindou, on m’a demandé pourquoi j’ai choisi un non musulman. On n’a pas célébré de cérémonie religieuse pour le mariage car on ne voulait pas entendre les critiques des gens. Si besoin est, on se mariera dans une église catholique !» Pour Zafreen, la question d’ethnicité ne se pose pas. «Je suis Mauricienne, fière de l’être, point barre.»

Une opinion que Peroumal Govandan, un étudiant de 20 ans, partage également. «Ma mère est issue d’une famille musulmane et mon père vient, lui, d’une famille tamoule. Même si religieusement je me considère comme étant tamoul, cela ne m’empêche pas de célébrer les fêtes musulmanes ou de connaître et d’apprécier cette religion.»

Cette différence de religions, Peroumal n’en a jamais «souffert». Pour lui, le multiculturalisme de sa famille est quelque chose de tout à fait normal. «Depuis que je suis tout petit je me rends au kovil, je jeûne pour le Cavadee et je vais chez ma grand-mère pour l’Eid, rencontrer la famille, manger des vermicelles, recevoir des enveloppes aussi !» La branche musulmane de la famille ne l’a jamais laissé ressentir qu’il était différent à cause de sa religion. «Pour l’Eid, malgré la tradition des musulmans qui consiste à kas karem avek enn briani bef, chez nous, le briani il est au poulet ou au poisson afin que tout le monde puisse manger la même chose…»

Souvent, on lui a fait la remarque sur la couleur de sa peau et ses traits, plus «laskar» que «madras», mais il s’en est jamais soucié. «Dans la plupart des familles de nos jours, il y a des couples mixtes, un chinois par-ci, un créole par-là, un musulman de ce côté, un hindou. Bref, c’est ça qui fait de nous des Mauriciens !» Il confie que sa mère également vient d’une famille mixte, son grand-père était d’origine télougou.

Quant à son ethnicité, le jeune homme ne sait plus trop quoi répondre. «Je dirai que je suis simplement Mauricien. Car c’est notre ‘mélange’ qui nous rend si particuliers, si différents mais avec tellement de points communs.»

Un mélange de cultures avec lequel Agnès Sévère également vit au quotidien. «Je ne pourrais dire exactement quels sont les ingrédients de ce mélange mais le côté chinois et créole est plus fort. Il y a un peu de malgache, un peu de réunionnais aussi. On m’avait dit qu’il y a du français mais ça remonte quand même à plusieurs générations.»

Le «côté chinois» lui vient de sa mère, qui en a fait sa spécialité culinaire. «L’une des choses les plus fortes culturellement reste la cuisine de mes parents. Ma mère est une spécialiste de la cuisine chinoise. Moonfann, nouilles, sui kiaw… Lorsqu’elle est aux fourneaux, on sait que ce sera du chinois. Mon, père, lui, sa spécialité c’est la cuisine typique créole. Lorsque ma soeur et moi nous cuisinons, c’est un peu un mélange de cultures et de saveurs qui, j’avoue, n’est pas tout le temps réussi !»

Pour rester dans le jargon de la cuisine, Agnès se décrit comme la pomme d’amour, ki rant dan tou lassos. «Pour nous, c’est pareil. Nous célébrons toutes les fêtes religieuses, même si nous sommes principalement chrétiens, cela ne nous empêche pas de fêter le printemps avec un bon gâteau la cire, ou déguster les douceurs que nous recevrons pour Divali ! Si je devais décliner mon ethnicité, je dirai créole-chinois. Mais, à quoi bon, car je suis avant tout Mauricienne !»