Publicité

Mondial-2018: le football, ce sport hermétique aux scandales de dopage

10 juin 2018, 07:40

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Mondial-2018: le football, ce sport hermétique aux scandales de dopage

Très peu de contrôles positifs, des témoignages rares de l’intérieur: le football semble hermétique aux grands scandales de dopage qu’ont connu le cyclisme et l’athlétisme. Les enjeux financiers et sportifs qui l’entourent en font pourtant un sport à risque.

Intégralité des joueurs soumis à des contrôles urinaires et sanguins inopinés avant le Mondial, puis pendant la compétition: la Fifa, qui pourra aussi détecter des données suspectes sur les passeports hématologique et stéroïdien, assure qu’elle fera le nécessaire pour chasser les tricheurs. L’instance a l’habitude de répéter que le football est le sport qui fait l’objet du plus grand nombre de contrôles dans le monde 33.000 en 2016 pour des résultats positifs très faibles: seulement 150 en 2016. Et avec les justifications médicales, tous n’aboutissent pas forcément à une sanction. En tête des classes de substances trouvées: les anabolisants, recherchés pour améliorer la musculation, les stimulants et les corticoïdes, ces puissants antidouleurs partiellement interdits en compétition. Mais pour les experts de l’antidopage, les statistiques ne donnent qu’une photographie très imparfaite du dopage, dans le football comme dans tous les sports.

«Silence total»

«Il y a beaucoup d’indicateurs qui montrent que le football est un sport vulnérable: un calendrier lourd donc des plages de récupération de plus en plus courtes, des blessures fréquentes, une concurrence féroce, des enjeux financiers énormes, des joueurs qui ont toujours besoin d’être au top, notamment pour la période de transferts», énumère à l’AFP le directeur des contrôles de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), Damien Ressiot.

«En 2017, nous avons réalisé 548 prélèvements urinaires et sanguins, dont certains destinés au passeport biologique, pour seulement 3 résultats analytiques anormaux (...) Et pourtant, ces contrôles ont été réalisés de manière intelligente, lors des phases estivales de travail foncier par exemple, ou lors de la trêve hivernale, ou bien avant des échéances importantes…», explique-t-il. Quand aux remontées d’information du milieu, «c’est le silence total».

Et dans le reste du monde ? La FIFA est compétente pour ses compétitions, l’UEFA pour la Ligue des Champions et l’Europa League. Puis, «il appartient aux agences nationales antidopage de contrôler le football au jour le jour dans leur pays», explique à l’AFP Martial Saugy, l’ancien directeur du laboratoire antidopage de Lausanne, conseiller scientifique auprès de la FIFA. Or, «il y a une assez grande disparité d’efficacité entre ces agences sur la planète».

Procès symbole de la Juventus

Le dopage a toujours accompagné l’histoire du football. Et pas seulement pour le cannabis ou la cocaïne, qui fit chuter Maradona avant l’éphédrine au Mondial 1994, dernier cas positif en Coupe du monde, et a failli coûter le voyage en Russie à la star péruvienne Paolo Guerrero. En 2010, une étude du Comité olympique allemand avait révélé que l’usage de métamphétamines avait aidé la Mannschaft à accomplir le «miracle de Berne» en finale de la Coupe du monde 1954 contre la Hongrie. En 1977, c’est Franz Beckenbauer, qui dévoile, dans le magazine Stern, l’existence des autotransfusions sanguines, pratique désormais interdite mais peu détectable.

Puis, ce sera le tour de la pharmacie de la Juventus Turin dans les années 90. Le procès d’un dirigeant et du médecin du club avait mis en lumière l’usage détourné de nombreux médicaments autorisés comme le Neoton, une créatine injectable réservée aux insuffisants cardiaques, des antidépresseurs ou des perfusions de fortifiants.

Au final, les débats ont débouché en 2007 sur une relaxe générale, en partie pour prescription. Et l’usage d’EPO, qui a plané tout au long du procès, n’a pas été retenu, en dépit de données sanguines suspectes pour plusieurs joueurs.

Blessures, récupération

«Le football demande de l’endurance, de la résistance et de l’explosivité. C’est forcément intéressant pour le dopage», explique le médecin Gérard Dine, spécialiste reconnu de ces questions. Le directeur médical de la Fédération française de football (FFF), Emmanuel Orhant, est beaucoup plus sceptique, jugeant ce sport beaucoup trop varié dans ces exigences pour trouver un intérêt à se doper dans le haut niveau. «Ce que vous allez gagner sur un aspect, vous le perdez ailleurs», résume-t-il à l’AFP. «Dans le haut niveau, il y a un calcul bénéfice-risque chez les joueurs et dans les équipes. Et le risque aujourd’hui, il est très élevé», pense Martial Saugy.

Le Français Samir Nasri a récemment été suspendu six mois par l’UEFA pour une perfusion intraveineuse de vitamines, une pratique prohibée. Le joueur ne s’est pas fait pincer lors d’un contrôle, mais à cause des indiscrétions, sur Twitter, de la clinique américaine qui l’avait traité. Pour plusieurs experts de l’antidopage, c’est dans les phases de récupération et de blessures qu’il faut être vigilant. Or, la très grande majorité des contrôles dans le monde ont lieu en compétition. «Ceux qui se font prendre en compétition aujourd’hui, ils se font prendre avec les vieux produits», explique Gérard Dine. «On peut aussi jouer avec la réglementation pour les béta-2 agonistes (anti-asthme) et les corticoïdes», ajoute-t-il. Des zones grises qui concernent tous les sports.