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Logistiques: se dirige-t-on vers la disparition du port franc ?

28 juin 2018, 00:00

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Logistiques: se dirige-t-on vers la disparition du port franc ?

Les récentes mesures budgétaires vont-elles précipiter à terme la disparition du port franc ? La question est posée sérieusement par des spécialistes et des opérateurs de ce secteur après que le Budget 2018-19 soit venu remettre en cause certains acquis, voire des avantages dont il jouissait depuis sa création il y a plus d’une vingtaine d’années. Et ce, tant sur le front fiscal que celui de la logistique. Résultat : c’est carrément l’incertitude qui s’est installée…

«Nous faisons face aujourd’hui à des changements de règles presque chaque année dans le port franc, ce qui fait planer un climat d’incertitude dans ce secteur, encore moins rassure-t-il les investisseurs en ne leur donnant aucune visibilité sur le long terme», affirme Hans Herchenroder,Propriétaire et opérateur d’une plateforme logistique de 56 000 m2 d’entrepôt à Mer Rouge, cette société sera appelée à subir les effets des récentes mesures budgétaires. Plus particulièrement celles portant sur l’abolition de l’exemption de 15 % de la Corporate Tax et l’élimination des activités manufacturières au sein de la zone du port franc. directeur commercial de la Maurtius Development Company Ltd (MDV).

Propriétaire et opérateur d’une plateforme logistique de 56 000 m2 d’entrepôt à Mer Rouge, cette société sera appelée à subir les effets des récentes mesures budgétaires. Plus particulièrement celles portant sur l’abolition de l’exemption de 15 % de la Corporate Tax et l’élimination des activités manufacturières au sein de la zone du port franc.

«Le gouvernement a vendu le port franc comme une plateforme hors taxes avec des facilités de logistique auprès d’investisseurs locaux et étrangers. Nous y avons construit notre stratégie de marketing autour de ces avantages. Aujourd’hui, ils viennent changer de règles», s’offusque le directeur commercial de la MDC, inquiet que Maurice ne perde sa compétitivité dans ce secteur. Une inquiétude partagée par Hornali Pirbhai, président de l’Association d’opérateurs du port franc et propriétaire de ZPC Ltd. Ses membres, au nombre de 65 qui sont commercialement actifs, sont anxieux de l’avenir du port franc avec ces mesures budgétaires.

«L’absence de taxe dans la zone du port franc aura été le principal argument de marketing pour vendre nos services et attirer des clients. Aujourd’hui, nous nous trouvons en compétition avec des colosses dans la région comme Jebel Ali Free Zone de Dubaï, qui dispose d’une zone franche pouvant accommoder aujourd’hui quelque 7 500 sociétés de 125 pays, représentant 135 500 emplois, essentiellement dans le commerce, la logistique et l’industrie manufacturière. » Et au directeur de ZPC Ltd d’ajouter qu’il ne comprend pas la logique ayant poussé le ministère des Finances à proposer une pareille mesure.

Autre mesure qui fait polémique : l’abolition des activités manufacturières dans l’enceinte de la zone port franc. Or, cette mesure visant à permettre aux entreprises manufacturières d’opérer dans le port franc, introduite par l’ex-ministre des Finances il y a quelques années déjà, qui ambitionnait de promouvoir les exportations sur l’Afrique, bénéficiait depuis de l’exemption de la Corporate Tax. Or, en mettant fin à ces facilités, le ministère des Finances remet en cause un important acquis de ce secteur tout en préparant le terrain pour que les nouveaux opérateurs manufacturiers s’alignent sur le même régime fiscal que l’industrie domestique, soit à 3 %.

"Nombreux sont les opérateurs étrangers et locaux qui, ayant investi massivement dans ce créneau pour développer de nouveaux produits, se voient subitement devant un fait accompli. Ils auront à revoir leur stratégie en fonction de ces nouveaux changements», ajoute le directeur d’une grosse société de logistique qui a voulu garder l’anonymat.

Et à Hans Herchenroder de s’interroger : comment, dans un tel environnement marqué par l’incertitude et un manque de visibilité, le gouvernement pourrait-il attirer des nouveaux opérateurs à travers ses road shows ?

Période de transition

Certes, il y a des clauses de «grandfathering» qui protègent les opérateurs et les développeurs des investissements injectés avant le 14 juin qui jouiront de l’exemption fiscale à 0 % jusqu’au 30 juin 2021. Mais ils sont conscients qu’un ressort est cassé dans la dynamique de ce secteur.

Cependant, opérateurs comme développeurs entrevoient encore une lueur d’espoir. «Non, je ne crois pas qu’on peut parler de la fin du port franc. Il y a une ligne de communication qui a été ouverte avec les dirigeants de l’Economic Development Board (EDB). Ils ont écouté nos commentaires sur ces mesures et il faudra maintenant attendre le Finance Bill pour voir si le ministère des Finances fera preuve de flexibilité», soutient Hans Herchenroder qui note que la balle est maintenant dans son camp.

Ce à quoi le CEO adjoint de l’EDB, Ken Poonoosamy, se veut rassurant. Il invite les acteurs majeurs du secteur à attendre la publication du Finance Bill. «Il faut comprendre que le pays a des exigences à respecter auprès de l’OCDE, qui souhaite une uniformisation du régime autour de 3 % tant pour le marché domestique que celui du port franc engagé dans l’exportation. Et ce, pour éviter qu’il y ait des pratiques fiscales nuisibles.» Le No 2 de l’EDB est toutefois convaincu qu’après plus de 20 ans d’existence, le port franc doit se réinventer face aux nouvelles exigences pour être financièrement dynamique. Aujourd’hui, sa contribution au PIB est de 0,6 % et sa croissance stagne à moins de 3 %. Quant à son chiffre d’affaires, il est passé d’une soixantaine de milliards de roupies au tout début de ses opérations à un peu plus d’une quarantaine de milliards aujourd’hui.

Difficile arbitrage pour Pravind Jugnauth comme ministre des Finances qui doit se plier aux exigences fiscales de l’OCDE tout en évitant qu’un secteur économique comme le port franc ne sombre dans la déprime.