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En Ile-de-France, des infirmières «expertes» ont trouvé leur place

19 juillet 2018, 20:56

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En Ile-de-France, des infirmières «expertes» ont trouvé leur place

 

Enrichir le suivi du patient et libérer du temps pour le médecin: le métier «d’infirmier en pratique avancée» vient tout juste d’être créé, mais en Ile-de-France, des professionnelles aux compétences élargies ont déjà «trouvé leur place» et répondent à «un réel besoin».

Le décret entérinant la naissance du métier a été publié jeudi au Journal officiel, mais depuis près de deux ans déjà, Eléonore Vitalis est «infirmière de pratique avancée» (IPA), dans deux centres de santé à Nanterre (Hauts-de-Seine).

Souhaitant «évoluer» après plusieurs années d’exercice, elle s’est engagée dans un programme expérimental, mené par l’Agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France, pour «préfigurer la mise en oeuvre concrète de la pratique avancée».

Objectif: intégrer, comme une trentaine d’infirmières franciliennes, un master spécialisé innovant, monter en compétences, et prendre partiellement en charge une patientèle âgée, atteinte de maladies chroniques ou polypathologiques, réalisant des actes habituellement réservés aux médecins.

Vieillissement de la population, désertification médicale: alors que de nombreux malades, aux parcours de soins complexes, nécessitent un suivi rapproché et que les médecins sont surchargés, l’IPA peut «prendre le relais».

A Nanterre, le médecin traitant d’un patient diabétique par exemple peut, «si l’état du malade est stable», le confier pour un an à Mme Vitalis.

«Poumons, coeur, examen des pieds», entretien poussé: «tous les trois mois, pendant une heure», l’IPA mène une «consultation de suivi», avant de renouveler l’ordonnance, éventuellement l’adapter ou prescrire des examens complémentaires, qu’elle doit encore, tant que son statut n’est pas officiel, «faire valider par un interne».

Coordinatrice du parcours de soins, elle réalise «un bilan annuel personnalisé», fait «le lien entre la ville, l’hôpital, les spécialistes, et autres interlocuteurs du patient». Elle participe à des visites à domicile, «avec l’objectif à terme d’y aller seule», lorsque la réglementation lui donnera cette autonomie.

«Nos compétences seront bientôt reconnues et valorisées», se réjouit-elle.

 «Le début de l’histoire» 

S’il prévoit bien d’offrir aux infirmiers, après trois ans d’expérience et un master, le droit de renouveler, d’adapter des ordonnances ou de prescrire certains examens, le texte ne définit pas le futur salaire des IPA. Il a par ailleurs été plusieurs fois amendé, après des mois de négociations houleuses, les médecins craignant d’être peu à peu remplacés.

«On ne remplace personne, on enrichit la prise en charge, toujours au sein d’une équipe pluridisciplinaire», explique Suzy Gonsseaume, IPA à l’hôpital Robert-Debré à Paris.

L’infirmière regrette la «timidité» du texte, qui limite le champ d’intervention des IPA à «quelques pathologies». Trois spécialités sont ainsi prévues, au choix: «oncologie», «maladies rénales chroniques, dialyse, transplantations rénales», ou encore «pathologies chroniques stabilisées, prévention, polypathologies courantes en soins primaires».

La mucoviscidose, qui est le champ d’expertise de Suzy Gonsseaume, n’en fait par exemple pas partie.

Pourtant, «vivant au quotidien» avec cette pathologie évolutive, les enfants malades et leurs familles ont besoin d’être régulièrement suivis, accompagnés pour apprendre à gérer «l’apparition des symptômes, la charge de soins», argue-t-elle.

Après quinze ans d’expérience, Mme Gonsseaume sait «analyser les signaux d’alerte, orienter», mène des consultations individuelles ou en groupe, des séances d’éducation thérapeutique, et répond par téléphone à «toutes les questions» des patients. Espérant voir un jour son expertise «reconnue», elle aimerait «développer la recherche» voire «enseigner».

Dans les établissements pilotes «les IPA ont trouvé leur place et répondent à un réel besoin», sourit Ljiljana Jovic, responsable du projet à l’ARS.

Auditionnée en juin à l’Assemblée nationale, la ministre de la Santé Agnès Buzyn a reconnu que le consensus trouvé n’était pas «à la hauteur des ambitions».

Avec des master ne correspondant pas exactement au décret, les IPA déjà formées devront par ailleurs «repasser certains modules», avait précisé en mai Cécile Courrèges, directrice générale de l’offre de soins.

«On écrit le début de l’histoire», s’était-elle enthousiasmée, tablant sur l’ouverture d’une dizaine de formations dès septembre, l’élargissement à la psychiatrie en 2019, et à «d’autres domaines» à l’avenir.