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Ritesh, 11 ans: petit justicier fan de Batman

28 octobre 2018, 21:00

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Ritesh, 11 ans: petit justicier fan de Batman

Il allait prendre part aux examens du PSAC. Avait déjà commandé une bicyclette pour Noël. «Popo», fan de Batman, a été égorgé alors sous les yeux de sa petite soeur âgée de 9 ans. Hommage.

Jeudi, 18 heures. Le soleil tire sa révérence, enveloppé dans son manteau rouge-orangé. Sur un terrain en friche, un cordon jaune délimitant la scène de crime se fait malmener par le vent. À Petite-Rivière, la vie s’écoule tant bien que mal. La mort de Ritesh Gobin hante toujours les habitants.

À Lobin Lane, les «lakaz bwat zalimet» s’emboîtent les unes dans les autres. À dix pas de la maison du «présumé tueur», celle de sa victime. Une salle verte, des chaises rouges, des yeux rougis, noir tableau. Au milieu des larmes des grands, des rires innocents d’enfants.

Le frère et les deux soeurs de Ritesh jouent dans la cour. «Sinwaz», Yitesh et Luxmi accueillent les étrangers, les voisins, les journalistes, à coups de bisous et d’accolades. Bhumi est toujours à l’hôpital, sa maman Khushboo est à ses côtés.

«Zot koné zot frer inn alé…» Asha Gobin-Bhuruth, la poupou (NdlR, tante) de Ritesh, couteau à la main, s’attelle à préparer les légumes pour le dîner. Même si la famille a perdu l’appétit. Derrière son pull marron, se sont réfugiés l’incrédulité, la tristesse, la haine, la colère. «Linn touy nou Popo (NdlR, Ritesh)»

Popo avait planté des «bred blan ek bred ziromon». Qu’il allait vendre pour se faire un peu de sous, s’acheter des douceurs. Son plat préféré, c’était le «kari poul ek farata». Il en avait repris plusieurs parts la dernière fois qu’il s’était rendu chez sa tante, lors de la fête rakhi. Sa cousine Diya, qui a quelques années à peine de plus que lui, s’en souvient comme si c’était hier. «Nou ti bien amizé sa zour-la. Li ti kontan kozé, riyé ek tou dimounn, li pa ti timid ditou ! Li ti kontan takinntakinn so bann kamarad. Li pa ti kontan kan fer dominer ek zanfan sirtou…»                                               

 Des amis, le boute-en-train en avait beaucoup. Avec eux, il jouait aux superhéros. Il était fan de Batman. Plus tard, si le «tueur» – qu’il considérait comme un chacha (NdlR, oncle) – lui avait laissé le choix, il allait devenir policier. Il se réveillait tôt, avait hâte d’aller en classe chaque matin, s’appliquait à l’école. Il allait prendre part aux examens du PSAC.

«Li ti dir mwa ‘Pa, kan mo pas mo siziem to donn mwa enn bisiklet ein ?’ » Un voeu que Sooraj Gobin, qui exerce le métier de maçon, avait bien l’intention d’exaucer à Noël, voire avant. Il a 41 ans, ne fait pas son âge. Le papa de Ritesh a pourtant pris un coup de vieux depuis la tragédie. Il a les cheveux mouillés, les yeux aussi.

«TI MO LÉBRA DRWAT SA»

Sooraj est encore sonné, déboussolé. Il s’agenouille par terre, frotte une allumette, donne vie à une lampe en terre cuite placée dans le jardin. Il croise les bras sur sa maigre poitrine, une boucle d’oreille se balance au gré de ses hochements de tête. «Ti mo lébra drwat sa.» Il n’a pas encore eu le courage d’aller voir Bhumi à l’hôpital. «Pa pé kapav…»

Son visage se crispe soudain, une colère contenue s’empare de lui. «Mo anvi li mor boug-la, mo anvi li mor.» Sortie de nulle part, Luxmi, 4 ans, vient se nicher au creux des bras de son papa, elle lui caresse doucement le visage. «Mo pou bizin for pou mo bann lézot zanfan aster.»

 La nuit est tombée, voisins et proches continuent d’arriver. Dans la maisonnée composée de quatre pièces, la chambre à coucher, celle où dormaient Ritesh et les autres enfants, a été transformée en sanctuaire. Ses chaussures, ses cahiers, ses vêtements ont été recouverts d’un drap, comme le veut la coutume. «Li ti kontan abiyé, glasé, li…»

Du petit héros, ses proches retiendront son sourire contagieux. Ritesh, du haut de ses 11 ans, croquait la vie à vie à pleines dents, profitait de chaque instant. Un peu comme s’il savait que la mort l’attendait au tournant.

Ce soir-là…

<p>Pourquoi Sooraj a-t-il laissé ses enfants en compagnie du suspect ? Surtout que la maman, Khushboo, a déclaré qu&rsquo;elle savait que ce dernier avait des <em>&laquo;vues&raquo;</em> sur sa fille ? <em>&laquo;Li ti pé alé vini ek so Madam ek so bann zanfan lakaz kot mwa. Mo ti konsider li plis ki vwazin ek kamarad, li ti kouma fami, mo bann zanfan ti pé apel li chacha&hellip; Mo Madam kapav inn rémarké, mé mwa mo pann pansé ki li ti pé fer mové lespri lor mo tifi ek ki li pou al ziska touy mo garson. </em><em>Kan ou péna mové pansé, ou krwar tou dimounn parey</em>&hellip;&raquo;</p>

<p>&nbsp;Samedi soir, Sooraj Gobin et Sachin Tetree, 37 ans, descendent quelques verres d&rsquo;alcool. Ritesh, 11 ans et sa petite soeur Bhumi, 9 ans &ndash; inséparables &ndash; sont avec eux. Il est aux alentours de 19 h 30, Sooraj se met en route, il doit aller acheter du poisson. Sachin propose aux enfants de l&rsquo;accompagner à la boutique pour acheter des <em>&laquo;gâteaux&raquo;.</em></p>

<p>De son lit d&rsquo;hôpital, Bhumi s&rsquo;est confiée à sa cousine Diya. &laquo;<em>Li&rsquo;nn trouv sa misié-la asté dé cutters dan laboutik.&raquo;</em> Sachin oblige alors les enfants, réticents, à emprunter le <em>&laquo;chemin bassin</em>&raquo;, qui jouxte un terrain en friche. <em>&laquo;Bhumi ti pé gagn per lerla Ritesh inn dir li &lsquo;pa gagn per mo ek twa la&rsquo;&hellip;&raquo; </em></p>

<p>Quelques minutes plus tard, sur cette voie sinueuse, boueuse, alors que Ritesh marchait devant, Sachin aurait sorti un cutter, lui aurait soulevé la tête de derrière, avant de lui trancher la gorge. <em>&laquo;Li pann kapav kozé, zis larm ti pé koulé dan so lizié&hellip; Li&rsquo;nn avoy lamé pou atrap Bhumi&hellip; So lamé inn res koumsa mem, li&rsquo;nn mor lizié ouver&hellip;&raquo; </em></p>

<p>Sachin se serait ensuite attaqué à la petite, en l&rsquo;attrapant par les cheveux. Il aurait commencé à enlever sa ceinture. <em>&laquo;Lerla Bhumi inn koumans débat, misié-la inn mord li lor so zépol, li ousi li&rsquo;nn mord li.&raquo;</em></p>

<p>&nbsp;Alors que Bhumi se débat, elle tombe, entraînant Sachin dans sa chute. <em>&laquo;Misié-la inn glisé akoz labou, Bhumi inn rési levé inn koumans galoupé pou vinn rakonté kinn arivé lakaz.&raquo;</em> Sachin se serait lancé à sa poursuite mais aurait changé d&rsquo;avis en apercevant les phares d&rsquo;une moto&hellip;</p>

<p>Quand le corps de Ritesh a été découvert, il pleuvait. Sooraj a alors recouvert le cadavre de son fils à l&rsquo;aide de son pull. Il avait toujours les mains tendues vers Bhumi. <em>&laquo;Inn bizin atas lamé pou lanterman</em>&hellip;&raquo;</p>

<p>Désormais, Bhumi devra vivre sans son <em>&laquo;frère préféré&raquo;,</em> celui avec lequel elle a grandi.</p>