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Lionel Daugnette: mener les planteurs à pratiquer une agriculture raisonnée

28 octobre 2018, 15:37

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Lionel Daugnette: mener les planteurs à pratiquer une agriculture raisonnée

Ce Curepipien de 27 ans a pris le train du projet Smart Agriculture en marche. La première phase, coordonnée par la Française Maud Scorbiac, est terminée : l’état des lieux des pratiques phytosanitaires dans l’agriculture vivrière locale et l’identification de deux groupes de planteurs intéressés à faire un usage raisonné de pesticides, d’herbicides et de fongicides.

Le rôle de Lionel Daugnette, lors de la 2e phase démarrée en juin, est entre autres d’être l’intermédiaire entre ces agriculteurs sélectionnés, la MCA et deux techniciens de la Food and Agricultural Research Extension Unit (FAREI), pour l’organisation d’ateliers sur des sujets les concernant et la rédaction des compte-rendu, la réalisation de fiches techniques et des brochures vantant les meilleures pratiques culturales, de même que la réalisation de mini-vidéos et de documentaires sur ces sujets. Lorsque nous le rencontrons au bureau de la MCA au Vivea Business Park de St-Pierre, il écrit le compte-rendu de l’atelier de la veille, qui avait trait aux ravages de la mouche des fruits.

Lionel Daugnette peut paraître aux antipodes de l’agriculture, mais ce n’est pas le cas. Il est issu d’une famille modeste de Curepipe. Son père, Denis, natif de Surinam, chauffeur au Central Electricity Board, a longuement côtoyé des planteurs durant sa jeunesse et hérité d’eux de bonnes pratiques culturales. Dans leur arrière-cour, à Eau-Coulée, son père plante des fines herbes, des laitues et des brèdes petsai, n’utilisant que peu de produits chimiques pour combattre les nuisances. Sa mère, Françoise, ancienne clerc d’usine textile, est une femme au foyer qui entreprend des travaux de couture à domicile.

Enfant, Lionel Daugnette se passionne pour les documentaires sur les safaris, les animaux et la nature. Après une scolarité au St Esprit RCA, il effectue son cycle secondaire au Régis Chaperon SSS. Tout naturellement, il se dirige vers les sciences. Ayant réussi son examen de fin d’études secondaires, il hésite, ne sachant pas trop vers quelle filière se diriger. Un emploi de vacances dans le rayon fruits et légumes de Jumbo Phoenix lui rappelle son attachement à la nature. Après une escale dans un centre d’appels comme téléopérateur pour payer ses études, il fait une demande pour suivre les cours menant à une licence en agriculture avec spécialisation en aquaculture auprès de l’université de Maurice. Il est accepté. «Je suis un amoureux de la mer. J’ai pris des cours de natation et la plongée avec tuba (snorkelling) me passionne. Ce qui a grandement expliqué mon choix.»

Ce cours, de trois ans, mais qui peut s’étaler sur cinq ans, lui apprend les bases de l’élevage d’alevins, de crustacés, de poissons, d’huîtres et de saumon dans des surfaces contenues comme une rivière, un bassin, un lagon. Il découvre aussi l’entomologie, l’étude des insectes ravageurs et ceux bénéfiques aux cultures et les méthodes organiques ou conventionnelles de contrôle d’insectes ravageurs. Il est exposé à l’agronomie, en particulier aux méthodes et pratiques culturales de légumes et d’arbres fruitiers. Il apprécie les modules consacrés à l’élevage de bovins, de poulets, de poissons, avec accent sur la gestion de la pêche durable.

Il obtient sa licence en octobre 2015. Après un emploi de téléopérateur, un cheminement de trois mois en tant que bénévole à Vélo Vert, organisation non gouvernementale qui travaille avec un réseau de planteurs et qui vend leurs légumes cultivés biologiquement, lui remet le pied à l’étrier de l’agriculture. Il étend ses connaissances en agroécologie, dont Vélo Vert fait la promotion dans les écoles, en incitant les enfants à plonger les mains dans la terre pour leur inculquer l’amour du sol et les intéresser à l’agriculture. Lionel Daugnette apprend aussi comment maintenir un bon compostage et a l’occasion de travailler avec des experts du Centre de Coopération Internationale en recherche Agronomique pour le Développement de La Réunion. Il en apprend aussi un rayon sur les parasites phytosanitaires et le contrôle des insectes ravageurs. «Je n’ai passé que trois mois à Vélo Vert, mais j’ai pu mettre en pratique et sur une base professionnelle des aspects de mes études universitaires.»

Embauché sous le Youth Employment Programme par OMNICANE pour sa centrale thermique de l’Escalier, il contribue à des projets pilotes concernant les cendres de bagasse et le résidu de mélasse comme engrais naturels. Début septembre, alors qu’il termine son stage, il apprend que la MCA cherche un assistant projet Smart Agriculture pour prêter main-forte à Maud Scorbiac, la coordonnatrice. Il postule et vue son expérience, il est recruté sous contrat.

Il se familiarise avec la phase I du projet, qui prendra fin en 2021, qui a identifié deux groupes de planteurs de La Laura et Plaine-Sophie, intéressés à avoir une attitude plus raisonnée sur l’usage des pesticides. «On reste dans le conseil. On ne peut pas les obliger d’arrêter l’utilisation des pesticides, fongicides et herbicides car, de toute façon, il faudrait qu’ils laissent leur terre reposer pendant trois ans et expurger tous les produits chimiques utilisés avant de pratiquer une culture biologique. On leur propose des méthodes de contrôle naturelles en utilisant les forces de la nature. On espère les mener à pratiquer une agriculture raisonnée.»

Bien que la plupart des planteurs sélectionnés soient âgés, «ils sont conscients que lorsque plus de pesticides sont utilisés, plus grands sont les risques de résistance, de mutation et d’adaptation des nuisibles. Ils veulent changer leurs pratiques car ils se sentent concernés par la santé et le changement climatique. Ils demandent davantage de présence de notre part, plus d’exemples concrets».

Une présence qu’il assure pour «recueillir les données nécessaires auprès des deux groupes et enregistrer ces informations dans nos bases de données pour un meilleur suivi et une évaluation des performances environnementales et économiques des systèmes». Il se dit motivé à entraîner la prochaine génération à manger plus sainement.

Lionel Daugnette est désormais moins intéressé par l’aquaculture car «Maurice est une petite île et son écosystème est fragile. Je veux plutôt m’orienter vers l’agronomie». Que pense-t-il des projets d’aquaculture que le gouvernement veut essaimer ? «Il est important d’empêcher les alevins d’espèces importées de sortir de leurs cages. Pour cela, il faut investir dans les infrastructures et c’est coûteux. Mais c’est une obligation pour empêcher ces espèces d’envahir l’écosystème et nous faire perdre l’authenticité de notre biodiversité marine.»

L’argument que ces projets vont attirer des requins dans le lagon tient-il ? «Il est vrai que des pêcheurs ont pris pas mal de requins dans plusieurs régions. L’aquaculture mal contrôlée peut effectivement les attirer. Mais si elle est pratiquée comme cela se fait à l’étranger, elle peut aider les pêcheurs qui souffrent de la surexploitation de notre lagon.»