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Prakash Gorroochurn: Un matheux qui a fait du chemin

18 août 2018, 23:42

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Prakash Gorroochurn: Un matheux qui a fait du chemin

Beau parcours que celui accompli par le Mauricien Prakash Gorroochurn, mathématicien, statisticien et généticien des populations. Il est aujourd’hui Associate Professor au département de Bio-statistiques à l’université de Columbia, à New York City, aux États-Unis.

 

Ce Vacoassien, qui vit et travaille à New York, est un homme tiraillé. Cela fait 15 ans qu’il est établi aux États-Unis mais revient régulièrement au pays où sa mère, Kashmira Devi, 73 ans, vit encore. Il s’y est même fait construire une maison. Et à chacun de ses départs de Maurice, il avoue avoir le cœur gros. «J’aurais adoré me réinstaller à Maurice un jour et cela me coûte de repartir chaque année après les vacances. Mais je sais que si je restais, je serais encore plus triste car il n’y a pas suffisamment d’opportunités pour moi à Maurice alors qu’aux États-Unis, elles ne se comptent pas», écrit-il par mél

Si son père, Burdwarge, chauffeur de taxi, avait été encore en vie, il aurait été très fier de la réussite de son fils. Or, il est décédé en octobre 1984, quelques semaines avant que Prakash Gorroochurn ne prenne part aux examens du School Certificate sous la bannière du Mahatma Gandhi Institute, qu’il considérait comme un collège d’élite et dont il a apprécié la mixité de la population estudiantine.

Son intérêt pour les mathématiques remonte à l’école primaire. «Lorsque je me suis rendu compte que les mathématiques pouvaient solutionner les problèmes les plus difficiles, cela a été comme une révélation. À partir de là, mon intérêt pour les mathématiques s’est accru jusqu’à ce que j’aille étudier à l’université de Monash, en Australie.»

Là, il se surprend à se découvrir un intérêt marqué pour la probabilité et les statistiques, qui sont en fait un prolongement logique des mathématiques. «J’ai pu voir comment, souvent, la probabilité mène à des solutions contre-intuitives pour les problèmes qui paraissent simples. J’ai aussi aimé les statistiques qui, avec leur accent sur l’analyse et l’interprétation de données réelles, sont une discipline très pratique.» Il en est si passionné qu’il obtient, au bout de trois ans d’études, un First Class Honors en mathématiques et statistiques.

Évolution des groupes ethniques

Résultat qui lui permet d’embrayer directement avec un doctorat en génétique des populations chez les populations subdivisées. «La génétique des populations traite de la distribution des fréquences génétiques au sein des populations et la tâche du généticien des populations est d’évaluer la fréquence des changements génétiques au sein d’une population donnée, les forces évolutionnaires responsables de ces changements et qui sont aussi la cause des différences dans les fréquences génétiques entre les populations. Dans ma thèse, j’ai développé des modèles stochastiques étudiant l’évolution de différents groupes ethniques et comment ces groupes ont changé lorsque l’immigration a eu lieu.»

Il obtient son doctorat en 1998 et dès 1999, il intègre l’université de Maurice comme assistant chargé de cours. C’est un article qu’il écrit sur une section de sa thèse et qu’il envoie à un de ses professeurs de l’université de Monash qui va tout déclencher et amener des changements professionnels drastiques dans sa vie. «J’ai envoyé cet article au professeur Warren Ewens, qui est un généticien des populations très renommé et qui a une position commune auprès de l’université de Pennsylvanie, aux États-Unis. Il a apprécié mon papier qui a été subséquemment publié dans les Annals of Applied Probability et il m’a mis en rapport avec le doyen de la faculté de Bio-statistiques à l’université de Columbia, à New York, le professeur Bruce Levin. Ce dernier cherchait justement à recruter un jeune généticien des populations.»

Un poste dans une aussi prestigieuse université, qui, en 2018, se classe parmi les huit meilleures au monde selon le Center for World University Rankings, ne se refuse pas. C’est ainsi qu’il rejoint cette université en 2003 et y enseigne la probabilité, la génétique des populations, la modélisation statistique génétique qui est l’utilisation d’outils statistiques pour localiser les gênes responsables de certaines maladies et l’inférence statistique qui fait appel à des méthodes précises pour en apprendre davantage sur les populations.

Prakash Gorroochurn se donne à fond dans l’enseignement mais aussi dans de savants calculs à des fins de publications d’articles dans des revues spécialisées. Ce qui lui vaut d’être nommé assistant professeur et après qu’il a écrit plus d’une trentaine d’articles spécialisés dans des publications évaluées par ses pairs, dont une dizaine en tant qu’auteur principal et après qu’il s’est aussi fait publier dans au moins trois des plus importants magazines spécialisés, son cas a été considéré pour le poste d’Associate Professor.

«Les conditions requises pour obtenir ce titre sont très strictes», dit-il. Car en sus de se faire publier, il faut remplir d’autres conditions comme l’obligation d’enseignement, de mentorat, d’engagement soutenu et de faire montre de qualité de leadership dans le domaine. Or, comme au fil de toutes ces années, Prakash Gorroochurn remplit toutes ces conditions, il est nommé Associate Professor. Une consécration pour lui et les siens.

Prakash Gorroochurn est également l’auteur de deux livres. Le premier est intitulé Classic Problems of Probability, qui a été publié par Wiley en 2012 et qui a remporté le PROSE Award for Mathematics la même année. Et le second est nommé Classic Topics on the History of Modern Mathematical Statistics, publié par Wiley et paru en 2016. Ces deux livres sont actuellement traduits en japonais.

Après 13 ans, lui, son épouse, Geeanee, et leur fils, Premal, qui est encore en bas âge, ont obtenu leur permis de résidents permanents. Bien qu’il apprécie sa vie aux ÉtatsUnis, il attend avec impatience le moment des vacances pour venir se ressourcer dans son île natale, «le seul endroit au monde où je peux me remettre totalement du stress quotidien de la vie américaine...»