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Vasant Bunwaree: «Le Parti travailliste doit savoir que la bataille n’est pas gagnée d’avance»

8 septembre 2018, 22:51

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Vasant Bunwaree: «Le Parti travailliste doit savoir que la bataille n’est pas gagnée d’avance»

Après sa démission du gouvernement Ramgoolam et la création du Mouvement travailliste militant en 2014, Vasant Bunwaree revoit rouge. Non pas de colère mais pour s’activer aux prochaines élections. Avec ce come-back au Parti travailliste, l’ancien ministre rouge veut préparer les jeunes à la relève. Le point.

Quel est l’objectif de votre retour au Parti travailliste (PTr) ?
La grosse majorité des travaillistes du pays m’ont fait sentir que ma place est au PTr. J’ai été dans l’opposition, ministre, député de la circonscription n°12 et secrétaire général du PTr et je constate un rejet pour le gouvernement actuel. Les gens me disent que je serai plus utile dans ce parti.

Et avec ce come-back à «lakaz papa», visez-vous un poste clé au PTr ou un ticket pour les élections générales ?
Mo pa koné ki lakaz ou pou apel sa. Pour moi, c’est simplement le PTr, un parti qui est d’ailleurs ancré dans l’histoire. Moi, je souhaiterais être candidat aux prochaines élections mais pas nécessairement ministre.

Pour tant, en 2014, vous scandiez que «vré travayis inn perdi so valer» en démissionnant comme ministre de l’Éducation et du parti ? Les avez-vous subitement retrouvées, ces valeurs ?
Quand j’ai rompu avec le PTr, je voulais faire revivre le vrai travaillisme. À sa création, le parti prônait la défense des travailleurs. J’ai intégré la politique en 1987 et j’ai créé le nouveau PTr avec l’équipe. Des valeurs se sont effritées, ce qui a causé mon départ. Depuis quelque temps, le PTr a commencé à faire une remontée grâce au gouvernement actuel au lieu du parti lui-même.

En 2014, les gens ne voulaient pas du PTr, avec le programme énoncé. Moi non plus. Je suis donc parti, avec raison. Presque tout a été balayé par l’électorat, signe qu’on refusait cet accord entre le Mouvement militant mauricien (MMM) et le PTr, conclu un peu sur le dos du peuple. Du coup, on a mis cette bande-là au pouvoir. Or, l’électorat ne veut plus d’elle désormais. Voilà, les gens disent maintenant «vo mié PTr mem»…

Pourquoi ce revirement ?
Hélas, ils mentionnent cette préférence par défaut. J’aimerais qu’ils le disent par conviction. Pour que cela arrive, il y a des choses à faire. Nous n’avons qu’un an et demi, voire moins. On ne doit pas tromper l’opinion publique. L’électorat votera différemment. Les Mauriciens feront leur choix selon leurs critères, pas sur ce qu’on veut leur imposer. Ce sera au PTr de faire le travail correctement pour rassembler le maximum de citoyens derrière son projet de société.

Si j’allais seul aux élections, j’aurais présenté le mien. Par exemple, je suis pour un référendum sur des problèmes nationaux. Avec un tel système, pour le métro léger, les gens auraient pris position pour ou contre. Je ne suis pas contre ce mode de transport. On allait le faire, mais on est contre la façon de procéder du gouvernement. Qu’estce que cela va-t-il pouvoir résoudre entre Port-Louis et Rose-Hill ?

Pourquoi l’ancien régime n’a pu concrétiser ce projet ?
Cela  côutait  environ Rs 28 milliards. Marké gardé, quand il sera terminé, ce métro léger ressemblera à celui préconisé par le PTr. Pourquoi Bhadain a-t-il fait du bruit ? Uniquement parce que le projet travailliste a été modifié et cela lui causait un problème à Quatre-Bornes. Le changement a fait une économie de Rs 8 à 10 milliards, une somme qu’il faudra trouver maintenant.

En 2014, vous aviez fièrement créé votre parti, le Mouvement travailliste militant (MTM). Est-il défunt ou en veille ?
Suivant les rencontres avec le leader du PTr, on est tombé d’accord pour retravailler ensemble et reprendre le flambeau du travaillisme. Ce n’est pas deux partis mais une équipe qui vient. J’ai rencontré mes instances. À l’unanimité, on a décidé de geler les activités du MTM pour donner priorité au PTr. On a des cellules dans toutes les circonscriptions, dont certaines bien étoffées aux nos10, 11, 12 et 13 et d’autres moins fortes, comme au n°19. Dans la conjoncture actuelle, pour réussir avec un parti, cela demande beaucoup de travail et d’argent. Cela allait prendre du temps pour faire passer les idées du MTM qui ressemblent aux valeurs du PTr.

Avec la campagne électorale, les jeux d’alliance sont de rigeur. Avec quel parti irez-vous aux prochaines élections ?
Je ne peux répondre pour le PTr. Chez moi, au MTM, il y a eu l’unanimité. De leur côté, la question doit être débattue. Certains, et cela concerne une minorité, pourraient ne pas être d’accord. Mais les élections sont presque derrière la porte. Il ne faut pas tarder. Le PTr doit savoir que la bataille n’est pas gagnée d’avance. Les chances sont là, mais il y a beaucoup de travail à abattre.

Récemment, le Reform Party de Bhadain saluait le PTr qui intègre de jeunes adhérents en politique. Une alliance se prépare-t-elle ?
Je ne peux répondre. Moi, je viens renforcer le PTr avec une équipe de personnes, à savoir que 80 % sont des travaillistes et 20 % issus d’autres partis, y compris du Mouvement socialiste militant (MSM). Une fois les choses finalisées avec le PTr, il y aura une absorption de ceux qui étaient avec moi.

Dans les meetings et autres manifestations politiques, pourtant, on ne voit guère ces jeunes loups…
Le problème, c’est qu’ils ne peuvent se manifester pour le moment. Je ne peux les exposer. Ils ne le veulent pas non plus se mettre sur le devant de la scène, mais ils existent. La crainte est que nos jeunes soient taxés d’anti-gouvernement.

Le renouvellement de l’élite politique est critiqué dans la plupart des partis. Pourquoi ?
En janvier 2007 ou 2008, je disais déjà, dans une interview à l’express, que le PTr ne prenait pas soin de la préparation de la relève. Tous les partis affirment qu’il faut faire de la place pour les jeunes. C’est vrai, mais attention à cette vérité. Les jeunes se sentent perdus. Ils n’aiment pas ce genre de gestion, mais veulent des valeurs comme l’élimination des disparités, etc. Leur intérêt politique est là, tout comme le découragement. Pendant quelque temps, Bhadain fut le guide. Il ne l’est plus car il n’a pas su intérioriser ses valeurs.

Cependant, n’éliminons pas les moins jeunes et les plus âgés dont je fais d’ailleurs partie. J’aimerais faire du mentoring pour préparer la relève. Parallèlement, ne tombons pas dans un autre écueil où on risque d’avoir des jeunes à problèmes. Il y en a avec des défauts qui risquent de venir plus vite que ceux qui en sont dépourvus et pourraient représenter l’avenir. Il est impératif de connaître leur parcours dès la petite enfance.

D’autant que l’incident du jeune accusé «d’agression» sur Navin Ramgoolam relance la question de consommation d’alcool durant les meetings. Que faut-il faire ?
Je suis déçu quand je vois qu’il y a des situations, par exemple le 1er-Mai, où, pour regrouper les jeunes pour un meeting, on remplit l’autobus avec des bouteilles à l’intérieur. Parfois, les jeunes les reçoivent à la fin ou ils ont déjà bu avant. Cela ne doit pas exister.

Et sur les coffres de Ramgoolam, quel est votre avis ?
Tout le monde était choqué. Moi, y compris. Je me pose alors une question : croyez-vous que ce problème survienne uniquement chez Ramgoolam ? Qui va croire que chez le MSM il n’y a pas de coffre-fort ? À défaut, il y a des armoires ou d’autres endroits. Le vrai débat, c’est la clarté, le financement des partis politiques, la transparence. Il faut une loi solide. Sur les baz, l’argent peut circuler d’une certaine façon, pour animer les choses. On donne mais d’une façon calculée et mesurée. Il faut veiller à instaurer une rigueur.

Pourquoi toutes ces démissions au MMM ?
Obeegadoo et consort ont été poussés à la sortie après un petit mouvement en arrière. Eux n’ont pas pris les devants. Le salut pour ce pays aurait été un regroupement de toutes ces personnes bien pensantes, avec des valeurs allant au-delà des paroles. Par exemple, Obeegadoo ou encore quelquesuns chez Ganoo, tout comme au MMM et au MSM, même si ce n’est pas beaucoup. Si on regroupait ces bonnes volontés-là, on pourrait redonner confiance à la jeunesse. J’ai pensé qu’ils pourraient venir et discuter avec un parti. Le PTr pourrait en être le moteur.

Les réformes éducatives ont toujours été vivement critiquées. Et là, on arrive avec le Primary School Achievement Certificate (PSAC). Est-ce la solution ?
C’est quoi ce Nine-Year Schooling-là ? C’était préconisé par le gouvernement travailliste. J’étais ministre de l’Éducation. C’était mon bébé. J’ai fait tout ce qu’il fallait…

On vous a donc volé votre «bébé» ?
On ne me l’a pas volé. On me l’a pris. La démocratie l’exige. Ils ont pris le même programme et fait quelques petits ajustements, genre un millième. La preuve ? Le gouvernement est arrivé en décembre 2014. En mars 2015, la ministre va à la télévision et dévoile sa réforme. En trois mois, cela peut se faire ? Tout avait été fait avant.

Je ne voulais plus de la rat race. Leur changement engendre beaucoup plus de problèmes, surtout des leçons privées illégales. On a enlevé le Certificate of Primary Education et remplacé par le PSAC. Quelle différence ? Zanfan pou lager pou gagn bon kolez. Léson gramatin midi tanto. Le seul changement : au lieu du territoire, l’élève sera limité à la zone.