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Sucre: le prix en voit de toutes les couleurs

5 juin 2018, 02:00

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Sucre: le prix en voit de toutes les couleurs

Depuis 13 ans, le sucre ne cesse de «semer» son grain de sel. Entre les fluctuations du marché et la baisse en termes de superficie consacrée à sa culture et production, le prix en voit de toutes les couleurs. Et cette année, la baisse atteindra le palier le plus bas, plafonnant à Rs 11 000 la tonne. Pourquoi le prix décline-t-il autant pour le sucre mauricien ? «Dans le monde, il y a une surproduction de sucre», affirme Dineshsing Goburdhun, General Manager de la Mauritius Cooperative Agricultural Federation Ltd (MCAF).

La surproduction en question serait liée à plusieurs facteurs. D’abord, le produit mauricien fait face à une concurrence accrue des producteurs offrant un prix plus attractif aux acheteurs. À ce titre, des pays comme le Brésil, l’Inde, le Pakistan et l’Indonésie, affichant un coût de production inférieur comparé à Maurice, commercialisent leur sucre à un meilleur taux.

Concurrence de la betterave

En sus des pays producteurs, un autre élément casse du sucre sur le dos du marché mauricien : la betterave. En effet, son sucre inonde le marché européen, qui en est parallèlement le principal producteur. «Avec la libéralisation du marché, le sucre de betterave est un sérieux concurrent. D’autant que comme les producteurs sont déjà localisés en Europe, ils n’ont pas des frais de fret, entre autres, contrairement à nous qui exportons notre sucre de canne», ajoute notre interlocuteur.

Paradoxalement, d’autres accords sucriers ont été rompus pour la canne. D’après Deevesh Dukhira, président du Syndicat des sucres, depuis 2009, Maurice ne bénéficie plus d’un prix garanti en Europe pour les exportations. «Le prix a subi une baisse dépassant 40 % durant les 18 derniers mois. Mais au-delà du prix garanti sous le Protocole sucre, la chute était déjà amorcée depuis 2006 avec la réforme sucrière», avance-t-il.

À ce jour, l’industrie cannière compte 20 corporate growers, dont quatre sucreries, et environ 12 800 petits planteurs, soutient Deevesh Dukhira. Dix ans plus tôt, il y en avait le double, lâche-t-il. L’effritement du prix du sucre est également tributaire de l’abolition d’autres accords commerciaux.

D’après un représentant d’Omnicane, Maurice, qui faisait partie du Commonwealth Sugar Agreement, avait ensuite rejoint le groupe Afrique Caraïbes Pacifique (ACP) dans le sillage de l’entréede la Grande-Bretagne  sur le Marché commun européen. «C’était le temps des accès assurés et prix garantis régis par les conventions de Yaoudé, de Lomé I et II et le régime des quotas garantis», indique-t-il. Aujourd’hui, ceux-ci sont quasi inexistants.

Et depuis le 1er octobre 2017, une énième abolition des quotas de production en Europe vient en rajouter une couche dans la guerre du sucre, constate Sébastien Lavoipierre, responsable des opérations industrielles chez Alteo. «Nous n’avons plus de filet de protection pour le sucre mauricien maintenant. Le prix sur le marché européen s’est aligné sur le prix mondial qui est à la baisse avec le surplus de stock.»

Commerce pas rentable

Si les répercussions internationales pèsent lourd sur l’industrie du sucre, d’autres conséquences locales ne sont pas en reste. «Le plus inquiétant est la hausse des coûts opérationnels à Maurice», déclare Deevesh Dukhira. Effectivement, la production revient à Rs 17 000 la tonne, tandis que son prix de vente n’est que de Rs 11 000 par tonne. Du coup, le commerce du sucre n’est pas rentable. Parallèlement, la superficie consacrée à la canne à sucre ne cesse de diminuer. Maurice est aujourd’hui en dessous de 50 000 hectares, alors qu’elle affichait 70 000 hectares en 2006.

Ajouter à cela des conditions climatiques défavorables à la pousse. «Les vents causés par les tempêtes, notamment le cyclone Berguitta en janvier et Fakir en avril, ont eu un effet de retardement sur la pousse. La pluviométrie excessive n’a pas amélioré la situation», confie Sébastien Lavoipierre. Subséquemment, une réduction de 25 000 tonnes de cannes, soit de 2 %, est anticipée par Alteo Milling.

Pourtant, ajoute-t-on du côté d’Omnicane, la canne à sucre demeure cruciale pour le pays puisque combinée au secteur du thé, elle représente 23,1 % de l’industrie agricole. D’autant que les exportations avaient généré des revenus de Rs 7,3 milliards de janvier à septembre 2017, d’après Statistics Mauritius.

Que faire face à l’effritement continu du prix et de l’industrie ? Les sous-produits et ceux à valeur ajoutée seraient le salut de la canne, indiquent nos interlocuteurs. «Nous étudions les possibilités de diversifier nos sources de biomasse pour nos centrales. Des tests sont actuellement en cours pour la production de biogaz à partir de vinasse, dérivée de la distillation de bioéthaonol», souligne-t-on à Omnicane.

Pour Dineshsing Goburdhun, la qualité du sucre mauricien doit être valorisée. «Maurice est reconnue dans le monde en matière de qualité. Les marchés européens et américains, par exemple, sont très demandeurs de nos sucres spéciaux. Mais l’île étant loin géographiquement, les frais de fret sont élevés pour l’expédition. Il faut travailler dessus car ces sucres-là ont vraiment du potentiel.»

La contribution d’autres marchés est également à l’étude. «Le gouvernement est en négociation avec d’autres pays émergents comme l’Inde et la Chine pour solliciter un accès préférentiel pour nos exportations», conclut Deevesh Dukhira.

Les mesures annoncées en 2017

<p>Objectif : assurer la viabilité du secteur sucre sur le long terme. Parmi les principales mesures annoncées en 2017 : une provision de Rs 50 millions avait été faite pour ramener au moins 500 hectares sous cette culture agricole. Ceci, afin de pallier l&rsquo;abandon des terres cannières par les planteurs. La technologie via drone avait également été mentionnée. Celle-ci visait à évaluer et améliorer le rendement de la canne à sucre sur de grandes superficies.</p>

<p>Troisièmement, mention a été faite d&rsquo;un projet pour encourager l&rsquo;usage de biomasse par des &laquo;Independent Power Producers&raquo; dans l&rsquo;industrie sucrière. De plus, un remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée et des facilités financières pour le remplacement de vieux véhicules utilisés pour le transport de la canne à sucre ont été évoqués.</p>

 

Les fluctuations en quelques mots

	<p><strong>Chute de la superficie cannière :</strong> 49 973 hectares en 2017, contre 51 476 en 2016</p>

	<p><strong>Baisse dans la production de sucre :</strong> 386 277 tonnes en 2016, contre 355 213 tonnes en 2017</p>

	<p><strong>Déclin dans la production de sucre roux pour en faire du sucre blanc raffiné :</strong> 215 473 tonnes en 2017, contre 263 854 tonnes en 2016</p>

	<p><strong>Hausse dans la production des sucres spéciaux :</strong> 139 740 tonnes en 2017, contre 122 423 en 2016</p>

	<p><strong>Baisse du taux d&rsquo;exportation vers l&rsquo;Europe :</strong> 370 000 tonnes en 2016-2017, contre 403 000 tonnes en 2013-2014.</p>

	<p>Source : Statistics Mauritius</p>

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