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Voyages: mode carpe diem pour nos élus

20 octobre 2018, 23:00

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Voyages: mode carpe diem pour nos élus

Rs 3,3 Millions. C’est le montant qu’a empoché Vishnu Lutchmeenaraidoo de 2015 à mi-2018 en per diem. Selon la liste déposée à l’Assemblée nationale mardi, c’est le plus gros montant payé à un ministre pendant cette période. Droit acquis d’un élu ? Montant raisonnable pour subvenir à ses besoins à l’étranger ? Peut-être en théorie. Mais entre dormir chez le chauffeur de l’ambassade mauricienne et être nourri, logé, blanchi officieusement par des compagnies étrangères… la réalité est bien différente.

Comment ça marche ?

C’est le ministère des Finances qui décide du montant des per diem. La somme allouée dépend du pays hôte où se rend un ministre ou un fonctionnaire. Les pays sont regroupés en six catégories, dépendant du pouvoir d’achat de chacun. Les allocations des vice-présidents et vice-Premier ministre vont de Rs 33 644 à Rs 12 988. Pour les ministres, l’allocation varie entre Rs 28 533 et Rs 11 133. Ces allocations ont d’ailleurs augmenté de 2015 à aujourd’hui. Toutefois, nous n’avons pas pu savoir la somme allouée au président de la République et au Premier ministre. Celle-ci englobe toutes les dépenses, excepté les coûts du transport et l’accès au VIP Lounge des aéroports, explique Xavier-Luc Duval, ancien ministre des Finances. Les billets d’avion sont, eux, pris en charge par l’État et les ministres ne voyagent qu’en première classe. C’est le bureau du Premier ministre qui donne la permission à un ministre de voyager au nom de l’État.

Les coûts de voiture ne sont pas inclus dans les per diem. Bien qu’ils representent une somme assez importante. «Ça peut s’élever à presque 1 000 euros (NdlR, environ Rs 40 000) ou livres sterling par jour pour une voiture avec chauffeur», dit Xavier- Luc Duval. Autre coût : celui du VIP Lounge. «Sous le gouvernement Ramgoolam, l’on avait arrêté cette pratique. Si le ministre voulait avoir accès au VIP Lounge, c’était de son propre chef. Par contre, sous le présent gouvernement, certains ministres le font et sont ensuite remboursés.»

Mais les ministres perçoivent-ils la même somme si l’hébergement et la nourriture sont pris en charge par une instance internationale ou par le gouvernement du pays qu’ils visitent ? Officiellement, une formule est travaillée par le ministère des Finances pour un per diem réduit, explique Xavier-Luc Duval.

Quelle est la pratique ?

En pensant aux per diem alloués, un ex-conseiller au bureau du Premier ministre a choisi d’en rire. Il explique que la culture du voyage chez les élus est bien ancrée. D’ailleurs à l’étranger, la réalité est tout autre. Ces derniers logent chez leurs parents, leurs amis et même, se rappelle-t-il, un ministre a préféré habiter chez le chauffeur de l’ambassade mauricienne pour éviter de payer son hébergement. «En plus, les ministres sont tout le temps invités à déjeuner et à dîner chez des gens ou par les instances de l’État», indique-t-il. Mais ces arrangements sont officieux. Ce qui veut dire que les ministres empochent quand même l’intégralité de leur per diem.

Pire encore, il y a même des compagnies étrangères qui sponsorisent le voyage de ministres sans que l’État n’en soit informé. Cela peut être des hommes d’affaires amis ou ceux qui veulent investir à Maurice. «L’on peut frôler la corruption», soutient cet ex-conseiller. Mais pour lui, cette culture est un secret de Polichinelle bien gardé dans les milieux politiques.

Quelle est l’alternative ?

<p style="text-align: justify;"><a href="https://www.lexpress.mu/article/341414/kris-ponnusamy-il-faut-un-mecanisme-pour-eliminer-ingerences-politiques" target="_blank">Kris Ponnusamy</a>, ancien haut fonctionnaire, explique que le système de per diem mauricien est calqué sur les standards de l&rsquo;International Civil Service Commission des Nations unies. Cependant, cela ne veut pas dire qu&rsquo;il soit <em>&laquo;flawless&raquo;</em> (sans faille). Pour un ancien conseiller du gouvernement, il faudrait plutôt demander aux ministres et fonctionnaires de présenter leurs reçus après leurs missions pour qu&rsquo;ils soient remboursés. Un système auquel adhère Kris Ponnusamy. &laquo;<em>Le but du per diem est que quelqu&rsquo;un ait son dû. Qu&rsquo;il puisse survivre</em> <em>avec un niveau respectable dans un pays étranger mais pas pour qu&rsquo;il s&rsquo;enrichisse.</em>&raquo; Il conçoit cependant que le système de reçus serait compliqué, puisqu&rsquo;il ajouterait à la paperasse.</p>

 

Ces cas qui ont défrayé la chronique

Teeluckdharry, contre les «Maigres» per diem

En novembre dernier, l’ex-Deputy Speaker, Sanjeev Teeluckdharry se plaignait du montant des per diem. Il déplorait, dans une lettre à Maya Hanoomanjee, la speaker, qu’il était envoyé dans des pays «sous-développés et dangereux» et pour lesquels il touchait de maigres per diem. Il a notamment cité son voyage au Nigeria pour lequel il n’a touché «que» Rs 69 000 pour huit jours.

Gurib-Fakim et ses Rs 13,3 millions

Rs 13,3 millions. C’est ce qu’Ameenah Gurib-Fakim a touché comme per diem, de 2015 à 2018. Les 33 missions de l’ex-présidente de la République ont d’ailleurs fait l’objet de polémique en 2016 au Conseil des ministres. Plusieurs ministres voyaient d’un mauvais oeil les voyages incessants de la présidente.