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Jimmy Gentil, 44 ans: le cordonnier garde les pieds sur terre

29 septembre 2018, 21:44

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Jimmy Gentil, 44 ans: le cordonnier garde les pieds sur terre

Des autobus, des piétons, des taxis, des marchands de nourriture, des fleurs. Sous le ciel bleu portlousien, un attroupement. Une dizaine de personnes bien chaussées collent gentiment aux basques d’un monsieur en savates. Le cordonnier n’a pas le temps de leur serrer la pince, il met du cœur à l’ouvrage. Rencontre de fil en aiguille.

Jimmy – pas Choo - mais Gentil, est tombé dans la boîte à cirage quand il était gamin. «Mo ti éna 13-14 an. Mo ti pé rekoud mo soulié football souvan lerla mem monn gagn laméla.» Sur son dos, un maillot bleu du club de Chelsea. Il n’en est même pas fan. La télé, il n’a pas trop le temps de la regarder. «Manzé mem parfwa pa kapav telman éna travay.»

Les affaires marchent plutôt bien. Il se fait entre Rs 400 et Rs 1 000 par jour grâce à son métier. Qu’il a appris en prison. Voyez-vous, Jimmy Gentil n’a pas toujours été sage. Mais il s’est cramponné à l’espoir, derrière les barreaux, pendant six ans. Son talon d’Achille d’alors: la drogue. «Monn al andan akoz sa…»

Là-bas, son chemin a croisé celui d’un policier. «Mo pa pou blié missyé Mootoo. Linn ankouraz mwa pou kontinié apprann métie kordonié-la.» Une fois dehors, nullement usé, bien au contraire, il a atterri à la gare de PortLouis, avec un ami, Alain, qui l’a aidé à démarrer du bon pied.

Depuis, tous les jours, de 8 h 30 à 16 heures ou plus, il est assis à la même place, aux pieds d’une vieille cabine téléphonique qui fait le pied de grue. «Bann gard inn bien ed mwa, zot less mwa asiz isi pou travay, mo rémersié zot.» Grâce à son boulot, il a pu aider sa fille, qui a pris part aux examens du HSC et Jimmy n’en est pas peu fier.

Les clients se pressent autour de lui. Semelle et fil s’entrelacent sous les doigts experts de Jimmy. «Ki bizin fer ladan ? Guet talon, met antidérapan sa ?» Dames, demoiselles et Messieurs sont nombreux à faire appel aux talents de celui qui redonne vie aux vieilles chaussures.

Pourquoi certains préfèrent-ils lui confier leurs semelles plutôt que d’aller s’acheter une nouvelle paire ? C’est une question d’attachement aux lacets. «Ena dimounn kontan zot kitsoz. Apré zot prefer paye Rs 100 pour fer repar li ki al asté enn lot per pou Rs 700-1 000.»

Ses doigts filent désormais à cent à l’heure, ils piquent un sprint, les clients sont pressés mais patients. Jimmy a la tête dans les souliers. Son but ? Préparer la relève, même si le métier de cordonnier ne botte plus les jeunes. «Mo ti anvi kapav form zot, parski enn zoli métié sa. Mé foldé zot anvi.»

Malheureusement, ils ne courent pas les rues.