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Les origines de la floraison du «communalisme» politique

21 septembre 2018, 22:57

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Les origines de la floraison du «communalisme» politique

L’auteur affirme qu’il nous faut connaître l’histoire politique du pays pour mieux comprendre l’éclosion du communautarisme chez nous. Il le fait remonter aux années 1940, sous la gouvernance de sir Bede Clifford.

Nos chefs politiques disent tant de contre-vérités sur le «communalisme» qu’il faut leur rappeler un peu d’histoire. Un lecteur, professeur d’université américaine, m’a affirmé qu’il a réussi sa thèse de masters aux USA, où il a cité mes deux volumes d’histoire publiés en 2012 (republiés bientôt en trois volumes, le troisième étant les résultats de toutes les élections générales à Maurice de 1790 à 2014). Ce qui fait que je dois faire des rappels historiques quand je trouve cela urgent, comme dans le débat actuel, pour que la discussion se réfère à la vraie recherche.

Je citerai aujourd’hui celle d’une chercheuse, Amenah Jahangeer-Chojoo, du Centre for Mauritian Studies, au Mahatma Gandhi Institute. Dans l’express du 26 janvier dernier, j’avais retracé, comme suit, la vraie origine du «communalisme » à la première proposition de réforme électorale par un gouverneur anglais : «Les gouvernements mauriciens depuis l’Indépendance refusent l’enseignement de l’histoire à l’école pour maintenir le même ‘communalisme’ qui fut introduit dans les années 1940 par le gouverneur anglais Bede Clifford (NdlR, gouverneur de Maurice de 1937 à 1942), héros des travaillistes mauriciens (à lire dans les livres d’historiens travaillistes)».

Je continuais en disant que Bede Clifford (NdlR, il fut gouverneur des Bahamas de 1932 à 1937) «fut impliqué dans la plus grosse fraude des Caraïbes, où il rasa tout un village d’indigènes pour s’engager dans un projet immobilier scandaleux, la Cara Dam Scandal, dont on parle encore aujourd’hui. Si vous lisez les livres et écrits de deux des plus glorieux politiciens mauriciens, le missionnaire hindou Professeur Basdeo Bissoondoyal et son frère Sookdeo Bissoondoyal, vous saurez que c’est Bede Clifford qui started the communal hare à Maurice».

Un des gros scandales de l’ex-gouverneur de Maurice est décrit par H. M. Kirk- Greene dans un livre volumineux sur les gouverneurs européens en Afrique : «not that a private income necessarily ensured a peaceful administration. In the Bahamas, His Excellency the Honourable Bede Clifford, followed up his legislators’ agreement to turn the island into a tax-free haven and tourist attraction by himself purchasing a hotel, a beach, and a golf course, which he then proceeded to sell to his own Bahaman government» (African Proconsuls. European Governors in Africa. L.H. Gann & Peter Duignan, eds. New York/London/Stanford. The Free Press/Collier Macmillan Publishers & Hoover Institution).

Ethnic politics

La chercheuse mauricienne Amenah Jahangeer- Chojoo rappelle ici ce qu’aucun chef politique apte à déformer l’histoire nationale ne vous dira : la floraison du «communalisme» eut lieu après qu’aucun musulman ne fut élu aux premières élections générales modernes qui eurent lieu en 1948 et dans le sillage aussi des seules élections tenues à Maurice dans un système de 40 circonscriptions. Elle dit :

An electoral system was introduced in Mauritius since 1889, in the shape of the First Past The Post system. Restricted voting rights ensured that only the propertied classes were returned. When enlarged suffrage, giving right of vote to every adult who could read and write a minimum in any language, was introduced in 1948, the election results sent shock waves to minorities: of the 19 elected members, 11 were Hindus, returned in rural constituencies, one was Franco-Mauritian and seven were Coloured/Creole members, returned in urban constituencies. No Muslim candidate was returned, despite the presence of a certain concentration of Muslim population in Port-Louis and no Chinese stood for election (Simmons 1982: 107).

Class-based politics, that was initiated during the 1930s, was swept aside, replaced by ethnic politics. The new Constitution forced a complete realignment in Mauritian politics (Simmons 1982: 101). The new game of democracy made groups consider formation of parties along ethnic lines and striking pre-election alliances. The Coloured elite allied itself with the Franco- Mauritians; the Muslim commercial elite joined with them briefly to reinforce minority strength. In 1958, a group of Muslims led by Abdool Razack Mohamed, a trader, formed an exclusive party, the Comité d’action musulman (CAM). For the 1959 elections (the first after universal suffrage), they struck an alliance with the Labour Party (LP).

La une de «l’express» du 9 août 1967, avec les résultats des
élections générales tenues deux jours plus tôt.
L’île Maurice sera indépendante. 

The LP had by now become a party strongly held by the Hindu elite, headed by Dr Seewoosagur Ramgoolam. Thus, a form of powersharing experiment was tried. The coalition game would be further extended during the 1960s, to briefly incorporate even the staunch opponents of the Labour Party in power, namely the Parti mauricien social-démocrate (PMSD) (1964), and the Independent Forward Bloc (IFB) of Sookdeo Bissoondoyal, who was opposed to the elitism of the LP. That was a case of Grand Coalition, where every party/segment as well as conflicting ideologies were taken on board. It did not last long since highly diverging opinions could not co-exist: the Independence issue divided the Labour Party and its allies who were in favour and the PMSD, which was against it. Decision- making had become extremely difficult in the coalition. In fact, the majoritarian system requires an opposition to function well and the Mauritian system was a peculiar combination of both majoritarianism and consociationalism.

Post-Independence politics has also often been characterised by enlarged coalitions. Power-sharing, through coalition of parties, would become the most common form of government, thus in all appearance reinforcing consensus democracy. It is far from clear however, whether representation by the elites of the various groups in a powersharing arrangement did in fact give representation to the whole population», (From Minority to Mainstream Politics: The Case of Mauritian Muslims, Amenah Jahangeer- Chojoo Centre for Mauritian Studies, Mahatma Gandhi Institute, Moka, Mauritius).

Le professeur américain cité plus haut, qui enseigne à Washington D.C., fut émerveillé d’apprendre de moi que Maurice a des élections générales depuis les années 1790. Pourtant, nos chefs politiques ne peuvent pas imaginer toute la richesse d’avoir une si profonde et longue tradition électorale.

D’après les bribes du projet gouvernemental de réforme électorale que publient les médias, tous aussi peu au courant de l’histoire nationale que les chefs politiques, il semblerait que l’imposition brutale d’un deuxième – après le BLS – système de représentation proportionnelle, où les chefs de parti remplaceront la commission électorale, ouvriraient ainsi la porte à la corruption qui caractérise la classe politique. Cela, avec des sièges cédés peut-être à de riches candidats/ barons de la drogue (lire le report Lam Shang Leen) battus comme candidats et voulant payer quelques millions pour devenir parlementaires «correctifs».

Il faudrait alors que la réforme comprenne la condition que chaque candidat produise un certificat de moralité obligatoire, propre et vierge, sans aucun délit financier ou de fraude, etc., signé par le Directeur des poursuites publiques.