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«À 50 %, c’est l’argent qui motive le départ des Mauriciens pour l’étranger»

24 août 2018, 22:24

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«À 50 %, c’est l’argent qui motive le départ des Mauriciens pour l’étranger»

Que pensez-vous de la performance de la main-d’œuvre mauricienne?
J’entends dire que beaucoup de Mauriciens, de talents, sont en train de partir. C’est l’exode. Demandez à n’importe quel entrepreneur comment il trouve la performance des Mauriciens au travail. Il vous dira que ce n’est pas facile de travailler avec eux. Pourtant, ces mêmes Mauriciens, quand ils partent ailleurs, ils exercent très bien. Le talent local peut-il véritablement s’exprimer ici ou doit-il forcément s’installer ailleurs pour le faire ?

Votre avis sur ce talent local qui bouillonne?
Pourquoi partir ? Lui donne-t-on l’opportunité de se développer ici ? Oui, je sais, il y a l’enjeu financier. Effectivement, à 50 % voire 60 %, c’est l’argent qui motive le départ des Mauriciens pour l’étranger. Parallèlement, il y a cette expression intellectuellement, professionnellement parlant et même affectivement. C’est tout un système, qu’il soit privé ou public. Je ne blâme personne.

«Les ‘millennials’ et les ‘decennials’, donc la génération Z, sont différents. Cette génération est plus impatiente, plus connectée aux réseaux sociaux. Beaucoup veulent tout avoir rapidement, avec le minimum d’efforts. Pour eux, faire des dépenses, penser au bien-être social sont plus importants que faire des économies…»

Quelle différence faites-vous entre les secteurs privé et public?
Les deux ne sont pas nécessairement différents. Il y a un sentiment de frustration que j’observe. C’est une léthargie qui prend les devants. Maintenant, nous traitons avec une nouvelle génération. Les «millennials» et les «decennials», donc la génération Z, ils sont encore plus différents. Dans ma conférence, j’ai accueilli des participants du secteur privé qui ne voulaient pas venir. Ils l’ont fait car l’entreprise les y avait enregistrés. Mais, au final, cela a été très productif.

Et ces petits jeunes deviennent tout aussi plus exigeants? Absolument. Il faut pouvoir les gérer. Et ce n’est pas facile. Le système va devoir s’adapter. Cette génération est plus impatiente, plus connectée aux réseaux sociaux. Ces jeunes présentent des avantages et des désavantages.

Lesquels?
Je citerais à ce titre leur impatience. Beaucoup veulent tout avoir rapidement, avec le minimum d’efforts. Pour eux, faire des dépenses, penser au bien-être social sont bien plus importants que faire des économies d’argent. C’est la génération avec laquelle on traite.

Comment faire pour gérer cela ? On peut être dépassé. Quand je parle de système, celui-ci a fonctionné sans doute pour quelque temps. Pensez à la hiérarchie par exemple. La génération actuelle n’aime pas ça. Elle veut pouvoir rencontrer son patron ailleurs qu’au bureau et discuter, etc.

Le paradoxe est que cette jeune génération est très, voire trop technophile alors que l’ancienne garde peut peiner à intégrer ces nouveaux outils au travail. Comment y remédier?
En un mot : l’adaptation. Si on apprend, on adapte. Une simple question : qui n’a pas aujourd’hui un téléphone intelligent ? C’était difficile au départ. On a même deux appareils parfois. En même temps, la situation n’offre pas d’alternative.

Dans le marketing, Malcolm Gladwell a écrit un livre axé sur le «tipping point». Par exemple, si quelqu’un veut vendre un téléphone d’une marque précise aux gens, sur sept personnes, il y en aura toujours deux qui montreront leur intérêt. Deux autres résisteront et ne voudront jamais changer. Et les autres ne seront pas si sûrs. Il y aura un «tipping point» où trois à quatre adopteront cela telle une norme. C’est ce qui s’est passé avec cet outil de communication. Si on vous voit avec un téléphone analogique, on dira que vous n’êtes pas normal.

Aujourd’hui, les entreprises doivent pouvoir travailler avec le système. Et celui-ci tourne avec l’intelligence artificielle. J’ai déjà une liste des professions qui n’existeront plus dans dix ans…

D’ailleurs, avec la Fintech et l’intégration technologique dans les services financiers, le remplacement de l’humain par la machine n’est qu’une question de temps. Quels autres secteurs seront concernés par cette évolution?
D’abord, il y a les caissiers de banque, les analystes de crédit, les agents de vente, les chauffeurs. Désormais, l’ère des voitures automatisées est arrivée. Vous savez, pour les arbitres sportifs, les matchs seront automatisés. Ensuite, on a les comptables, caissiers, entre autres.

Déjà, maintenant, pour un transfert, je n’ai pas besoin d’aller à la banque. À partir de quelques touches du téléphone, le tour est joué. Le système marche tellement mieux que l’être humain a le potentiel de pouvoir s’exprimer beaucoup plus. Il a donc du temps qu’il peut gérer.

«La nature même de la formation a changé. Tout comme les techniques d’enseignement. Et cela ne se limite pas uniquement aux universités. Pensez aux grands entrepreneurs. Ils ont soif d’apprentissage. Mais le petit ou moyen entrepreneur ? Il doit pouvoir y adhérer lui aussi.»

Et les professions difficiles à remplacer?
Dans cette catégorie, je pense aux médecins et chirurgiens, les prêtres, les administrateurs éducatifs, les artistes et chorégraphes, les maquilleurs, les professeurs, les physiothérapeutes, entre autres professions que la technologie ne pourra suppléer.

Depuis des années, Maurice est sujet à une formation inadéquate face aux offres sur le marché de l’emploi. Comment y remédier?
Vous savez, la technologie est difficile et change si rapidement. Ce qu’il faut, c’est l’enseignement. L’aptitude c’est comment s’adapter et être multitâche. Pour moi, chaque changement nécessite la connexion émotionnelle. Si je ne le fais pas avec vous, rien ne pourra se passer. C’est pour cela qu’on enseigne tellement l’intelligence émotionnelle. La communication se fait d’un humain à un autre.

Revenons aux jeunes. Ceux de 17 ans sont sur leur mobile à regarder plusieurs choses simultanément. On doit pouvoir connecter l’autre émotionnellement. Les valeurs sont parfois si différentes. Les participants à la conférence ne se souviendront pas forcément de tout ce qui a été dit. Par contre, ils se remémoreront les émotions ressenties. L’enseignement doit pouvoir toucher à cela. Même dans une entreprise, un leader doit maîtriser cet élément clé.

Quel serait le modèle idéal de formation?
Premièrement, cela doit être une éducation continue. La formation ne doit pas forcément être longue car elle devient rapidement obsolète arrivée à terme. Un programme court et adapté est requis. D’ailleurs, le remboursement de 50 % des frais aux entreprises pour les formations des employés est une bonne initiative.

Deuxièmement, avons-nous accès aux formations ? Les programmes voulus existent-ils ici ? C’est pour cela que beaucoup de Mauriciens partent ailleurs. Où se trouve le système pouvant encourager les formateurs de l’étranger à venir ?
La nature même de la formation a changé. Tout comme les techniques d’enseignement. Et cela ne se limite pas uniquement aux universités. Pensez aux grands entrepreneurs. Ils ont soif d’apprentissage. Mais le petit ou moyen entrepreneur ? Il doit pouvoir y adhérer lui aussi.

Aux États-Unis, il y a un groupe composé d’une quinzaine d’entrepreneurs. Ils se rencontrent mensuellement pour une formation. Plusieurs thématiques sont évoquées. Je voudrais faire cela à Maurice. Ce qui marche, c’est le «peer to peer coaching».

La formation de l’avenir, c’est l’entraide. Et cela intègre les technologies. Dans cette catégorie, on crée des groupes WhatsApp. Et au-delà de la formation, aucun membre n’a quitté le groupe sur l’application.

Quels outils technologiques doivent être maximisés?
WhatsApp marche bien. Même pour assurer la sécurité dans les complexes immobiliers que nous gérons, nous le faisons via cet outil. Donc à tout moment, on m’envoie des photos et on m’indique ce qui se passe. Cela marche même pour les familles. J’en ai vu plusieurs.

Je vois aussi des Task Managers tels qu’Asana. Cela remplace littéralement l’e-mail. On peut créer des petites tâches. De plus, les outils de Google sont très utiles aux entreprises. Google Drive, Sheets, entre autres. On n’a plus besoin d’un fichier Excel. Tout est travaillé, corrigé et collaboratif.

Maintenant, le choix de les intégrer appartient à l’humain. Si certaines personnes demeurent réfractaires, elles feront autrement. Pour fonctionner dans la société, il faut pouvoir lui apporter quelque chose. Comment serez-vous connectés ? Ce sera plus challenging. Si vous ne voulez pas faire un transfert d’argent sur le téléphone, il faudra se rendre à la banque. Et cela prendra plus de temps. Leur vie sera un peu moins facile. Mais tenons en ligne de compte que la technologie ne peut remplacer la communication humaine.

Mais la technologie n’est pas sans danger…
Absolument. Il faut savoir comment bien l’utiliser. Figurez-vous qu’on dit déjà que Facebook est pour les vieux et Snapchat pour les jeunes. Sur Facebook, c’est surtout l’image qui parle. On ne montre guère le côté obscur. Est-ce aussi la réalité ?

La technologie est réelle mais il y a un danger de perdre ce côté humain. Et avec l’avènement de l’intelligence artificielle, il faut faire encore plus attention. C’est pour cela que les coachs sont plus sollicités. Le meilleur d’un être humain peut progresser… tout comme le pire.