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En Argentine, le malaise économique s’installe, la consommation chute

3 juillet 2018, 13:36

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En Argentine, le malaise économique s’installe, la consommation chute

Etranglés par une hausse des prix qui s’accélère, les Argentins limitent leurs dépenses et, alors que le gouvernement avait annoncé un coup d’arrêt à l’inflation, le malaise économique grandit.

«Il y a des jours, je n’ai aucune cliente», se désole Mónica Pesce, une coiffeuse de Belgrano, un quartier résidentiel de Buenos Aires, loin d’être défavorisé.

«Je suis venue m’installer ici, pour la forte densité de population. En face, j’ai un immeuble de 37 appartements. Mais l’activité a baissé, le salon est vide», poursuit la coiffeuse, qui finance les études universitaires de sa fille et paie deux loyers, celui de son appartement, en plus de celui du salon de coiffure.

«L’inflation, confie-t-elle, apporte angoisse et peur» de ne pas arriver à joindre les deux bouts. D’autant qu’elle redoute l’augmentation de ses loyers, réévalués deux fois par an.

Dans la course contre l’inflation, les salariés y perdent. La hausse des factures de gaz, d’électricité, d’eau, des billets de transport en commun est plus rapide que les corrections salariales.

Les petits commerces sont les premiers à souffrir. Et il n’y a pas d’embellie à l’horizon.

Farine: +300%

Dans sa boulangerie de Villa Urquiza, autre quartier plutôt favorisé de la capitale argentine, Luis Miranda a huit employés. En mars, il a augmenté les salaires de 15%, l’objectif d’inflation annuelle du gouvernement.

Depuis, le peso a perdu plus de 25% de sa valeur face au dollar, ce qui a stimulé l’inflation. La 3e économie d’Amérique latine a fait appel au Fonds monétaire international (FMI) pour un prêt, afin de stabiliser le taux de change.

Le pronostic d’inflation pour 2018 est alors passé de 15 à 27%.

«Je pensais que la conjoncture économique allait continuer de s’améliorer, comme c’était le cas depuis le début du mandat (du président de centre-droit Mauricio) Macri, mais en mars, les prix ont explosé et ça ne s’arrête pas. L’économie est imprévisible. Le prix de la farine a augmenté entre 300 et 400%», se plaint le patron de la boulangerie.

Miranda n’a pas perdu de clients, car le pain, c’est ce qu’on arrête de consommer en dernier, «mais la consommation a chuté. Plus personne n’achète un kilo de pain. Les gens dépensent autant, mais ils achètent moins en quantité».

Pour compenser ce manque à gagner, il propose des plats préparés qu’achètent les ouvriers qui travaillent sur les chantiers du quartier ou des employés de bureaux.

D’après la Confédération argentine des entreprises des PME, les ventes dans les commerces de détail ont baissé de 2,5% au cours des cinq premiers mois de 2018.

Importations

«A court terme, la promesse de récupération économique n’est pas tenue. Les sondages montrent que la cote de popularité du gouvernement baisse», observe le sociologue Ricardo Rouvier, pour expliquer l’irritation des Argentins.

Le 25 juin, une grève générale a paralysé la capitale argentine et une partie du pays, un avertissement des syndicats au gouvernement, qui maintient le cap d’une austérité douloureuse pour la majorité des Argentins.

Arrivé au pouvoir fin 2015, Mauricio Macri a rompu avec la politique de gauche de l’ex-présidente Cristina Kirchner (2007-2015) pour instaurer une gestion plus libérale. Il avait promis d’infléchir l’inflation, qui dépasse les 20% depuis dix ans, mais il ne parvient pas à freiner la hausse des prix.

Gerardo Labozzetta, propriétaire d’une petite usine qui fournit des pièces détachées pour l’industrie automobile, à l’arrêt depuis deux ans, se plaint de l’arrivée sur le marché de produits importés, notamment de Chine, et du faible accès au crédit bancaire.

«L’ouverture des importations a fait du mal à la productivité», dit le chef d’entreprise, qui employait directement 18 personnes et 15 de manière indirecte.