Publicité

Eshan Patel: «Un grand fossé entre les diplomates et les nominés politiques»

7 juillet 2018, 00:30

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Eshan Patel: «Un grand fossé entre les diplomates et les nominés politiques»

Votre contrat arrive à sa fin en août. Comptez-vous opter pour un renouvellement?

Je dois voir les conditions. Je m’intéresse plutôt à un remaniement des ambassadeurs. J’aurais souhaité un renouvellement et être posté dans d’autres pays. C’est une superbe expérience à vivre. J’ai beaucoup appris avec les diplomates de carrière du ministère des Affaires étrangères. Mais il y a un grand fossé entre eux et les nominés politiques. Ils ont leurs propres idées à eux, leur formation. Les ambassadeurs ont une formation politique.

Comment concilier les deux?

Un ambassadeur ne doit pas avoir peur de demander conseil à son second ou à son premier secrétaire.

Par exemple, une de mes employés m’avait demandé des congés sans solde (unpaid leave) pour des raisons familiales. J’ai demandé conseil à mon second secrétaire. Elle a envoyé une lettre en ce sens au ministère des Affaires étrangères, à Maurice. Et j’ai appris que l’employée doit utiliser ses congés payés avant de faire une demande pour un congé sans solde.

Les diplomates de carrière connaissent les lois qui gouvernent le ministère. On apprend de ce métier.

 

«Avec Air Asia, MK aurait pu se réinventer et non pas rester dans sa zone de confort. Qu’a fait MK pour attirer les gens?»

 

Ne pensez-vous pas que les ambassadeurs ne doivent pas être des nominés politiques?

Les deux ont leur importance. C’est bien aussi d’avoir des premiers secrétaires, avec sept à neuf ans d’expérience, qui veulent postuler le poste d’ambassadeur. Ils ne seront pas des novices. Créer un réseau de contacts dans un pays, ça prend du temps. Ils ont de l’expérience pour préparer des dossiers. Ce sont des diplomates de carrière. Les nominés politiques ne sont là que pour trois ans. Mais, moi, je ne suis pas un ambassadeur vase à fleurs.

Récemment, il y a eu une polémique concernant le mariage d’une fille de 13 ans, à Maurice. Dimanche, nous avons appris qu’un Malaisien de 41 ans a épousé une petite Thaïlandaise de 11 ans. Comment réagit notre ambassadeur dans un pays où le mariage avec une mineure est autorisé s’il a l’aval d’un tribunal religieux?

Je suis simplement sur la même longueur d’onde que la Première ministre adjointe de la Malaisie, Wan Azizah. Elle n’est pas contente. Elle dit que c’est mal et qu’elle travaille dessus. Ce mariage est illégal car l’union n’a pas eu le consentement de la Syariah Court.

Ici, les autorités ont commencé à appliquer les lois. Je pense que les autorités mauriciennes vont bouger dans la même direction.

Une des mesures budgétaires consistait à proposer notre passeport et notre citoyenneté en échange d’une certaine somme d’argent. Pensez-vous que Maurice devrait prendre ce risque?

Nous ne sommes pas à vendre. Notre passeport, notre citoyenneté, c’est précieux. C’est quelque chose qui a une grande réputation. Ne nous vendons pas.

Nous allons emboîter le pas à la Malaisie en dotant notre pays d’un système de transport en deux temps. Le métro réussira-t-il à alléger le poids de la circulation?

En Malaisie, c’est quand le projet est opérationnel que des experts analysent s’il est viable ou pas. Concernant le métro, il faut le vivre. Il faut l’utiliser avant de tirer des conclusions.

C’est vrai qu’en Malaisie il y a plusieurs lignes. Il y a même une ligne Kuala Lumpur-Singapour. Pour décongestionner nos routes, il faut introduire le péage à l’entrée nord et sud de Port-Louis. Si on ne demande ne serait-ce que Rs 10, on peut investir dans l’amélioration du réseau routier. Il faut oser.

En Malaisie, le péage rapporte des millions par jour. Cela aidera beaucoup à décongestionner notre réseau routier.

 

«Les nominés politiques ne sont là que pour trois ans. Mais, moi, je ne suis pas un ambassadeur vase à fleurs.»

 

Qu’avez-vous fait pour renforcer les relations diplomatiques et culturelles entre Maurice et la Malaisie?

On a organisé un festival culinaire malaisien au Suffren, en partenariat avec Air Mauritius. On voudrait aussi un festival culinaire mauricien en Malaisie et aller plus loin avec Air Asia. Il y a eu le vol inaugural. J’ai fait ce que j’ai pu. Les Mauriciens étaient très contents.

À Jakarta, j’ai commencé à négocier avec Malindo Airlines, qui va desservir Maurice-Jakarta. Elle ne devrait pas affecter la ligne d’Air Mauritius. Les Mauriciens qui veulent aller à Bali pourraient utiliser cette ligne aérienne jusqu’à Jakarta et deux heures après, s’envoler vers Bali.

Beaucoup de pays voulaient utiliser Maurice comme hub pour pénétrer le marché africain. Le problème avec Air Asia est en haut lieu. Tony Fernandes, CEO d’Air Asia, avait demandé cinq vols par semaine. Air Mauritius a refusé. Le CEO demandait ainsi le Fifth Traffic Rights pour aller en Afrique du Sud. MK ne peut pas leur accorder cela. Et le 23 mars 2017, l’e-mail final a annoncé qu’Air Asia arrête définitivement sa desserte sur Maurice.

Air Asia a dépensé des millions sur le marketing. Ce qu’elle a fait, Air Mauritius n’a jamais fait. Avec Air Asia, MK aurait pu se réinventer et non pas rester dans sa zone de confort. Qu’a fait MK pour attirer les gens ? Je voulais voir le match entre Air Asia et Air Mauritius.

Quel bilan faites-vous de vos trois ans passés en Malaisie? J’ai rencontré des hommes d’affaires, des organisations socioculturelles mauriciennes en Malaisie. Des hommes d’affaires influents sont venus pour un projet de scooter électrique. Ils viennent régulièrement à l’ambassade.

En outre, il y a 1 500 étudiants mauriciens en Malaisie. Cela, en raison du prix compétitif des cours, comparé à l’Europe et à l’Australie. Les Mauriciens s’adaptent facilement en Malaisie.

Du reste, notre ambassade a travaillé avec la France pour valoriser la francophonie. La France compte beaucoup sur Maurice. On a introduit la langue française un peu partout. J’ai travaillé sur le dossier MH 370. L’avenir de Maurice, c’est l’Asie.