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Droit à l’avortement en Argentine: le dernier mot aux sénateurs

7 août 2018, 19:54

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Droit à l’avortement en Argentine: le dernier mot aux sénateurs

 

Le droit à l’avortement peut-il s’imposer en Argentine, pays du pape François? Après l’approbation par les députés, les sénateurs votent mercredi et la balance penche vers un rejet du texte, sous la pression de l’Eglise.

D’après diverses estimations de médias argentins, le «non» au projet de loi totaliserait une majorité de 37 voix sur 72. Le 14 juin, le texte avait été approuvé de justesse par 129 voix contre 125 à la chambre des députés.

«Nous faisons tout pour que l’initiative soit approuvée. Nous misons sur la mobilisation dans la rue. Nous pensons que de nombreux sénateurs se définiront au moment du vote», assure à l’AFP une militante pro-IVG, Julia Martino.

La société argentine est profondément divisée sur la question.

Dans cet Etat constitutionnellement laïque, l’Eglise s’est considérablement mobilisée, mettant toutes ses forces dans la bataille pour faire dérailler le projet de loi, envoyant curés, évêques et fidèles défendre ce qu’ils nomment «le droit à la vie».

Parti divisé 

Dans le camp du «non» au projet de loi, la vice-présidente argentine Gabriela Michetti est opposée à tout type d’avortement, même en cas de viol, proposant que les enfants non désirés soient confiés en adoption. «Aucun être humain ne peut décider au sujet de la vie de l’autre», dit-elle.

Au sein de la coalition gouvernementale Cambiemos (Changeons, centre-droit), les désaccords sur l’avortement ont laissé des traces. Depuis que le débat parlementaire a été engagé sur cette question épineuse, les sénateurs n’ont pas pu se retrouver en réunion de groupe.

Sa camarade de parti Laura Rodriguez est aux antipodes. «Les actions des anti-IVG sont louables, mais c’est insuffisant. Cela n’a pas suffi pour que les avortements clandestins cessent d’exister. L’Etat doit se positionner. Nous devons éviter la clandestinité».

Les autorités estiment à 500.000 le nombre d’avortements par an dans ce pays de 41 millions d’habitants. Dans des cliniques privées ou dans des conditions dangereuses, selon les moyens économiques.

Les partisans de l’IVG se sont massivement mobilisés en arborant un foulard vert, devenu le symbole de leur combat. Chaque jour, il apparait noué sur le cartable des lycéennes, à un sac à main, ou au poignet.

C’est la première fois qu’un débat parlementaire sur l’avortement a lieu en Argentine, une initiative du président de centre-droit Mauricio Macri, qui n’est pourtant pas favorable à l’IVG mais qui tenait à ce que le débat puisse se tenir.

Dans la province de Tucuman, des affiches ont plaidé pour «un rejet total de la loi. Non à l’holocauste prénatal», alors que le sénateur local José Alperovich est juif.

Samedi, des centaines de milliers d’opposants à l’IVG, dont de nombreux évangélistes, ont manifesté dans le centre de Buenos Aires en scandant leur slogan «sauvons les deux vies».

Les pro-IVG ont répondu dimanche par une procession de 32 femmes vêtues d’une coiffe blanche et d’une robe rouge, à la manière des personnages du livre «La Servante écarlate» de Margaret Atwood, au Parc de la Mémoire de Buenos Aires, où sont affichés les noms des victimes de la dictature (1976-1983).

Clandestinité 

Le projet de loi légalise l’IVG lors des 14 premières semaines de grossesse et prévoit l’objection de conscience pour les praticiens, mais pas pour un centre hospitalier, comme le réclamaient des opposants à la version initiale.

En Amérique latine, le droit à l’avortement n’existe qu’en Uruguay, à Cuba et à Mexico, la capitale du Mexique.

Si les sénateurs approuvent le texte mercredi soir, l’avortement deviendra légal et gratuit.

S’ils le rejettent, il faudra probablement attendre 2020 pour que le parlement puisse le remettre à l’ordre du jour.

«Quoi qu’il arrive mercredi, il s’est passé quelque chose de nouveau en Argentine, fait remarquer la sénatrice Laura Rodriguez, on a exhumé quelque chose qui était enfoui, la clandestinité de l’avortement, et la nécessité d’agir».

Sur les réseaux sociaux, des jeunes femmes confient avoir avorté. «Elle avait 12 ans, elle est allée danser, un garçon de 18 ans l’a droguée. L’impuissance est devenue grossesse. La grossesse, un cauchemar. Elle a avorté. La grossesse s’est terminée, sa vie aussi. C’est moi qui raconte car ma soeur n’est plus là», écrit sur twitter Agustina Linares.