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Henri Favory: «Aujourd’hui, il n’y a pas les conditions favorisant un théâtre qui fait réfléchir»

3 novembre 2018, 17:03

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Henri Favory: «Aujourd’hui, il n’y a pas les conditions favorisant un théâtre qui fait réfléchir»

À 77 ans, Henri Favory est toujours un passionné d’art dramatique. Il prépare une pièce pour l’an prochain. Le théâtre a pour lui une fonction sociale. Il est destiné à encourager la réflexion.

Cela fait un moment qu’on n’a pas entendu Henri Favory. Le dramaturge et metteur en scène n’a pas fait de représentations de pièces de théâtre pour le grand public, ces deux dernières années. «Nous n’avons rien monté parce que notre effectif est réduit»,laisse entendre l’ancien instituteur à la retraite. Mais comment explique-t-on ce manque d’intérêt pour l’art dramatique ? «Il n’y a pas de salle pour le théâtre. Où iront ceux qui y sont intéressés ?» répond l’artiste. En effet Maurice est doté d’une seule salle dédiée à l’art dramatique. C’est le théâtre Serge Constantin à Vacoas.

Malgré ses 77 ans, Henri Favory a toujours la flamme de l’homme de théâtre. La passion est intacte. En ce moment, il prépare une pièce. «Avec la petite équipe qui m’entoure, nous préparons quelque chose, pour l’année prochaine mais je n’en dirai pas plus», déclare-t-il.

Ce silence s’expliquerait-il par une crainte de non-aboutissement du projet ? Ceux qui produisent des spectacles sont confrontés à de nombreux obstacles. Ils doivent trouver des sponsors et entreprendre de longues démarches administratives. «C’est particulièrement difficile pour nous qui faisons du théâtre qualifié de politique», fait remarquer le metteur en scène.

Henri Favory estime que l’art a une fonction sociale. «Je propose un théâtre qui dérange. Mon théâtre ne fait pas rire mais pousse à réfléchir, notamment sur les travers de la société», disait-il dans un entretien à l’express. Et comme, de son point vue, l’indépendance de l’artiste est primordiale, le metteur en scène préfère travailler avec ses moyens modestes que perdre sa liberté de créer en acceptant des conditions imposées par le ministère de la Culture ou par des sponsors. «Je préfère me passer de leur soutien. Un artiste doit être libre de s’exprimer.»

Cette liberté dans la création, l’homme de théâtre l’a toujours revendiquée. À la fin des années 60, encore jeune enseignant, Henri Favory commence à faire du théâtre au contact des coopérants français qui font de l’animation culturelle dans son Mahébourg natal. Puis, le sudiste monte à Rose-Hill et travaille sous la direction de Bernard Mathonnat du centre culturel de Roches-Brunes. Il découvre le Nouveau théâtre, s’initie à l’expression corporelle et à l’art de l’improvisation.

En 1974, Henri Favory écrit et met en scène Tizan & Zoli, sa première pièce en créole mauricien. L’histoire de Maurice, le Kreol et les revendications ouvrières deviennent les piliers de l’œuvre du dramaturge et metteur en scène. C’est ainsi qu’en 1980, Favory produit Anjalay. L’œuvre est un hommage à Anjalay Coopen, une ouvrière agricole tuée en 1943, lors d’une fusillade alors qu’elle était en grève.

Plus tard, en 1979, la troupe Favory se produit lors des veillées pour soutenir les ouvriers en grève et des militants réunis au jardin de la Compagnie ou devant des usines. En 1983, inspiré par Bertolt Brecht, le dramaturge autrichien engagé, des années 50, l’artiste mauricien produit Tras. La pièce raconte la lutte des laboureurs de l’industrie sucrière en conflit avec leurs employeurs. C’est un succès d’audience et un travail reconnu par la critique. Tras est jouée au Festival mondial du théâtre universitaire de Nancy en France.

Puis, Favory présente d’autres pièces qui font réfléchir. On se souvient de son adaptation de The Island du dramaturge sud-africain Athol Fugard dans les années 80. Avec son ami Mario Noorah, Henri Favory met en scène la vie de deux prisonniers enfermés dans un lieu qui rappelle la terrible prison de Robben Island où Nelson Mandela a passé 27 ans.

Aujourd’hui, la présentation de pareilles pièces n’a plus cours. Qu’en pense le dramaturge et metteur en scène ? «On recule sur le plan théâtral. Il n’y a pas les structures et les conditions favorisant un théâtre qui fait réfléchir.» Paroles d’un artiste expérimenté.

Son parcours

<p style="text-align: justify;"><strong>1970 </strong>: Fait du théâtre au centre culturel de Roches-Brunes</p>

<p style="text-align: justify;"><strong>1974</strong> : &laquo;Tizan Zoli&raquo;, sa première pièce en Kreol</p>

<p style="text-align: justify;"><strong>1979 </strong>: Activités théâtrales en soutien aux grévistes</p>

<p style="text-align: justify;"><strong>1980</strong> : Mise en scène de la pièce &laquo;Anjalay&raquo;</p>

<p style="text-align: justify;"><strong>1980</strong> : &laquo;Tras&raquo; au Festival de Nancy w 1980 à aujourd&rsquo;hui &ndash; présentation de nombreuses pièces et animation d&rsquo;une école de théâtre</p>