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Album photo: Jean-François Guimbeau à la boutique des souvenirs

15 mai 2018, 01:15

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Album photo: Jean-François Guimbeau à la boutique des souvenirs

Vestiges d’enfance. Gardiens du temps passé, souvent habillés de rouge. Les boutiques ont plus à offrir que leurs étagères surchargées. Dans le flot de clients, l’un d’eux n’a rien oublié. JeanFrançois Guimbeau a grandi à Riche-en-Eau, au lieu-dit Astroea. «Ma maman faisait ses commissions à l’ancienne boutique Pak Soo à Mahébourg», se souvient-il. La famille fré- quente aussi la boutique de Deux-Bras.

«Ces petits commerces m’ont toujours intrigué.» L’enfant qu’est alors Jean-François Guimbeau s’imprègne de cette «odeur particulière». Un mélange de poisson salé, d’objets en plastique qui sentent le neuf, de savonnettes et d’eau de Cologne. C’est ce qu’il entreprend de restituer dans Bou- tiques Chinoises de l’île Maurice, en collaboration avec le profes- seur Serge Rivière. Cet album photo sera lancé dans le courant de la semaine.

Quand Jean-François Guimbeau rentre à Maurice après ses études, en 1988, son travail de paysagiste lui permet de sillonner l’île. «Je m’arrêtais toujours dans les boutiques.» Demandant des nouvelles de la famille du commerçant. Nouant des liens durables. La fermeture inexorable de nombre de ces commerces le pousse au «devoir de mémoire». Une marque de respect qui a duré dix ans. C’est en 2008 qu’il se met à photographier «sérieusement» les boutiques.

En préface, Jean-François Guimbeau écrit : «Le déclin des boutiques chinoises s’amor- ça vers le milieu du XXe siècle. Les enfants allèrent à l’école et beaucoup firent des études supé- rieures en finance, en médecine ou d’autres filières prestigieuses. N’ayant plus de relève, les parents finirent par fermer leur commerce. Après l’indépendance, beaucoup de familles choisirent aussi d’émigrer vers le Canada.» Pour lui, nous vivons le «crépuscule d’un pan du patri- moine mauricien». Depuis que cet album souvenir est prêt, «il y a au moins une dizaine qui a soit brûlé, soit a été démolie, soit a fermé». Il cite notamment les deux commerces portlouisiens qui ouvrent l’ouvrage : la boutique John, qui était rue Mère Barthélemy et la boutique Christian, rue Deschartres. «Avec le professeur Rivière, nous nous sommes demandé ce que serait devenue la population, sans ces commerçants. Ils ont aidé tout le monde, du plus riche au plus démuni». Un système de «report» pour acheter «au détail», demikar dile, enn kar petrol. Des épices emballées dans des cornets en papier journal. «Il y avait aussi toujours la queue dans ces boutiques. Cela servait à fidéliser le client.»

En préface, Jean-François Guimbeau ajoute : «Bien des fois lors de mes recherches, j’ai entendu dire: “La boutique la ti fer mo mariaz.” C’est le boutiquier qui finança les dépenses de mon mariage.» L’album de photos est assorti d’extraits de textes qui mentionnent les boutiques. Exemple, ces vers de Ro- bert-Edward Hart : «Tous les songes d’Asie/Tous les parfums d’Afrique/Toute la poésie chimé- rique/Me viennent ce soir avec cette brise de la Mer Indienne/ M’apportant un peu l’âme de langueur/Et de flamme aérienne/ Qui aux seuls noms d’Asie et d’Afrique me grise.» Marcel Cabon, Malcolm de Chazal, Jean Claude de l’Estrac, Her- vé de Rauville, André Masson, Vijaya Teelock, Marie Thérèse Humbert, sir Charles Bruce sont aussi cités.

Cet album ne se contente pas de montrer les boutiques. Même si on ne les voit pas, on entend la voix des boutiquiers. De la boutique Charly à RoseBelle, un commerçant confie : «Autrefois, la boutique embau- chait quatre commis qui dormaient au grenier.» Jean Chung Wai de Cluny témoigne : «La boutique servait aussi de bureau de poste.»