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Roshi Bhadain: «On a déjà une idée du parti avec lequel on s’alliera»

21 juillet 2018, 21:15

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Roshi Bhadain: «On a déjà une idée du parti avec lequel on s’alliera»

Piètre performance gouvernementale, manque de renouveau des partis politiques, l’Heritage City qui a finalement été annulée : il faut tout réformer, déclare Roshi Bhadain. L’ancien ministre du Mouvement socialiste militant travaille sur une alliance politique pour les prochaines élections générales. Le point.

Lors de la séance parlementaire du 17 juillet, l’Heritage City est revenu sur le tapis. Vos voyages à Rs 2 millions sont-ils justifiés pour un projet finalement annulé ?
Heritage City aurait bénéficié à beaucoup de Mauriciens. C’était un vrai projet d’intégration sociale. Il y aurait eu la création d’emplois, avec d’autres activités économiques. Les gens auraient pu acheter des maisons à des prix raisonnables dans le système work, live and play. Les services publics auraient été bien plus efficaces avec l’e-government. Hélas, Heritage City a été torpillé par des vested interests au détriment de l’île. Ce sont ces gens qui sont responsables des coûts encourus.

Qui ciblez-vous ?
Les membres du gouvernement ainsi que les mafieux qui gravitaient autour. En 2016, lors d’une interview à l’express, je disais que j’ai sous-estimé la force de frappe des mafieux. Pour torpiller le projet, ils sont venus avec une excuse bidon, prétextant que le Bagatelle Dam allait éclater. Actuellement, l’État dépense Rs 1 milliard en location de bâtiments. Cela aurait favorisé un développement sans coûter de l’argent au contribuable. Pourtant, plusieurs étapes du projet avaient été approuvées par le Cabinet.

Revenons à vos voyages…
On a travaillé d’arrache-pied. Certains coûts ont été encourus. Ceux ayant annulé le projet sont les responsables. Il y avait toute une équipe, dont sir Anerood Jugnauth et Showkutally Soodhun, pour un voyage à Dubaï, en décembre 2015, pour rencontrer le Sheikh qui a recommandé le promoteur en question. Il faut payer pour les billets d’avion. Ce n’est pas comme si l’argent entre dans ma poche…

Et Stree Consulting et ses millions ?
Il y avait un High-Powered Committee qui approuvait le coût du projet et recommandait le choix du consultant. Il était composé du secrétaire du Cabinet, du secrétaire financier et du Solicitor General qui font les recommandations au Conseil des ministres. À son tour, le Cabinet, sous la présidence du Premier ministre, donne son aval. En tout, c’était Rs 45 millions. Pour la facture restante, avec l’annulation, le consultant n’a même pas réclamé le reste.

Et pour cette cité administrative, existe-t-il la moindre porte de sortie ?
On doit aller dans le chemin du progrès. Si Maurice doit créer des emplois et devenir une référence, il faut privilégier ces projets qui génèrent des revenus. La façon de vivre des Mauriciens doit changer.

Que pensez-vous de la situation politique actuelle ?
Nous sommes dans un système qui ne fonctionne pas comme il se doit dans une démocratie…

Pourquoi ?
Prenons le dernier exemple, au Parlement. Alan Ganoo est élu au nO14 et Maya Hanoomanjee ne l’a pas été dans la même circonscription. Là, une personne non élue suspend celle qui est pourtant élue, pour trois séances. Et la motion est faite par le gouvernement. Évidemment, la speaker est aussi parentée au Premier ministre. En même temps, ses filles bénéficient d’emplois et de contrats. L’une qui est Acting Chief Executive Officer d’un organisme de l’État touche un salaire de Rs 287 000 et une augmentation de Rs 70 000 comme Responsibility Allowance. Je n’ai jamais entendu ça. L’autre a un contrat pour vendre des biscuits, avec l’affaire Rum and Sugar que j’ai dénoncée. Tout cela démontre un système dysfonctionnel, qui doit impérativement changer. Le but de mon parti justement est d’altérer ce système archaïque et pourri. Il faut venir avec de nouvelles idées et propositions, avec un autre modèle.

Quel est votre avenir politique aujourd’hui ?
Je continue mon travail. Le Reform Party grandit à une vitesse extraordinaire. On a dépassé les 10 000 membres dans les 20 circonscriptions. Néanmoins, pour 2019, ce sera trop rapide pour créer cette alternance nécessaire. Car il faut aussi que les électeurs changent de mentalité…

Laquelle ?
Il y a beaucoup de roder bout à Maurice. On a commencé tout un processus de réforme. Et cela prendra le temps qu’il faut.

Que prévoyez-vous pour les élections de 2019 ?
Pour changer un système, il faut qu’on soit dans une équipe qui va vraiment travailler pour le pays. Pour 2019, celle-ci devrait bien sûr consister en une alliance politique, pour que l’on puisse être au gouvernement et apporter ces changements. Il faut aussi gérer et instituer ces mesures. C’est là où le gouvernement actuel est en train de faillir. On sera définitivement dans une alliance…

Et avec quel parti ?
L’alliance doit être basée sur un programme d’idées et surtout les propositions que nous avons déjà faites. Elle doit être forte mais il faudra aussi faire des concessions pour que cela marche pour le bien des Mauriciens. Je le redis : il faut changer ce système pourri et dysfonctionnel.

Et pour changer tout ça, qui sera votre allié ?
On a bien discuté au niveau de notre comité exécutif. On a déjà une idée du parti avec lequel on s’alliera et travaillera pour changer ce système. Je ne peux le révéler pour l’instant. Il y aura des négociations. Qu’elles aboutissent ou pas, on verra. Il faut réformer le gouvernement, les institutions et certainement la façon de faire des choses qui est un désavantage pour les Mauriciens.

Au niveau du Metro Express, vous aviez exprimé vos craintes… Ont-elles été considérées ?
Je suis d’accord sur le fond, mais pas sur la forme. Maurice doit se moderniser. Il faut aller vers le progrès mais pas à n’importe quel prix. Le Metro Express ne bénéficiera pas aux Mauriciens s’il est mis en place de la manière actuelle. Le gouvernement est borné à compléter ce projet dans un time-frame précis.

Pourquoi ?
Le Premier ministre est pressé de montrer son bilan. On accélère tout, on kraz partou. Le modèle financier du Metro Express dépend de plus de 60 000 passagers par jour, ce qui est impossible selon la capacité maximale que le métro peut transporter. C’est déjà complètement flawed. J’espère bien que cela ne va pas amener le pays vers la banqueroute. Comment va-t-on rembourser toutes ces dettes, surtout avec l’Inde ? Vont-ils faire un Agalega deal si on n’arrive pas à rembourser ? Je ne sais pas. J’ai peur pour mon pays et l’avenir des jeunes Mauriciens.

Quel est votre avis sur le positionnement de Maurice dans le rapport de l’Eastern and Southern Africa Anti-Money Laundering Group ?
Les gens au pouvoir aujourd’hui ne peuvent même pas défendre Maurice. Surtout qu’ils disent eux-mêmes que les faits sont erronés et que les procédures n’ont pas été suivies comme il se doit. Ce qui me chiffonne le plus, c’est que toute la vision mise en place pour le service financier n’est pas en train d’évoluer comme il se doit.

Certains pays envisagent de placer Maurice sur la liste des destinations à risque…
Ce n’est pas justifié. On a un des meilleurs cadres légaux, juridiques et institutionnels aux normes internationales. Le ministre de tutelle doit être remplacé. Je crois que toute l’opposition et les opérateurs du secteur sont du même avis…

Justement, votre avis sur l’opposition, avec tout ce qui se passe au Mouvement militant mauricien, entre autres.
On est arrivé à la fin d’un cycle. Ce qu’on voit avec les partis politiques, c’est qu’eux aussi sont arrivés à terme. Là, il faut du renouveau dans tous les sens. Aujourd’hui, les jeunes sont avec nous. Les partis existant depuis plusieurs années n’ont pu faire ce renouvellement. Cela dit, j’ai remarqué que le leader du Parti travailliste a fait comprendre qu’il y aura 50 % de nouveaux et de jeunes qui seront candidats au sein de son parti pour les prochaines élections générales. Malheureusement, les autres partis continuent avec les vieilles têtes.

 

Bio express

<p>Expert-comptable et avocat au barreau, Roshi Bhadain a été formé en Angleterre. Il est spécialisé dans les enquêtes financières. De 2002 à 2006, il a été directeur des enquêtes à la commission anti-corruption. Ancien homme de loi de Pravind Jugnauth, il a intégré la politique en 2014. De décembre 2014 à janvier 2017, il occupe le poste de ministre des Services financiers. Il démissionne et forme le Reform Party en février 2017. Il n&rsquo;arrive pas à reprendre son siège à l&rsquo;élection partielle du no 18, en décembre 2017.</p>