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Agalega: Afcons exemptée d’un permis EIA «pour éviter toute contestation»

27 octobre 2018, 20:30

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Agalega: Afcons exemptée d’un permis EIA «pour éviter toute contestation»

L’explication vient du ministre de l’Environnement lui-même. Étienne Sinatambou avance que «c’est par prudence» que le gouvernement a exempté la société Afcons Infrastructure Ltd des exigences d’un permis d’impact environnemental (Environmental Impact Assessment Licence). Le but est d’empêcher à des gens «malintentionnés» de contester le projet et qu’ainsi le pays «ne perde un don de 18 millions de dollars».

Afcons Infrastructure Ltd soumettra un rapport d’impact environnemental (EIA Report) pour la construction d’une jetée et d’un «airstrip», mais sera exemptée des exigences d’un EIA Licence. C’est ce qu’a affirmé la vice-Première ministre, Fazila Daureeawoo, à l’Assemblée nationale, mardi. Elle répondait à une question du député Aadil Ameer Meea.

Il faut d’abord comprendre qu’un rapport EIA est soumis lors d’une demande d’un permis EIA. Mais quelles sont les raisons ayant poussé le gouvernement mauricien à exempter la compagnie indienne de cette étape importante ? Le ministre Étienne Sinatambou a accepté de répondre aux questions de l’express. Quant à Fazila Daureeawoo, que nous avons également sollicitée, elle a bien voulu nous accorder une précision à sa réponse au Parlement.

«C’est par prudence que le gouvernement a décidé d’exempter le constructeur. Nous soupçonnons que des personnes mal intentionnées s’opposeront certainement à toutes demandes de permis EIA parce que la loi permet à n’importe qui de contester le projet en cour. Le pays ne peut pas prendre le risque de perdre 18 millions de dollars de grant donné par un pays ami. Qui plus est, la loi permet au gouvernement d’exempter un constructeur d’une demande de permis EIA. Cela s’est fait couramment et par divers gouvernements dans le passé», répondra, d’emblée, le ministre de l’Environnement.

Le principal avantage d’une application de permis EIA pour le citoyen, c’est qu’une fois la demande formulée, tous les détails du projet sont dévoilés. Et ces détails peuvent être consultés par le grand public. «Ne pensez-vous pas que, dans un souci de transparence, ce rapport devrait être publié ?», avons-nous demandé au ministre. «J’opte pour la prudence. Parce qu’il y a des forces occultes qui s’évertuent de tout noircir et de tout enlaidir. On ne vous prive de rien. On a dit qu’il y aura une jetée et une piste d’atterrissage. Le ministère de l’Environnement veillera à ce que le projet respecte l’environnement. Je saurais s’il y a une entrave», répond-il.

«Nous aimerions le savoir aussi…» À cela, Étienne Sinatambou répondra un cinglant : «Devenez ministre et vous le saurez…» À la question de savoir qui a pris la décision d’exemption, le ministre a affirmé que c’est une décision prise par le Conseil des ministres et non par son ministère.

«…un relationnel entre les deux pays»

L’express a également voulu connaître du ministre de l’Environnement les raisons ayant poussé l’Inde à accorder un don aussi généreux à Maurice. L’Inde aura quoi en retour ? «Vous donnez quelque chose gratuitement, vous ? L’Inde est le seul pays à nous avoir contactés pour cela. L’Inde pourra utiliser la piste et la jetée. C’est aussi simple que cela. Elle l’utilisera au même titre que la France ou l’Angleterre. Il y a un relationnel qui existe entre nos deux pays. Je trouve dommage que des Mauriciens essaient d’anéantir leur pays, qu’ils l’enlaidissent au lieu de l’élever quotidiennement dans la presse et ailleurs», poursuit Étienne Sinatambou.

Reste qu’un autre point a été soulevé par ceux qui veulent que les détails du projet soient révélés. La procédure normale lorsqu’un promoteur fait une demande de permis EIA est que son rapport soit soumis à pas moins d’une douzaine d’institutions qui sont appelées à l’éplucher et à faire des recommandations. «Par exemple, le Central Electricity Board devra dire si le projet n’a aucune incidence sur le réseau électrique. Il est important que ces institutions se prononcent et à la fin de l’exercice, le ministère de l’Environnement décide si le promoteur peut avoir son permis», explique un ancien ministre de l’Environnement, contacté par l’express.

La vice-Première ministre, de son côté, a assuré que le gouvernement mauricien suivra de près les développements qui auront lieu sur l’île. «Il existe un Joint Project Monitoring Committee qui comprend des représentants de l’Inde comme de Maurice. Le ministère des Collectivités locales et des îles éparses en fait partie. Cela nous permet de suivre les développements du projet de près, et aussi les travaux qui auront lieu à Agalega», a affirmé Fazila Daureeawoo.

Presse étrangère: la décision de Maurice jugée contradictoire

Deux articles ont été mis en ligne, jeudi. Dans les deux journaux, les journalistes écrivent qu’Agalega sera utilisé à des fins militaires. D’abord, le journal réunionnais l’info.re parle de contradiction. Le journaliste Fabrice Floch commence son texte ainsi : «L’actualité est très souvent ironique !» Puis, il explique que le gouvernement mauricien était devant le tribunal international de La Haye pour obtenir la restitution de l’archipel des Chagos, mais en même temps a autorisé l’Inde à installer une base militaire à Agalega. Pour sa part, «Financial Times», le journal britannique que le Premier ministre, Pravind Jugnauth, a pris la peine de répondre, parle plutôt d’un lieu stratégique pour l’armée indienne. Il cite un expert indien en matière de sécurité qui voit en Agalega un «logistic hub» pour l’Inde, en vue de soutenir ses activités navales dans le sud-ouest de l’océan Indien pour contrecarrer la puissance chinoise dans la région. Le journaliste anglais a également interrogé un ancien officier de la navale indienne, Abhijit Singh. Ce dernier affirme qu’un transpondeur sera placé sur l’île pour savoir si les navires dans la région sont des «amis» ou des «ennemis». Toujours dans l’article de «Financial Times», il est écrit que le Premier ministre mauricien donne la garantie que les habitants d’Agalega ne seront pas expulsés.