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Cinq ans après la mort de Méric, deux ex-skinheads condamnés à 7 et 11 ans de prison

15 septembre 2018, 00:56

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Cinq ans après la mort de Méric, deux ex-skinheads condamnés à 7 et 11 ans de prison

 

Deux ex-skinheads impliqués dans la mort du militant antifasciste Clément Méric, tué lors d’une rixe en 2013, ont été condamnés vendredi à des peines de 7 et 11 ans de prison par la cour d’assises de Paris, qui a acquitté un troisième accusé.

La peine la plus lourde a été infligée à Esteban Morillo, qui a reconnu être l’auteur des coups mortels. Samuel Dufour, qui a participé à la rixe mais n’a pas frappé Méric, a été condamné à sept années d’emprisonnement.

L’un et l’autre vont faire appel, selon leurs avocats respectifs.

Le troisième accusé, Alexandre Eyraud, qui n’a porté aucun coup, a été acquitté.

A l’énoncé du lourd verdict, après neuf heures de délibéré, les accusés sont d’abord restés figés. Esteban Morillo stoïque, Samuel Dufour sidéré puis en larmes, Alexandre Eyraud soulagé.

Les deux condamnés, âgés de 25 ans, ont quitté la salle menottes aux poignets, tandis que les gendarmes avaient été déployés en nombre aux abords de la salle, où familles et amis des deux parties étaient venus en soutien.

Les parents de Clément Méric ont dit leur soulagement: «La décision de la cour d’assises établit des responsabilités et fait un sort aux mensonges concernant le comportement de Clément. Il y a eu des agresseurs et des agressés, ils ne sont pas renvoyés dos à dos, comme cela a été le cas depuis cinq ans», a déclaré son père Paul-Henri Méric.

«Désaccord absolument total» 

Pour une agression «d’une sauvagerie inadmissible», l’avocat général avait requis jeudi 12 ans de réclusion criminelle à l’encontre d’Esteban Morillo et demandé sept ans d’emprisonnement contre Samuel Dufour, qui se battait à ses côtés.

L’accusation a été suivie en tous points dans son raisonnement les concernant, les deux ex-skinheads étant condamnés pour coups mortels en réunion et avec arme, circonstances aggravantes.

En revanche, la cour s’est refusée à inclure Alexandre Eyraud dans «l’action collective», personne ne l’ayant vu donner le moindre coup. Quatre ans dont deux avec sursis avaient été requis contre lui.

Le 5 juin 2013, Clément Méric, antifasciste de 18 ans, s’est écroulé sur le bitume de la rue Caumartin, lors d’une rixe entre militants d’extrême gauche et skinheads d’extrême droite, après une rencontre fortuite dans une vente privée de vêtements de la marque Fred Perry.

La mort du jeune homme choque l’opinion et fait ressurgir le spectre des violences d’extrême droite. Le gouvernement dissout plusieurs groupuscules d’ultradroite, notamment Troisième voie, dont étaient proches les accusés.

Deux semaines de débats ont permis de décortiquer une scène de «sept secondes», mais laissé de nombreuses zones d’ombre.

Pour l’avocat général, la «bataille aurait pu être évitée» si les skinheads n’avaient pas choisi, en sortant du showroom, d’aller «droit» sur les jeunes antifascistes qui patientaient dans la rue. Clément Méric, qui se remettait d’une leucémie, ne représentait «aucun danger» pour eux.

Au contraire, la défense avait décrit la «peur» montant dans les rangs des skinheads, interpellés par «les rouges» qui les traitaient de «nazis» et prévenu qu’ils allaient «les attendre à dix en bas».

L’accusation n’a pas cherché à reprendre tous les éléments d’un dossier où témoins et expertises se contredisent, mais s’est attachée, avec succès, à convaincre les jurés du caractère collectif du crime.

Le crime «causé par la violence de l’un est favorisé par l’action des autres»: il avait ainsi demandé de condamner Samuel Dufour parce qu’il empêchait les camarades de Clément Méric de venir à son secours.

«Je ne me résous pas au gloubi-boulga juridique, avait bondi l’avocat de Samuel Dufour, Antoine Vey. Vous ne pouvez pas condamner Dufour pour ce qu’il n’a pas fait!».

Dans cette affaire, avait résumé l’avocat d’Esteban Morillo, Me Patrick Maisonneuve, «on ne saura jamais qui a donné le premier coup» et personne «ne peut avoir de certitude» quant à la présence d’une arme. Vendredi soir, l’avocat dit son «désaccord absolument total» avec la décision rendue.

«L’incarcération n’est jamais une victoire», a estimé Agnès Méric, la mère de Clément, avant de quitter le palais de justice. «Ce qu’il faut, c’est continuer à lutter contre ce qui fait le terreau de l’extrême droite.»

Au même moment, 500 militants et sympathisants antifascistes manifestaient à Paris, scandant: «Clément ! Clément ! On n’oublie pas, on pardonne pas».