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Steve Obeegadoo: «Le MMM fonce tout droit dans le mur»

3 mai 2018, 23:45

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Steve Obeegadoo: «Le MMM fonce tout droit dans le mur»

C’est la première fois que Steve Obeegadoo, président de la commission de l’éducation du parti mauve s’exprime après l’expulsion de Pradeep Jeeha du Mouvement militant mauricien (MMM). Selon lui, ce dernier avait raison de dire le fond de sa pensée. Et d’ajouter qu’il n’a jamais envisagé la démission. Au contraire, il ne perd pas espoir de réapprendre au parti mauve à gagner.

Vous avez été silencieux pendant l’épisode Pradeep Jeeha. Pourquoi ?

Le MMM avait engagé une action disciplinaire et j’ai souhaité m’exprimer à l’intérieur du parti. Et ma voix, on l’a entendue. J’ai dit qu’on ne pouvait pas tirer sur le messager, tout en ignorant le message. Pradeep Jeeha a dit ce qui n’allait pas au MMM et ce qu’il fallait revoir pour donner au parti une chance aux prochaines élections. Le message n’a pas plu.

Donc, Pradeep Jeeha avait raison de dire ce qu’il pensait ?

Absolument. Je pense que le MMM est mal parti. Il n’est pas dans une situation où il peut se permettre de continuer à foncer droit dans le mur. Il faut que les dirigeants du MMM soient à l’écoute de la population et de cet électorat qui a pris ses distances, soit ces 42 % de 2010. Je pense que les dirigeants ont un devoir de lucidité, d’écoute, pour dire non pas ce qui fera plaisir à la direction, mais pour parler vrai.

Pradeep Jeeha estil coupable d’avoir dit la vérité ou est-ce un ambitieux comme le qualifient ses anciens camarades ?

Ce serait tout de même étonnant. Pradeep Jeeha a été junior minister en 1995 et il est resté fidèle au MMM dans tous ses moments difficiles. Je n’ai pas toujours été en accord avec lui, mais je m’étonne que ses amis d’hier lui trouvent soudainement tous les défauts. C’est un peu cela au MMM. Tant qu’on y est, c’est parfait. Le jour où on n’y est plus, on devient le pire des traîtres. Je peux difficilement accepter cela. L’expulsion de Pradeep Jeeha est très triste.

Il n’y a eu aucun sursaut malgré la défaite de la partielle au no 18 ?

 Le mal du MMM, c’est ça. Un parti ne peut pas aller de défaite en défaite sans se remettre en question. Le temps passe, le monde change, on applique les mêmes recettes qui ne marchent plus. On ne veut pas voir la vérité. Au lendemain de la partielle de 2017, qu’avons-nous entendu ? Le leader du MMM avait déclaré : «On a reçu le message.Pas question que ce soit business as usual.»

Mais c’est toujours la même chose. On se dit que le MMM va gagner les prochaines élections générales. J’aurais tant voulu que cela soit le cas. Mais il faut changer les choses. Et les Dorine Chukory, les Sundee Beedassy et les autres qui s’en vont sans que l’on ne sache, puisqu’ils ne sont pas des personnalités publiques, eh bien, c’est là leur cri de désespoir. Il faut que le MMM réapprenne à gagner.

Comment ?

Paul Bérenger a annoncé la tenue des élections du comité central. J’ai donné un préavis pour déposer une motion lors du prochain comité central pour des élections libres et démocratiques. Le MMM ne peut pas se battre pour des free and fair elections au niveau national s’il ne sait pas organiser des élections libres et démocratiques au sein du parti. Et il se bat pour une electoral supervisory commission qui a plus de pouvoirs.

Nous avions proposé la même chose : un comité des sages qui agirait en tant que comité électoral. Cette proposition a été rejetée. Françoise Labelle avait proposé que le comité central aille vérifier les branches dans toutes les circonscriptions. Cette élection serait l’occasion de donner un nouveau départ au MMM. Sans cela, ce ne sera qu’une manœuvre pour éliminer toutes les voix contestataires.

Les dernières élections n’ont pas été «free and fair» ?

Il y a eu des abus et ce n’est pas la première fois. À mesure que se sont affaiblies les branches, la démocratie interne en a pris un coup. Je pense que les prochaines semaines vont être d’une importance capitale pour la démocratie interne et l’avenir du parti.

La situation au MMM a-t-elle empiré ?

Nous avons une constitution qui est allègrement violée au jour le jour. Savez-vous que cette constitution prévoit un comité des sages qui doit être mis sur pied à chaque fois qu’il y a un conflit grave afin de donner à toutes les parties l’occasion de s’expliquer et de concilier. Qu’a-t-on fait dans le cas de Pradeep Jeeha ? Un deputy leader qui, en l’espace de 2 à 3 semaines, a été expulsé du parti. Il faut se ressaisir pour le bien du MMM. Je suis au sein du MMM depuis très longtemps. C’est l’avenir de mon parti qui en jeu.

Le problème, c’est qu’il faut établir un diagnostic lucide, franc et honnête. Malheureusement, ce n’est pas ce qui se passe. Je l’ai dit au comité central : ce n’est pas par des sanctions et des expulsions que l’on règle les problèmes. Je n’ai jamais fait une question de personnalité de toute l’affaire. Pour une raison très simple. Que l’on remplace Paul Bérenger par un conservateur, ce sera du pareil au même. Sinon pire.

Regardez… Récemment, Jocelyn Chan Low l’a dit dans un entretien. Au PTr, quand il y a des dissensions, cela se règle dans le dialogue avec des compromis. On s’arrange pour poursuivre le chemin ensemble, tant bien que mal. Au MMM, les différends se règlent avec des sanctions, des expulsions et des dénonciations de soi-disant traîtres depuis toujours. Aujourd’hui, j’ai entendu Paul Bérenger dire qu’il faut tourner la page. Cela fait des mois que j’appelle à la conciliation. Ce qui signifie que ceux qui ont des opinions différentes sont capables de s’asseoir ensemble et de s’entendre avec des compromis pour le bien du parti. Le fond du problème, il est là.

On reproche aux frondeurs de ne pas parler à l’intérieur du parti…

Jeeha, en tant que deputy leader, s’est exprimé avec force quand le bureau politique, en violation de la constitution, a prétendu me sanctionner pour délit d’opinion. Au MMM, il n’existe pas de place pour un débat. L’expression d’une option différente au sein du parti débouche souvent sur des insultes et le mépris. Certains au sein du parti me reprochent de parler aux médias. Sans doute ira-t-on jusqu’à me sanctionner pour vous avoir parlé.

Pourquoi je vous parle ?

Je le fais parce que d’abord, ce que je dis à l’intérieur du parti et du comité central n’est pas répercuté auprès de la base et des comités régionaux. C’est la raison pour laquelle je reprends ma liberté de parole afin que les gens au-delà des instances sachent qu’il y a un réel débat.

Après la motion de blâme, ne redoutez-vous pas l’expulsion ?

Mon premier devoir est envers ma conscience de militant. La démocratie interne, la facilité avec laquelle nous pouvions avoir une opinion divergente a été la force du MMM. Je ne suis pas le seul, il y a un quart du comité central qui, malgré les admonitions de la direction, n’a pas voté la motion d’expulsion de Jeeha. Malgré tous les départs, un quart des membres du comité central exprime son désaccord.

Vous n’envisagez pas la démission ?

Je ne l’ai jamais envisagée. Ce serait très difficile si je me battais seul. Je parlais du quart du comité central. Au bureau politique, il y a des gens qui pensent différemment, mais qui ne s’expriment pas comme moi. Il y a aujourd’hui une tendance réformatrice pour retrouver le parti des années 70-80. Le monde a changé. Nous sommes en 2018 ; gagner, ce n’est pas regarder le passé mais anticiper le futur. Faire confiance de nouveau aux jeunes et tracer la voie du futur.

J’ai rejoint le MMM à l’âge de 15 ans. Bien avant ceux qui aujourd’hui me sanctionnent. Je suis très attaché à ce parti. Je ne perds pas espoir de pouvoir changer le MMM, de lui réapprendre à gagner et lui donner une chance aux prochaines législatives.

Vous parlez de changements, mais nous l’avons entendu lors de l’assemblée des délégués : Paul Bérenger a déjà le regard tourné vers 2019 ?

 Le leader se tourne vers les prochaines élections. Il a tout à fait raison, mais à condition de ne pas faire 14 % aux élections générales. Il faut surtout convaincre les gens et de rallier la population à nous.

Aller seul aux élections dans les conditions actuelles, est-ce possible ?

Ce serait la catastrophe. Cela fait trois ans que je dis que le MMM va droit dans le mur. J’ai été conciliant, je me suis battu avec d’autres dans cette partielle et l’on a vu les résultats. Ce n’est pas ce que je voulais, mais il faut se rendre à l’évidence. Tourner la page pour dire oui à la direction du MMM serait condamner le parti à la catastrophe.