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Mortalité infantile: quatre décès chaque semaine à Maurice

22 avril 2018, 21:30

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Mortalité infantile: quatre décès chaque semaine à Maurice

Il s’appelait Alexander, il est mort six jours après sa naissance à l’hôpital Victoria. Pourquoi ? Cela fait bientôt deux mois qu’un Fact-Finding Committee tente de faire la lumière sur ce drame. Il en cache d’autres, moins médiatisés. Des morts discrètes, invisibles au public, mais qui sont fréquentes et constituent le cauchemar de tout parent : le décès d’un nouveau-né.

En 2016, 105 bébés sont morts avant l’âge d’un mois et 127 enfants sont mort-nés. Soit un décès toutes les 40 heures. Les trois quarts d’entre eux auraient pu être sauvés grâce à un minimum de moyens et des mesures de prévention extrêmement simples. Tel est l’un des enseignements d’un rapport que vient de publier l’Unicef sur la mortalité néonatale, c’est-à-dire dans les 28 premiers jours – la naissance et les quatre semaines qui la suivent étant la période la plus dangereuse de la vie de l’enfant.

Des progrès trop lents

Premier constat : les bébés nés à Maurice sont loin d’être les mieux lotis. Par rapport aux pays les plus sûrs, ils ont jusqu’à dix fois plus de risques de mourir au cours du premier mois de leur vie. Avec un taux de 8 morts pour 1 000 naissances en 2016, le pays a certes progressé en dix ans, mais beaucoup moins que la plupart des autres pays de sa catégorie (ceux à revenu intermédiaire, tranche supérieure). Du coup, Maurice se situe en milieu de tableau d’un groupe de 51 pays.

Et le fossé avec les meilleurs s’est creusé : un nouveau-né, ici, a six fois moins de chance de survivre qu’en Biélorussie. Ce résultat nous place au 81e rang mondial des lieux de naissance les plus sûrs. Décevant, même sur 184 pays.

Plus déroutant, des pays considérés comme moins avancés (dans la tranche inférieure des pays à revenu intermédiaire) obtiennent de meilleurs résultats. C’est notamment le cas du Sri Lanka, dont la mortalité néonatale (5 pour 1 000) est proche de celle des États-Unis et du Koweït (4 pour 1000).

Sauver la vie des nouveau-nés n’est donc pas tellement une question d’argent. C’est surtout une affaire de priorité, soulignent les auteurs du rapport, pour qui le niveau de revenu du pays «n’est qu’un facteur parmi d’autres». L’ingrédient principal? «La volonté politique d’investir dans des systèmes de santé solides, accordant la priorité aux nouveau-nés et capables de bénéficier aux populations les plus pauvres et marginalisées. Cette volonté peut faire une grande différence, même là où les moyens sont limités.»

Autre information étonnante : les taux de mortalité nationaux cachent des disparités fortes à l’intérieur des pays. Cela tient au fait que les facteurs de risque sont également liés au niveau d’étude de la mère et aux conditions de vie de la famille. On apprend ainsi que «les bébés nés d’une mère sans instruction risquent presque deux fois plus de mourir pendant la période néonatale». De même, un enfant qui voit le jour dans une famille pauvre a 40% plus de risques de ne pas survivre.

Retrouve-t-on de tels écarts à Maurice ? Impossible de l’affirmer avec certitude, faute de données fiables sur le sujet. On sait, toutefois, que des inégalités géographiques, et donc sociales, existent.

Là où les bébés meurent

Le pire endroit où naître est le district de Rivière-Noire. Le taux de mortalité infantile y est le plus élevé : un enfant sur 60 meurt avant son premier anniversaire selon des données de Statistics Mauritius datant de 2016. À Rivière-du-Rempart, c’est un bébé sur 70, tout comme à Rodrigues. À l’autre extrémité, les bébés nés à Pamplemousses, Flacq et dans les Plaines-Wilhems sont ceux qui ont le plus de chances de survie.

Ce décompte macabre ne tient pas compte des enfants mort-nés, dont le nombre est pourtant tout aussi dramatique. Là encore, Rodrigues bat des records. Le taux d’enfants nés sans vie (1 sur 80) y est 40 % supérieur à la moyenne nationale.

Compilées, ces données démontrent un problème massif de santé publique. Chaque semaine à Maurice, quatre mamans pleurent la perte de leur bébé mort-né ou n’ayant pas survécu au premier mois. «Chacun de ces décès est une tragédie, d’autant plus que la grande majorité pourrait être évitée si les mères et les bébés avaient accès à des soins de santé abordables et de qualité», affirme l’Unicef, qui appelle les décideurs à prendre leurs responsabilités. Et d’abord les gouvernements, pour «donner à chaque enfant une chance de vivre».

Cet appel, Maurice serait inspiré de l’entendre, car il y a urgence. Au rythme actuel et d’ici à 2030, 6 000 parents verront leur enfant mourir à la naissance ou durant leurs premiers jours de vie.