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Jonathan Ravat: un «constructeur d’humanité

19 août 2018, 14:35

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Jonathan Ravat: un «constructeur d’humanité

Jonathan Ravat, enseignantchercheur et chef d’équipe des études sociales à l’Institut Cardinal Jean Margéot (ICJM), a décidément le vent en poupe. Après avoir été décoré par la République en 2017, il vient d’être nommé membre de la Human Rights Commission (HRC). Il dit avoir fait de sa vie «une belle aventure» en la consacrant au développement de l’humain.

Lorsqu’on prend connaissance du parcours de Jonathan Ravat, 37 ans, qui a le look de l’éternel adolescent, on réalise que cet hyperactif a su canaliser son énergie débordante en la mettant au service des autres.

Chaque personne est le fruit de son environnement et lui n’y fait pas exception. Élevé dans la foi catholique, il voit ses parents Daniel et Nancy Ravat pratiquer l’ouverture vers les autres. Il n’est pas peu fier de savoir que son grand-père paternel, Henry Ravat, qu’il n’a pas connu, a fondé un Unity in Diversity Cultural Circle. Ses parents lui inculquent des valeurs essentielles comme respecter l’autre, ne jamais se moquer du nom d’autrui, ne jamais jeter de la nourriture et arriver à apprécier les plaisirs simples et sains de la vie.

«On peut rester toute sa vie durant un consommateur de la société ou devenir un constructeur d’humanité. Cela m’a fait réfléchir.»

C’est à l’école publique qu’il fait ses études primaires et c’est au collège du St Esprit qu’il entame et boucle ses études secondaires et s’y épanouit. Sa culture familiale le pousse à «désirer vivre une fraternité et une solidarité avec les autres». Si bien qu’à l’adolescence, il invite hebdomadairement ses voisins et cousins adolescents chez lui pour des activités et des jeux. Ces rencontres finissent par se formaliser en mouvement baptisé Groupe d’ados solidaires altruistes. «On se réunissait et on discutait de ce que l’on vivait au collège, des valeurs et des problèmes de société. Nous étions des ados différents, qui prenaient plaisir à être ensemble et échanger sans avoir besoin de boire et de fumer.»

C’est en intégrant un Club du dimanche avec des jeunes au Lorette de Rose-Hill qu’il se lie d’amitié avec Benoît Adolphe, fils de Jean-Noël, fondateur des écoles complémentaires et de la communauté FIAT. Ce qui lui ouvre la porte du Foyer FIAT. Sa première retraite spirituelle avec Jean-Noël Adolphe le marque, notamment l’enseignement à propos des cinq chemins de vie que Jonathan Ravat résume en : «On peut rester toute sa vie durant un consommateur de la société ou devenir un constructeur d’humanité. Cela m’a fait réfléchir. Avant cette retraite, mes conversations avec les jeunes se terminaient toujours par un Ki pou fer ? Lavila koumsa. Après cette retraite avec Jean-Noël Adolphe, j’ai décidé de devenir un constructeur d’humanité».

Il est conscient que pour y arriver, il doit d’abord se former en développement personnel. Ce qu’il fait auprès de Jean-Noël Adolphe. Lorsqu’il termine sa Form VI, il veut étudier le droit et la théologie en Australie, mais ses parents ne peuvent se permettre de payer ses études supérieures. C’est donc à l’université de Maurice qu’il entame une licence en gestion qu’il abandonne avant de réussir une licence en droit et en gestion. À cet exploit, il faut ajouter celui de s’être fait élire président du Students’ Union.

Plutôt que de faire une maîtrise, Jonathan Ravat vise carrément le doctorat. L’interreligieux l’intéressant au plus haut point, il suit un cours sur les différents textes sacrés des religions, qui lui permet d’aller à la rencontre des autres «au plus profond de leur être». Loin de le rebuter, ces différences «irréconciliables» dans les textes sacrés sont pour lui «une porte d’entrée pour un dialogue interreligieux profond.»

Après avoir dirigé le Centre of Learning de l’École complémentaire, Jonathan Ravat décide de faire un doctorat en partant d’un stéréotype lourd à l’effet que seule l’église catholique œuvre pour faire reculer la pauvreté à Maurice. Pendant sept ans, il interroge une centaine de Mauriciens de confessions religieuses différentes et vient soutenir que ce postulat est un cliché alimenté par les vestiges du colonialisme et qu’au-delà des religions, il y a «lakorité entre les Mauriciens, une manière de vivre mauricienne simple, fragile mais bien réelle.»

Jonathan Ravat, dont la devise est : «Devenir ensemble de meilleurs humains et se mettre au service des autres, notamment des plus pauvres», est invité par des organisations à l’étranger et voyage beaucoup. Ce sont pour lui autant d’expériences formatives. Il obtient son doctorat en mai 2016. Lorsque Jean-Noël Adolphe se retire de l’École pour la solidarité et la justice, il est sollicité pour enseigner au sein de cette instance. Et lorsque l’Institut Catholique de l’Ile Maurice devient l’ICJM, il y est recruté comme enseignant-chercheur.

Depuis trois ans, Jonathan Ravat a développé un cours de dix mois approuvé par la Mauritius Qualification Authority intitulé Essential and Emerging Leadership : leadership for poverty alleviation, fruit de ses recherches et expériences et qui s’adresse aux personnes désireuses de comprendre et de se lancer dans le social quels que soient leur milieu et leur background académique. «Ce cours leur permet d’asseoir les fondements de leur personne, de s’ouvrir à une autre manière de voir la vie, de repenser la société et leur engagement».

En sus de sa médaille d’Order of the Star and Key of the Indian Ocean l’an dernier, il vient d’être nommé membre de la HRC. Comment réconcilie-t-il cette nomination avec son engagement au sein d’Affirmative Action qui milite contre la discrimination raciale envers les minorités et surtout les Créoles? Pour lui, lutter pour que les minorités discriminées aient une part égale du gâteau national se situe en droit fil des droits humains auxquels il a été initié en 2001 par l’ATD Quart-Monde, fondé par Joseph Wresinski. Mais comme sa présence à la HRC réclame de lui une réserve, il devra réfléchir à son engagement à venir au sein de l’AA.

Ne pense-t-il pas avoir été nommé à ce poste justement parce qu’il est Créole et que c’est une manière pour le gouvernement de montrer à la face du monde qu’il n’y a pas de discrimination raciale à Maurice ? «Non. Je trouve ça audacieux. Moi, depuis toujours j’assume mon enracinement chrétien, créole et au nom de cet enracinement, j’œuvre pour les autres…»