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Ashish Beesoondial: «Caudan Arts Centre, la même fonction que le ministère de la Culture»

25 juin 2018, 21:30

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Ashish Beesoondial: «Caudan Arts Centre, la même fonction que le ministère de la Culture»

L’ouverture du Caudan Arts Centre vient d’être annoncée pour le 1er décembre. Ashish Beesoondial, Theatre Manager, explique les ambitions artistiques et sociales de ce centre dans lequel Rs 1 milliard a été investi.

L’ouverture du Caudan Arts Centre est officiellement prévue pour le 1er décembre prochain. Où en est le chantier ?
L’intérieur est prêt. Les équipements arrivent au mois d’août.

En avril, l’amendement du «Pouce Stream (Authorised Construction) Bill» a créé la polémique. Le promoteur a abandonné le «cantilever», la partie de la façade devant surplomber le ruisseau du Pouce. Quels torts a causés cet épisode ?
Nous ne sommes pas très happy de cela. Comme René l’a dit (NdlR : René Leclézio, Chief Executive Officer de Promotion and Development) il y a eu un acharnement contre nous. Alors que le projet va dans la bonne direction, en termes de revalorisation des arts, de Port-Louis et de volonté d’aller vers les publics.

Avez-vous eu l’occasion de vous expliquer avec les députés de l’opposition qui se sont exprimés avec véhémence contre le projet ?
Nous avons décidé de reculer, pour ne pas nous mêler de politique. Les politiciens font leur job. Nous avons le nôtre. Nous sommes dans une démarche de construction de l’avenir. Discuter avec eux…

Quelles conséquences a eues l’abandon du «cantilever» ?
Il y a eu beaucoup de changements, avec des répercussions notamment sur le plan émotionnel. C’était le dernier projet de Mico Giraud (NdlR: l’architecte initial du Caudan Waterfront). Toute cette histoire est le reflet de ce qui aurait pu être fait si les politiciens avaient eu l’ouverture d’esprit nécessaire pour comprendre que le Caudan Arts Centre est là pour l’avancement de Maurice. Cet épisode est un rappel de tout ce qui nous manque.

Qu’est-ce qui manque ?
The big idea. Une réflexion sur ce que l’on peut apporter d’autre. Nous tenons à ouvrir le Caudan Arts Centre en 2018, parce que c’est les 50 ans de l’Indépendance. Beaucoup a été fait, mais on n’a pas parlé des industries créatives comme élément central du pays.

Le Budget 2018-2019 mentionne le National Arts Fund et les subventions pour la création. C’est une bonne idée. Il était grand temps, les artistes ont besoin d’être aidés. Mais la grande question demeure : sait-on dans quelle direction aller ? Est-ce que l’État a établi des objectifs à atteindre dans cinq ans, pour l’économie créative ? Je ne parle pas de la Vision 2030. Ce n’est que du discours. Kouma dir inn donn enn bis, me kot nou pou ale ?

Quel sera le spectacle d’ouverture du Caudan Arts Centre ?
Je veux que cela soit totalement centré autour des artistes. Nous allons lancer un appel à participation en août pour le Caudan live. Il y a cinq catégories : théâtre, danse, musique, spoken word. Et un créneau qu’il faut booster: le folklore, toutes ces pratiques oubliées. Il y aura des présélections. L’ouverture ne se fera pas uniquement dans l’Arts Centre mais dans tout le Caudan Waterfront. Ce sera quelque chose de fun, pour faire bouger les familles. Leur dire que l’art, ce n’est pas juste kas enn poz et regarder, c’est aussi participatif.

Quelle part d’activités gratuites au Caudan Arts Centre ?
C’est une question fondamentale. Nous croyons dans la créativité pour tous.

C’est votre devise ?
Voilà. Il y aura forcément des activités payantes, mais aussi plusieurs choses ouvertes au public. Le Caudan Arts Centre n’est pas qu’un espace de diffusion. Nous sommes différents d’un théâtre conventionnel.

En quoi serez-vous différent du théâtre de Port-Louis, qui est en rénovation, avant de réouvrir un jour ?
C’est la programmation qui fera la différence. Par exemple, nous aurons l’atelier I can’t sing, pour ceux qui veulent essayer. Nous voulons collaborer avec tous ceux qui le souhaitent, pour monter des spectacles.

Si on développe un projet au cœur de Port-Louis, on ne peut le faire, sans parler à la mairie. Port-Louis est une ville chargée d’histoire. Le patrimoine c’est bien, mais s’il n’y a pas de vie autour, je veux dire des activités artistiques, les gens ne viendront plus voir ce patrimoine. J’aurais aimé collaborer avec la mairie pour redonner vie au patrimoine de Port-Louis.

Quelle sera la relation entre le Caudan Arts Centre le théâtre ?
Je suis ouvert à toutes les propositions. De notre côté, c’est un investissement de Rs 1 milliard, avec un plan à long terme pour le rentabiliser. C’est une question de survie.

Nous serons aussi différents grâce à l’accompagnement des artistes que nous mettons en place. Il y a aussi l’apport technique de haut niveau. J’ai vu les consultants à l’œuvre…

Des Mauriciens ?
Non, des Anglais. De la société Arup Performing Arts basée à Londres. Ils ont travaillé avec les ingénieurs d’Arup Sigma.

C’est une salle où l’on peut faire du théâtre sans avoir besoin de micros ?
Absolument. En tant qu’acteur, je me suis dit, ti pou bon enn zour mwa ousi mo zwe lor sa lasenn la (rires)

C’est pour quand ?
(Rires) Bientôt. Il ne faut pas rater cela. Plus sérieuse- ment, n’oublions pas le Fire Certificate. À la moindre étincelle, le spectacle s’arrête, un rideau coupe-feu descend, séparant la scène du public.

Revenons à la prise en charge proposée aux artistes...
Durant la première année d’opération, la prise en charge financière sera difficile. Donc l’apport sera surtout technique et créatif. Au lieu de proposer seulement un espace à louer, nous allons collaborer avec les artistes et au final, partager les recettes.

Ce sera 50-50 ?
Ou autour. Autre avantage, nous avons des services pour le marketing, les affiches et les billboard. Nous aurons aussi notre billetterie, en ligne et physique.

Vous devenez le troisième opérateur dans ce secteur ?
C’est évident que pour programmer des manifestations sur toute l’année, il faut avoir une billetterie. Si on veut un Arts Centre de haute facture, il faut soigner la clientèle.

Nous voulons que ce soit aussi un espace d’apprentissage artistique, avec des ateliers, des cours pour enfants et adultes. Je lance l’invitation à tous les artistes, de toutes formes d’expressions, de se joindre à la famille du Caudan Arts Centre.

Il y a toute une jeune génération d’artistes et de publics qui montent. Qu’est-ce qu’on va leur proposer ? Tout commence par l’encadrement. Il y aura un programme intitulé A’venir, une scène ouverte, une à deux fois la semaine, pour reprendre le work in progress. Il faut une vision à long terme, pour the next creative wave. Il faut que tous les ans on se dise : what’s next ? Et ne pas se contenter de répéter ce qui existe déjà. C’est ce que le ministère des Arts et de la culture aurait dû faire.

Le Caudan Arts Centre envisage de jouer le rôle du ministère ?
Nous aurons la même fonction, mais surtout pas le même fonctionnement. L’intérêt est là, en tout cas, chez nous, de développer le secteur créatif.

Il y aura une nouveauté tous les mois ?
La philosophie de la programmation c’est de se demander : que veulent les Mauriciens ? Mais surtout de quoi ont-ils besoin ?

Avez-vous les réponses ?
Très souvent ils veulent ce qui est commercial. Devons-nous présenter cela comme le font d’autres endroits ? La réponse est non. Nous avons une scène de 15 mètres par 11 mètres, des cintres, des décors dernier cri, en quoi sommes-nous différents ? Cela viendra en travaillant avec les artistes.

De quoi les Mauriciens ont-ils besoin ? Cela dépend de l’encadrement artistique. Un Arts Centre a une responsabilité envers la société, pour valoriser l’art au quotidien. L’un des gros défis est d’utiliser les arts pour toucher les citoyens. Il y a déjà bon nombre d’associations et d’organisations qui le font déjà, comme Tipa. Il n’y a pas encore de partenariats formels, mais nous sommes en discussion. La fondation ArtIs a été lancée la semaine dernière. Tout cela, c’est pour apporter un changement.

Qu’est-ce que le Caudan Arts Centre veut changer ?
À Maurice, on n’a jamais eu l’occasion de parler de la valeur de la créativité.

Qui ne reconnaît pas la valeur de la créativité ? Les autorités, le public ?
Est-ce qu’on peut définir la créativité ou est-ce seulement du ressenti ? C’est justement parce que c’est quelque chose d’intangible que les autorités ne comprennent pas la direction que nous devons prendre. Le Caudan Arts Centre veut être un leader. Mais avec toutes ces grandes idées, il ne faudrait pas se retrouver sans personne pour les soutenir. D’où la volonté de collaborer avec les artistes, les associations, les ONG. Exemple : l’Atelier Mo’zart.

Il n’y aura pas de productions commerciales ?
Je vais être honnête. C’est un business model, sinon, le projet n’est pas viable. On sait que ce sera dur artistiquement. Le Caudan Arts Centre n’est pas seulement un lieu artistique. Il y a quatre salles de conférences, un espace d’exposition, le tout modulable. Il y a aussi un bistrot, une salle de répétition. C’est la phase trois du développement du Caudan. Il faudra trouver l’équilibre entre l’artistique et le commercial.

Combien coûte la location de la salle de spectacle de 430 places ?
Cela va dépendre du spectacle, du nombre de jours requis. Ce sera décidé au cas par cas.

 

Spectacle d’ouverture: le retour de Porgy ek Bess

<p>Outre la formule de spectacle participatif, sur sélection, le Caudan Arts Centre monte une adaptation en créole de l&rsquo;œuvre de George Gershwin, &laquo;Porgy ek Bess&raquo;. Il s&rsquo;agit d&rsquo;un retour aux sources. Une première version de cette comédie musicale avait déjà été proposée par le Caudan en 2013. Elle avait tourné, à l&rsquo;époque loin des salles conventionnelles, à Case-Noyale, Mahébourg, et Grand-Gaube. Le metteur en scène était déjà Ashish Beesoondial. Il retrouve une partie de l&rsquo;équipe initiale, dont les musiciens Dean Nokadu et Philippe Thomas. Dans les rôles principaux : Jason Lily et Anoushka Massoudy. &laquo;C&rsquo;est une comédie musicale qui parle du pouvoir de transformation de l&rsquo;amour&raquo;, s&rsquo;enthousiasme le metteur en scène. Des représentations sont prévues durant les deux premières semaines d&rsquo;opération du Caudan Arts Centre.</p>