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Conflit autour de la Cour suprême en Pologne: juges contre politiques

4 juillet 2018, 22:27

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Conflit autour de la Cour suprême en Pologne: juges contre politiques

 

Le conflit autour de la Cour suprême polonaise a gagné en intensité mercredi: soutenue par ses pairs et ses sympathisants, sa présidente a occupé et défendu son poste, tandis que le Premier ministre a accusé la Cour d’abriter des juges ex-communistes, auteurs de «sentences honteuses».

Acclamée par une foule de partisans, la présidente de la Cour suprême polonaise Malgorzata Gersdorf est arrivée à son bureau et a présidé une réunion du collège de la Cour, confirmant ainsi son refus de partir à la retraite aux termes d’une réforme controversée, critiquée aussi par Bruxelles.

Elle a expliqué ensuite une nouvelle fois lors d’une conférence de presse que la Constitution - qui fixe la durée de son mandat à six ans - était prioritaire par rapport à la loi qui a abaissé l’âge de la retraite des juges de 70 à 65 ans.

Pour les conservateurs au pouvoir, la loi est entrée en vigueur et Mme Gersdorf, âgée de 65 ans, se retrouve automatiquement à la retraite.

La réforme, si elle est appliquée, conduira au départ à la retraite de 27 juges de la Cour suprême. Une «purge» pour Mme Gersdorf et une «ligne rouge» à ne pas franchir pour la Commission européenne.

Celle-ci a lancé lundi une procédure d’infraction d’urgence contre Varsovie. Celle-ci pourrait aboutir, après plusieurs étapes, à la saisie de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et à des sanctions financières.

Côté pouvoir, le Premier ministre Mateusz Morawiecki a été interrogé mercredi sur les réformes judiciaires polonaises au Parlement européen à Strasbourg, après avoir prononcé un discours sur l’avenir de l’UE.

Il est rapidement passé à l’attaque, affirmant qu’il s’agissait de renforcer l’efficacité de la justice et combattre la corruption.

«Pas de leçons» 

«Ne nous donnez pas de leçons, nous savons gérer nos institutions», a-t-il insisté.

«Savez-vous que des juges du temps de l’état de siège (1981, coup de force du général Wojciech Jaruzelski contre Solidarnosc, ndlr), qui avaient prononcé des sentences honteuses, sont aujourd’hui à la Cour suprême que vous défendez?», a-t-il demandé à ses nombreux contradicteurs, assurant que son pays luttait «encore contre l’héritage du communisme».

A Varsovie, Mme Gersdorf et le juge Jozef Iwulski, qu’elle a choisi «sans aucune consultation extérieure» pour la remplacer pendant ses congés, ont apporté des précisions sur le rôle de ce dernier.

Une clarification était nécessaire, car un collaborateur de M. Duda, avait affirmé mardi, après la rencontre du chef de l’Etat avec Mme Gersdorf, que, le mandat de celle-ci ayant expiré, le juge Iwulski a été désigné par le président pour assurer son intérim, en attendant l’élection de son successeur.

«Ni remplaçant ni successeur» 

«Je ne suis ni remplaçant ni successeur de la présidente de la Cour suprême, je suis simplement une personne désignée pour la remplacer pendant ses absences», a-t-il dit. Mme Gersdorf a indiqué qu’elle comptait partir en vacances la semaine prochaine.

Avant de connaître ces précisions du juge Iwulski, le quotidien indépendant Dziennik Gazeta Prawna a titré mercredi sur «Une Cour suprême avec deux présidents».

Le journal proche de l’opposition Gazeta Wyborcza a choisi de dénoncer «Un viol de la Cour suprême».

Pour le politologue Ireneusz Krzeminski, «on peut imaginer une sorte d’entente entre le juge Iwulski et la présidente Gersdorf, qui permettra à cette dernière de rester en poste jusqu’à ce qu’on voie un nouveau développement de la situation et un signal de Luxembourg», siège de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui pourrait être saisie par la Commission européenne.

Le conflit entre la majorité des juges de la Cour suprême et le pouvoir politique s’inscrit dans un différend plus vaste opposant Varsovie à la Commission européenne à propos de réformes judiciaires lancées au nom d’une plus grande efficacité de la justice.

Ces réformes sont perçues par leurs adversaires comme allant à l’encontre du principe de séparation des pouvoirs, au profit du pouvoir politique.