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Mario Ng Kuet Leong: le docteur, son cancer et les pesticides…

21 octobre 2018, 17:40

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Mario Ng Kuet Leong: le docteur, son cancer et les pesticides…

La vie a parfois de bien étranges façons de manifester son ironie. Mario Ng Kuet Leong, gynécologue-obstétricien, qui avait établi «un lien définitif entre le surdosage de pesticides et la diminution de sperme chez l’homme» dans le dossier de l’express sur le contenu de nos assiettes en 2016, a développé, l’an dernier, un cancer du côlon, traité depuis. Il est convaincu d’avoir fait les frais du surdosage de pesticides sur les légumes.

C’est le même homme que nous rencontrons à la clinique du St Esprit, établissement que lui et son épouse Brigitte ont ouvert, il y a près d’une trentaine d’années, à Quatre-Bornes. Ce qui a changé, c’est qu’il est juste un peu plus lent dans ses mouvements, amaigri – il a perdu trois kilos entre juillet 2017 et aujourd’hui – et est légèrement voûté en raison d’une hernie résultant de son opération.

«Je n’ai pas eu besoin de chimiothérapie. Dans ma malchance, j’ai eu de la chance.»

Mario Ng Kuet Leong n’est pas que gynécologue-obstétricien. C’est aussi le père de la Fécondation In-Vitro à Maurice. Le plus étrange est que ce médecin, à la base, a toujours mené une vie saine.

Il pratiquait le football, disputant un match une fois la semaine, marchait beaucoup en faisant ses courses et même à la clinique où il fait souvent le va-et-vient entre son bureau, qui se trouve au premier étage et celui de son épouse et la réception au rez-de-chaussée.

«Mon poids est toujours resté stable, soit 70 kilos pour un mètre 68. Comme nous mangeons de la cuisine chinoise, celle-ci comprend beaucoup de légumes sautés rapidement. Nous mangeons très peu de viande rouge. Lorsque j’étudiais à l’étranger, j’en mangeais davantage et aussi de la charcuterie mais les légumes étaient toujours présents dans notre alimentation. À mon retour au pays, je mangeais moins de charcuterie, pas de steak, très peu de porc, surtout du poisson et du poulet et énormément de légumes.»

«J’ai réalisé qu’il fallait que je passe plus de temps avec ma famille. Aujourd’hui, je fais de grands efforts pour aller plus souvent voir les enfants en Allemagne ou ailleurs. Je les fais venir lorsqu’ils le veulent.»

Notre interlocuteur n’avait jamais eu de gros ennuis de santé jusqu’ici. À la fin mai 2017, le Board of Investment le sonde pour savoir s’il est intéressé à se rendre à Madagascar. C’est le cas. Il séjourne cinq jours à Tananarive, la capitale. Là-bas, il développe un rhume qui traîne. À son retour, il pratique deux ou trois accouchements de nuit et le week-end suivant, il se sent épuisé, vidé de toute son énergie.

Brigitte son épouse est en Allemagne où étudient et vivent leurs quatre enfants. Il réalise à un moment que son état mental a changé. «J’ai téléphoné à un ami pour lui dire que j’allais mal. Mais quelques instants plus tard, cela m’était totalement sorti de la tête.» Il montre aussi des troubles de la coordination, laissant par exemple tomber des objets de ses mains alors qu’il est persuadé de les avoir posés sur la table.

Ses proches à Maurice réalisent qu’il y a quelque chose qui cloche chez lui et avertissent son épouse, qui décide de revenir d’urgence. Mario Ng Kuet Leong ne  s’en formalise pourtant pas et attribue cette faiblesse généralisée au diabète qu’il vient de développer.

Il se rend tout de même à la clinique Darné où on pratique bon nombre de tests sur lui. Sa glycémie n’est pas alarmante. On lui fait passer un scan de la tête qui ne donne rien. Sa femme, qui est revenue d’urgence, note qu’il fait une petite température. On lui fait des prélèvements sanguins, des tests de gorge, on ponctionne du liquide cérébro-spinal à des fins d’analyse et on effectue des cultures pour tenter de déceler ce qui ne va pas.

Comme il revenait de Madagascar, les praticiens pensent qu’il a contracté un virus. Des antibiotiques et des antiviraux lui sont administrés sans attendre les résultats des cultures. Deux jours après, son état redevient normal.

«Je suis convaincu que le surdosage de pesticides dans les légumes a joué un rôle prépondérant dans mon cancer.»

La culture du sang révèle la présence de bactéries. Le diagnostic d’une septicémie bactérienne est posé et l’échographie de l’abdomen décèle un «petit quelque chose au côlon. Dans le tube intestinal, il y a toujours des bactéries qui rentrent dans le sang mais le système immunitaire se défend généralement en les tuant. Mais dans mon cas, mon système immunitaire était à terre et l’infection bactérienne a gagné mon sang et atteint mon cerveau, d’où le manque de coordination.»

Après un scan de l’abdomen, les médecins évoquent l’existence d’une grosseur au colon, davantage située près du petit intestin que du rectum et qui était jusque-là asymptomatique. «En rétrospective, je réalise que mes selles étaient moins volumineuses mais j’avais mis cela sur le compte du régime alimentaire pratiqué en raison du début de diabète», confie-t-il.

 Il aurait pu se faire opérer à Maurice. Mais comme son épouse et lui ont de bons contacts en Allemagne et que leurs enfants s’y trouvent aussi, ils préfèrent tenter leur chance dans ce pays. Mario Ng Kuet Leong se rend à Berlin où on lui fait une biopsie et une colonoscopie préalables, qui confirment la présence d’une tumeur maligne.

Par l’entremise d’un ami de sa femme, son cas est référé à un des meilleurs professeurs de chirurgie du centre universitaire de Göettingen. Ce dernier accepte de l’opérer d’urgence en se basant sur les documents qu’on lui a fournis. À aucun moment, l’idée de mort ne traverse l’esprit de Mario Ng Kuet Leong lorsqu’il est emmené au bloc opératoire.

L’intervention, une hémicolectomie (l’enlèvement de la moitié du côlon) dure des heures. Si, en général, dans ce type d’intervention, les chirurgiens enlèvent des ganglions pour analyse et ainsi déterminer l’étendue de la maladie, le professeur qui l’opère est extrêmement minutieux et enlève 51 ganglions. «Il opère généralement pour guérir.»

L’analyse des prélèvements tombe deux jours plus tard et indique que la tumeur était sur le point de dépasser les limites du colon et tous les ganglions étaient négatifs. «Je n’ai pas eu besoin de chimiothérapie. Dans ma malchance, j’ai eu de la chance», dit Mario Ng Kuet Leong en riant.

Sa plaie met un peu de temps à cicatriser, sans doute en raison de son diabète et après un mois en Allemagne, il est en mesure de regagner Maurice.

Qu’est-ce que le cancer a changé dans sa vie ? «Mes priorités. Je suis né dans une culture où l’on passe son temps à travailler. À mon retour, je me suis dit qu’il fallait que j’arrête de faire des accouchements. J’y pensais déjà un peu avant mon départ mais dès mon retour, je l’ai fait. Je conserve tout le reste, soit mes consultations gynécologiques et mes traitements de fertilité. Ensuite, j’ai réalisé qu’il fallait que je passe plus de temps avec ma famille. Aujourd’hui, je fais de grands efforts pour aller plus souvent voir les enfants en Allemagne ou ailleurs. Je les fais venir lorsqu’ils le veulent. On se retrouvait toujours pour Noël à Maurice mais maintenant ce n’est plus possible car les quatre enfants sont en médecine ! Je comptais les sous quand chacun voulait revenir à des moments différents. Là, ce n’est plus de mise.»

Lui qui communiquait peu avec eux, laissant leur mère le faire, maintient une ligne de communication plus régulière. «Avant, je ne complimentais pas les enfants, même lorsqu’ils réussissaient dans un domaine. C’est ainsi chez les Asiatiques. Aujourd’hui, je le fais».

Mario Ng Kuet Leong a aussi pensé à mettre de l’ordre dans ses affaires. «Brigitte ne s’occupait jamais des comptes et des dossiers. Aujourd’hui, elle est au courant de tout.» Il a dû reporter aux calendes grecques son envie de faire du kitesurf. «Après l’intervention, j’étais à plat. Là, je vais de mieux en mieux. On développe de mauvaises habitudes : je trouve que je traîne un peu trop la patte. Mais je fais mes check-up tous les six mois.»

Il est convaincu que son cancer a été déclenché par sa nutrition. «Je suis convaincu que le surdosage de pesticides dans les légumes a joué un rôle prépondérant dans mon cancer.» Depuis, autant que possible, son épouse et lui achètent des légumes cultivés biologiquement et il évite autant que faire se peut les liquides conservés dans des bouteilles en plastique. Il mange moins de féculents, plus de légumes et de fruits issus de l’agriculture biologique.

Comme il est reconnu que le cancer a une base génétique, il a fait un test sanguin et attend les résultats des analyses pour y déceler la présence éventuelle de gênes du cancer. «Je le fais pour les enfants.» Son conseil à ceux qui ont des antécédents de cancer dans la famille, «faites des tests de dépistage en prévention. Et surveillez votre nutrition… »