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Accaparement des plages: «Les Mauriciens n’ont que des restants, des falaises, des galets!»

20 mai 2018, 14:50

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Accaparement des plages: «Les Mauriciens n’ont que des restants, des falaises, des galets!»

335 km. C’est le périmètre de plage autour de Maurice. Sauf que celle-ci retrécit comme peau de chagrin. Mercredi 16 mai, lors d’une visite à Pointe-d’Esny et Blue-Bay, Mahen Jhugroo, le ministre du Logement et des terres, a annoncé qu’environ un arpent de la plage de Blue-Bay sera rendu au domaine public

«Nous proclamerons cette plage publique et nous allons faire de sorte que les gens aient, à présent, accès à la plage.» Il a affirmé que la plage doit être accessible. «Nous allons essayer de remettre, sur tous les 500 mètres, un accès à la plage comme c’était le cas par le passé.» 

Or, à ce jour, la superficie de la plage qui est accessible au public s’étale sur seulement 46,9 km. Comment en est-on arrivé là ? Interrogé, Rama Valayden souligne avoir été un des premiers à avoir milité pour la sauvegarde des plages en 1992. «On avait mené une série de combats pour sauvegarder l’espace marin de plusieurs plages où les autorités avaient initié des projets. Notamment à Pointe-aux-Sables, Flic-en-Flac, Blue-Bay, Pomponette, Pointe-aux-Canonniers, ou encore à l’île-aux-Cerfs où on avait entamé un projet de golf», raconte l’homme de loi. 

«Il nous reste 12 % de nos plages. À ce rythme, à l’avenir, les Mauriciens n’auront recours qu’au soleil et à la piscine».

D’ajouter que l’ex-Mouvement républicain (MR) était parvenu à mobiliser 5 000 personnes contre ce projet. «En fait, dans chaque combat, on avait au moins 300 personnes derrière nous. À l’époque, feu James Burty David et moi avions même eu des problèmes au Conseil des ministres pour avoir coupé des fils au Morne», se remémore Me Valayden. 

Aujourd’hui, il estime que la situation est grave. «Il nous reste 12 % de nos plages. À ce rythme, à l’avenir, les Mauriciens n’auront recours qu’au soleil et à la piscine». 

Pour Yan Hookoomsing, d’Aret Kokin Nu Laplaz (AKNL), la situation s’apparente à «un régime de malhonnêteté». Selon lui, depuis 2005, des chiffres sur l’utilisation des terres qui sont attribuées aux campements, aux développements fonciers (Integrated Resort Scheme, Real Estate Scheme), aux hôtels, ne sont plus publiés. Et c’est à partir de 2004-2005 que «l’actuelle déferlante» de béton a commencé, avec la réforme de l’industrie sucrière. «Tablisman ale ver Real Estate.» Il cite, entre autres, des smart cities, Integrated Resort Scheme, centres commerciaux. Un autre secteur est la production d’énergie en masse. 

Il est d’avis que l’État pratique une politique d’opacité. Au dire de Yan Hookoomsing, l’État a un stock de Pas géométriques. Mais selon lui, certains endroits sont privés. Si le périmètre est de 335 km comme l’affirme la Beach Authority, et que seuls 46,9 km sont accessibles au public, il s’interroge sur les 288 km qui ont été bradés. «Ki kantité inn donn lotel, inn fer kanpman?» 

En 2003, la plage de St-Félix était de 999 m. En moins de 15 ans, elle fait moins que 400 m. En 2005, une Government Notice mentionne que cette plage sera de 391 m. 

«En 1980, il n’y avait que 43 hôtels, aujourd’hui il y en a 115. Au niveau des chambres d’hôtels, nous sommes aujourd’hui à 13 617, au-dessus de la Vision 2020 de 9 000 chambres.»

Pomponette, en 2003, s’étale sur 915 m avec du sable fin. Aujourd’hui, cette plage, qui ne fait que 477 m, n’est pas considérée comme une plage de qualité. La raison ? La présence de gravillons, de coraux. 

Pour Yan Hookoomsing, le gouvernement a inclus des falaises dans la liste des plages publiques. Il cite Riambel, Gris-Gris, Terracine, le Souffleur. «À côté du Souffleur, il y a une plage qui s’appelle La Passe. L’État ne veut pas la proclamer publique.» Selon lui, les Mauriciens n’ont que «des restants, des falaises, des galets. C’est ça que l’État inclut dans la liste des 46,9 km». Il estime que l’État n’a aucune intention de donner aux Mauriciens des plages qui font partie de leur héritage. 

Selon une estimation des plages faites par le collectif AKNL, 90 km des côtes mauriciennes ont été donnés pour des projets hôteliers, des smart cities et des terrains de golf et 60 km aux campements. «En 1980, il n’y avait que 43 hôtels, aujourd’hui il y en a 115. Au niveau des chambres d’hôtels, nous sommes aujourd’hui à 13 617, au-dessus de la Vision 2020 de 9 000 chambres.» Le gouvernement annonce que 15 hôtels vont sortir de terre. «Est-ce que c’est ça dont la population a besoin ?» 

De son côté, l’ancien ministre des Terres Joe Lesjongard indique qu’à un moment, le gouvernement ne pourra plus continuer à utiliser des plages publiques pour le développement. Selon lui, pour accroître le développement touristique, le gouvernement devra prendre des décisions, comme résilier des baux des campements pour le développement du pays, contre une compensation. 

Abu Kasenally, également ancien ministre des Terres, abonde dans le même sens. «Komié dimounn servi kanpman privé fer guest house alor ki zot pa siposé fer sa? Nimport kan gouvernma kapav résilié bail pou fer devlopman.» 

Selon Yan Hookoomsingh, les campements ont des baux de jouissance exclusifs des plages, jusqu’au High Water Mark. «Li pé payé pou sa.» Il estime que l’État doit intervenir pour changer sa politique concernant le campement. «Rékil so bail 3 à 4 m pu piblik traversé. Voici la limite du terrain privé. Et voici où commence le terrain pour le public.»