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Drogue synthétique: «À 14 ans, je consommais jusqu’à 20 doses par jour»

30 juin 2018, 17:47

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Drogue synthétique: «À 14 ans, je consommais jusqu’à 20 doses par jour»

Nous l’avons rencontré à la plage de Mont-Choisy, en début de soirée, jeudi. Warren Ravanne, 19 ans, fait partie des 15 résidants, âgés de 18 à 43 ans, du Centre d’accueil de Terre-Rouge, qui suivent une thérapie pour sortir de l’enfer de l’alcool ou de la drogue. Leur cure de désintoxication, répartie en 12 étapes, comprend trois jours de camping à la plage. Entre une partie de domino et un repas «loin des tentations», témoignage, venant des tripes d’un jeune qui revient de l’enfer de la drogue synthétique.

Tout a commencé cinq ans de cela, avec une cigarette. Puis, un joint. Et très vite remplacés par de la drogue synthétique. Au départ, il se contentait d’une dose par semaine. Ensuite, cela est passé à une dose par jour. Et très rapidement, sa consommation a grimpé à 20 doses par jour. Non, ce n’est pas un scénario de film à la Brian de Palma. C’est l’histoire de Warren Ravanne, 19 ans, un habitant de Cap-Malheureux.

Flash-back. Il a 14 ans et étudie au collège John Kennedy. Il excelle en athlétisme et a la musique dans la peau. Tout semble lui sourire. Il ambitionne d’aller à l’université et de devenir un athlète de haut niveau. Sauf que ses amis, qui ne vont plus à l’école, se regroupent «lor lagar» après les heures de classe et qui ont, eux, d’autres ambitions. Faire la fête. Se défoncer, jusqu’à ne plus pouvoir tenir sur leurs pieds. Notre jeune interlocuteur, «très influençable», se laisse tenter.

«Mo népli enn dimounn kan mo an mank»

Très vite, c’est la descente aux enfers. Sa performance à l’école s’écroule comme un château de cartes. Warren Ravanne abandonne les études et l’athlétisme la même année, alors qu’il est en Form III. Devenu accro au tabac chimique, plus connu dans le jargon de la rue comme la «synthé», il se néglige et n’a plus une hygiène de vie à proprement parler. Lorsqu’il est en manque, «mo népli enn dimounn. Mo kraz partou dan lakaz».

«L’erreur que j’ai faite, c’est d’avoir suivi cet ami qui m’a dit, ‘‘nwalé, korek sa’’», raconte Warren Ravanne, assis sur un tabouret, les deux mains serrées entre les genoux. Le cri du cœur et les larmes de ses parents et de ses sœurs n’y changeront rien. Le jeune leur tourne le dos et les vole pour pouvoir s’approvisionner.

Il fugue de la maison. Une fois. Deux fois. La troisième fois, il se retrouve dans un faubourg de la capitale où il est exposé, à chaque instant, aux dealers et junkies qui viennent s’approvisionner dans ce marché à ciel ouvert. Il ne compte plus les fois où, au bord de l’overdose, il a été transporté d’urgence à l’hôpital. Jusqu’au mois dernier, où sa conjointe, tourmentée de partager cette vie infernale, a pu le convaincre de suivre une cure de désintoxication.

«La synthétique a brisé ma vie. J’ai fait souffrir beaucoup de personnes, dont ma famille, qui a tout fait pour moi. C’est impardonnable ce que j’ai fait. Je ne suis pas fier de moi», regrette Warren Ravanne. «Ou vinn pli ba ki ter. Dimounn mars lor ou. Kan trouv ou, dir ou sa enn figir simik sa.» Ces propos «blessants», Warren Ravanne ne veut plus jamais les entendre.

Son souhait le plus cher aujourd’hui, c’est de ne plus sombrer. Son message aux autres jeunes comme lui : «Il y a de l’espoir. J’en suis l’exemple.» Par contre, il implore ceux qui ne connaissent pas encore cet «enfer» à ne pas s’y engouffrer.

«Mettez-vous au sport ou à la musique plutôt. Aux parents, je leur demande d’encadrer leurs enfants pour qu’ils puissent s’épanouir avec une activité extrascolaire. Chacun a un talent, une aptitude. Pa les zot zanfan sorti lor simin parski laba mem ki tou pasé.» Il affirme qu’une dose de «synthé» est «trop abordable». Il suffit, dit-il, que quatre personnes mettent «enn kosté» de Rs 25 chacune pour se procurer une dose.

Quant aux autorités, Warren Ravanne les supplie à «al koup latet serpan-la». C’est-à-dire, à trouver ceux qui contrôlent ces laboratoires clandestins où est fabriquée cette drogue disponible aux quatre «kwin simin». Sinon, il craint qu’on ne puisse mettre un frein à une situation déjà très alarmante «Je ne veux pas voir mon petit frère passer par ce que j’ai enduré. Pour ma part, si je n’étais pas tombé dedans, je serai à l’université actuellement et non dans un centre de désintoxication