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Hilbrand Rozema: «L’Angleterre est en train de réaliser sa vraie place sur l’échelle mondiale»

9 septembre 2018, 18:00

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Hilbrand Rozema: «L’Angleterre est en train de réaliser sa vraie place sur l’échelle mondiale»

Hilbrand Rozema est un journaliste néerlandais. Responsable culture de «Nederlands Dagblad» (Dutch Daily), il a assisté aux dernières auditions de l’affaire Chagos devant la Cour internationale de justice. Ce journaliste, poète à ses heures perdues, livre son analyse de toute cette bataille qui ne lui est pas étrangère.

Que vous évoque cette bataille?

Je vais être franc, c’est une bataille assez spéciale. Nous parlons d’une petite île qui s’en va-t-en guerre contre une grande puissance, avec des chances de gagner. Imaginez que vous deviez marcher avec un petit caillou dans la chaussure. Au début, même si c’est gênant, vous vous en sortirez. À la longue, il faudra enlever le caillou. C’est ce qui se passe.

Peu importe le poids de ces super puissances et l’importance stratégique de cette base pour les États-Unis, le temps d’enlever le caillou est arrivé. Certes, l’argument de l’emplacement stratégique de la base en raison de sa proximité avec l’Afghanistan et l’Iraq, entre autres, tient. Il n’empêche que la plaie est restée ouverte trop longtemps pour que les arguments d’une seule partie concernée soient considérés.

Donc en tant que Néerlandais, cette bataille lointaine vous intéresse?

Il y a un lien historique entre Maurice et les Pays-Bas. Mais il n’y a pas que cela. Mon pays a été une puissance coloniale et l’histoire n’a pas toujours été heureuse. Il y a 20 ans, le pays se battait pour garder l’Indonésie et tout le cafouillage entourant la Papouasie Nouvelle-Guinée. Ce peuple a toujours eu les mauvaises cartes de l’histoire et ils font un appel presque quotidien sur les réseaux pour être reconnus comme un peuple des Îles Pacifiques et non indonésien. Vu le rôle des Pays-Bas dans ce cafouillage, je pense que nous avons le devoir de soutenir cette cause, qui n’est pas sans rappeler le combat des Chagossiens.

Quand avez-vous entendu parler des Chaos pour la première fois?

J’ai une amie et collègue qui a écrit un livre sur les Chagos. Il y a aussi le romantisme que cette région du monde évoque. On parle d’îles tropicales, d’atolls… C’est assez spécial car lorsqu’on imagine ces paysages, on pense à autre chose qu’une bataille pour la décolonisation devant une instance internationale. Il y a cette notion de mystère, d’attirance. Que se passe-t-il là-bas ?

Il y a eu la visite de 2006, des journées de voyages pour y arriver, la scène de désolation, cette dame qui a crié de désespoir lorsqu’elle a vu un singe dans l’église... Mais les visiteurs ont aussi vu les parties de l’île que les Britanniques ont gardées en état. Un tel lieu, perdu dans l’océan Indien avec une importance si stratégique est en paradoxe en soi.

Vous avez assisté aux dernières auditions. Vous en pensez quoi?

Sans vouloir supputer sur la décision de la Cour internationale de justice, l’optimisme règne. J’ai parlé aux délégations et aux avocats, tous sont très positifs. Mais bon, en tant que Néerlandais, je reste pragmatique. Il y a un dicton local qui dit: «You can be right but that does not mean you will get your rights». Tous les différends que mon pays a connus ont été réglés à travers des compromis et je trouve que c’est la voie sur laquelle Maurice s’engage.

En venant devant la Cour internationale de justice?

Soyons réalistes. Les dirigeants de Maurice savent qu’il est improbable que les Américains ferment la base et partent. Les Américains ne sont pas dire «Ok, nous partons»... Cela n’arrivera pas. Donc, la position est celle d’un compromis. La base militaire reste, même si Maurice récupère la souveraineté.

Mais si c’est le cas, il faudrait s’assurer quand même que le peuple chagossien ait le droit de retour. On a tous entendu le cri du coeur de Mme Liseby Elysé et les revendications d’Olivier Bancoult. Ils ont non seulement des liens ancestraux mais aussi un droit historique sur cette terre.

Je ne vois pas pourquoi la présence de la base ne pourrait pas être compatible avec la présence des Chagossiens et Mauriciens. Nous parlons de peuples pacifiques qui, contrairement à l’Angleterre et les États-Unis, n’ont jamais déclaré la guerre. S’ils ne sont pas contre l’idée de compromis, il n’y aura pas de problème.

Un mot de la fin?

La décision de la Cour sera très intéressante, surtout au moment où l’Angleterre s’isole de plus en plus avec le Brexit, mais en même temps, se bat pour conclure des accords commerciaux. Nous parlons d’un gouvernement qui ne peut tenir ses promesses. Ils sont confrontés aux lois de l’Empire et sont en train de réaliser leur véritable place sur l’échelle mondiale.