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Roilya Ranaivosoa: «Si vous n’êtes pas dans les petits papiers, c’est fichu»

22 avril 2018, 23:30

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Roilya Ranaivosoa: «Si vous n’êtes pas dans les petits papiers, c’est fichu»

Votre fiancé vous a-t-il offert un autre bouquet ?

(Rires)… Cette histoire de bouquet a été sortie de son contexte. J’ai reçu des fleurs des membres de ma fédération. Et comme j’enlaçais ma maman, mon fiancé les a envoyées dans la foule. Il n’y a rien de méchant là-dedans, car c’est d’usage que les sportifs lancent les bouquets qu’ils ont reçus à leurs fans. J’adore les fleurs et j’en achète toujours pour ma maman. C’est dommage que certaines personnes n’aient retenu que cet épisode de mon retour au pays alors qu’il s’est passé des choses plus graves…

Quoi par exemple ?

Savez-vous qu’il n’y a pas eu de protocole d’accueil à l’aéroport jeudi (NdlR, 19 avril) ? Pourtant, j’ai entendu dire que la veille, on a presque déroulé le tapis rouge pour la première délégation à être arrivée à Maurice. Je suis l’unique médaillée mauricienne aux Jeux du Commonwealth. Cela m’attriste. Mes parents n’ont même pas bénéficié d’un moyen de transport pour se rendre à l’aéroport. Un accueil froid, voilà ce à quoi nous avons eu droit.

Comment expliquez-vous ce froid entre dirigeants et athlètes ?

C’est tout simplement dû au fait que les athlètes faisant partie de l’élite ne s’entraînent pas avec l’entraîneur national. La fédération et Ravi Bhollah ne font qu’un. Et si vous n’êtes pas dans les petits papiers, c’est fichu. Lorsque Shalinee Valaydon était en compétition, personne n’est venu la voir. Heureusement qu’il y a une solidarité entre les athlètes. On s’est encouragé mutuellement quand l’un des nôtres était en compétition. Peut-être que si j’avais eu un souci là-bas, j’aurais eu un peu de considération.

 

«Les athlètes faisant partie de l’élite ne s’entraînent pas avec l’entraîneur national. La fédération et Ravi Bhollah ne font qu’un.»

 

Vous faites référence au cas de harcèlement sexuel dont a été victime Jessika Rosun ?

Oui.

Justement, comment avez-vous vécu cette mésaventure…

(Elle coupe). Je suis allée en Australie pour une seule chose : ma compétition. Cela ne me regarde pas car je passe moi-même par des épreuves.

Mais cela ne vous interpelle pas, sachant que cela peut arriver à tout le  monde ?

Si cela m’était arrivé, je pense que l’accusé serait encore aux soins intensifs à l’heure qu’il est… Les responsables de discipline doivent veiller sur leurs athlètes. Cela devrait être leur priorité. Je déplore le fait que la représentante des athlètes au sein du Comité olympique mauricien (COM) n’ait pas agi. Moi-même, je n’ai l’ai vue qu’une fois durant les Jeux.

Vous pensez qu’elle n’en a pas suffisamment fait pour les athlètes ?

En tout cas, elle n’est jamais venue voir les haltérophiles pour leur demander si tout allait bien. Je l’ai croisée une fois au restaurant et elle m’a simplement dit «félicitations», avant de me tourner le dos.  

Avez-vous eu l’occasion de discuter avec Jessika Rosun ?

Oui, je lui ai apporté mon soutien car c’est une amie. Je lui ai même conseillé de porter plainte. Par la suite, je suis entrée en compétition et je n’ai plus pensé à ça.

Finalement, c’est un peu votre médaille qui a sauvé les Jeux dans le clan quadricolore…

Cette médaille, c’est mon chouchou. Les Jeux du Commonwealth se placent juste après les Jeux olympiques. Le niveau est forcement élevé. Mes parents font énormément de sacrifices pour moi. Nous sommes issus d’un milieu modeste. Quand ma maman est tombée gravement malade, une personne devait toujours rester à la maison pour s’occuper d’elle. Ma sœur a accepté de quitter son emploi pour rester à ses côtés pour que je puisse assister à mes entraînements. J’ai la chance d’avoir une famille soudée.

Vous étiez tout de même confiante avant votre entrée en lice.

Je me suis préparée adéquatement depuis 2014. J’ai également analysé les forces et les faiblesses de mes adversaires. Je reste convaincue que l’or était à ma portée. Malheureusement, je n’ai pas eu le soutien voulu du COM et de ma fédération. Souvent, je n’ai même pas de moyen de transport pour me rendre aux entraînements, alors qu’on utilise mon image sur les véhicules du ministère de la Jeunesse et des sports.

Le ministère de la Jeunesse et des sports est-il au courant de cette situation ?

Je suis sûre qu’au fond, les dirigeants le savent. Mais comme le transport des athlètes est désormais sous la responsabilité des fédérations, ils imaginent que le service est assuré correctement. Je suis une athlète, mais j’ai également des obligations familiales. Mes vitamines me coûtent Rs 4 000, idem pour ma nourriture. Donc, ce n’est pas évident de faire vivre ma famille. Ce ne sont certainement pas les Rs 23 000 que je reçois mensuellement de la High Level Sports Unit qui vont me permettre d’avancer.

Vous n’avez pas eu de soutien financier du COM ?

En janvier, les haltérophiles qualifiés pour les Jeux du Commonwealth avaient eu une réunion avec Philippe Hao Thyn Voon, le président du COM. Nous avons sollicité son aide dans le cadre de la préparation pour les Jeux. Il nous a clairement fait comprendre que nous n’avions pas de chance de décrocher des médailles et que le soutien financier est destiné à ceux qui peuvent briller aux Jeux. Son ancien secrétaire, Kaysee Teeroovengadum, avait, pour sa part, soutenu qu’il trouverait une solution. Trois mois après, les choses n’ont jamais bougé.

 

«Philippe Hao Thyn Voon nous a clairement fait comprendre que nous n’avions pas de chance de décrocher des médailles et que le soutien financier est destiné à ceux qui peuvent briller aux Jeux…»

 

Pourquoi, selon vous ?

Je pense qu’il y a une vengeance personnelle. Je m’étais exprimée haut et fort après les JO de 2016, où j’avais montré du doigt le manque de soutien du COM et de la Fédération mauricienne d’haltérophilie. Je sais que depuis, certains athlètes de moindre niveau ont obtenu des bourses. Les plus méritants, eux, subissent le même sort que moi.