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Eau embouteillée: microplastique, méga problème

15 avril 2018, 00:30

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Eau embouteillée: microplastique, méga problème

Des microplastiques ont été découverts dans de l’eau embouteillée au Canada. Et en mars, ces mêmes particules étaient présentes dans 242 bouteilles d’eau, selon une étude américaine. Du coup, l’Association des consommateurs de Maurice a alerté les autorités. Quels sont les dangers ? Explications. 

Après le lait infantile et les œufs contaminés, les bouteilles d’eau jettent à leur tour de l’huile sur le feu. Le 6 avril, les résultats préliminaires d’une recherche de l’université McGill, au Canada, analysant l’eau de 50 bouteilles provenant de Vancouver, Calgary, Toronto et Montréal, sont tombés. Verdict : au moins 60 % contiendraient du microplastique en faible quantité. 

Cette initiative fait suite à une recherche américaine antérieure publiée à la mi-mars. Celle-ci a démontré que 242 bouteilles d’eau de renommée internationale, sur 250 examinées, seraient contaminées par du microplastique. Ces bouteilles d’eau ont été testées au Brésil, en Chine, aux États-Unis, en Inde, en Indonésie, au Kenya, au Liban, au Mexique et en Thaïlande respectivement. 

Dans 93 % des cas, de fines particules de plastique, telles que le polypropylène, du nylon et du polytéréphtalate d’éthylène (PET) ont été décelées. D’ailleurs, il y a quelque temps, ce type de matière avait été découvert dans de la bière en Allemagne. En 2017, le microplastique avait également été décelé dans du sel de table. 

Maladies cardiovasculaires et diabète 

Quel est l’impact de ces particules sur la santé ? Pour Jayen Chellum, porte-parole de l’Association des consommateurs de l’île Maurice (ACIM), qui a sollicité le ministère de la Santé, l’inquiétude est grande : «Le phtalate est un produit chimique associé au plastique qui suscite des interrogations sur la santé. Une recherche australienne établit d’ailleurs un lien entre ces forts taux de produits chimiques dans l’urine et l’augmentation de maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2 et l’hypertension chez l’homme.» 

Le fait que plusieurs des marques testées dans l’étude soient commercialisées à Maurice est préoccupant et suscite des interrogations sur les versions locales. Sont-elles saines ? Phoenix Beverages assure que «tous les produits embouteillés répondent aux normes locales et internationales. L’entreprise effectue des tests microbiologiques qui sont accrédités par les autorités compétentes ». Nous n’en saurons pas plus malgré nos demandes d’informations. 

De son côté, Jean-Paul Lee, manager d’Eau Val Ltée, précise que l’eau de source embouteillée Valspring est «microbiologiquement saine et protégée des risques de pollution». Des tests réguliers sont menés en entreprise et par un laboratoire certifié, affirme-til. Parallèlement, des échantillons sont prélevés par des officiers du ministère de la Santé. «Les normes préconisées sont en conformité avec la Food Act 1998.» 

Une norme précise 

D’après un responsable du Mauritius Standards Bureau (MSB), le ministère de la Santé est l’autorité régulatrice et de contrôle sur l’eau et les boissons embouteillées, et ce, en fonction des Food Regulations 1999. Ces règles s’appliquent aussi aux eaux embouteillées importées. De plus, une norme précise a été instituée par le MSB, soit le MS 84 : 1999. Celle-ci précise les modalités des tests à effectuer pour garantir la salubrité de l’eau. 

En quoi consistent ces contrôles justement ? D’après Jayen Chellum, il s’agit de tests paramétriques qui décèlent toute présence de métaux, de microparticules, de pesticides, de salmonelle, etc. Nous avons essayé d’en savoir plus sur les procédures auprès des autorités mais en vain. 

Cancer 

Malgré ces examens, les recherches soulèvent quelques doutes. D’où le fait que des études plus approfondies soient demandées, estime le porte-parole de l’ACIM. «Il faudrait qu’on sache ce qui se fait vraiment, à quelle fréquence et les résultats. Des études démontrent par exemple que l’ingestion du Bisphénol A peut être nocive. Le plastique n’est pas un organisme. C’est une matière première et il ne doit pas être consommé», argue-t-il. 

Le Bisphenol A, un composant chimique utilisé dans la fabrication du plastique, devient risqué lorsqu’il est chauffé. Il se détache et infecte l’aliment. Des risques de cancer sont aussi évoqués surtout lors de l’exposition des conteneurs en plastique à la chaleur (voir interview ci-dessous). 

Face à ces préoccupations, Jayen Chellum appelle à des analyses plus étendues : «Il faut aller au-delà de l’eau en bouteille et penser aux sirops utilisés pour la fabrication de jus. C’est un produit bien utilisé à Maurice. En fait, il faut vérifier les contenants de ces boissons.» 

Que dit la loi 

Selon la «Food Act» 1998, tout article alimentaire, incluant l’eau, doit être potable et propre à la consommation. Si une personne importe ou commercialise un produit jugé risqué pour la santé, elle commet un délit selon l’article 16 de cette loi. Un analyste de l’État ou un microbiologiste peut examiner ce produit s’il y a présence anormale de micro-organismes pouvant entraîner des intoxications alimentaires ou si la consommation est risquée. En cas de non-respect de ces règlements, un «Prohibition order» peut être émis, interdisant toute activité. Selon la gravité du cas échéant, un «Emergency closing order» peut aussi être appliqué. Dans ce type d’entrave, un contrevenant risque une amende de Rs 2 000 et une peine d’emprisonnement de deux ans. 

Les résultats des analyses attendus 

«Nous sommes au courant de la situation. Nous avons prélevé des échantillons. Ceux-ci ont été confiés au Government Analyst Division à des fins d’analyse», nous a déclaré un responsable au ministère de la Santé. Les résultats sont ainsi attendus. Ces derniers détermineront toute traçabilité de particules de plastique dans les bouteilles d’eau. 

Questions à… Dr Ishaaq Jowahir,Vice-président de l’Association des médecins privés : «Jusqu’à 10 000 particules dans une bouteille» 

Quels sont les dangers du microplastique ? 

En principe, ce qu’on trouve en ce moment, là, c’est nouveau. On est en train de faire des analyses pour en connaître les impacts sur la santé. Les résultats ne sont pas encore tombés. Le problème, c’est que le plastique ne s’absorbe pas. Cela va partir. Si les particules sont très infimes, là, elles peuvent traverser et entrer dans le sang. On vient de savoir cela. On passera aux analyses. On trouve jusqu’à 10 000 particules de plastique dans une bouteille d’eau. Jusqu’à présent, le microplastique trouvé dans l’eau est à l’étude. On ne peut pas tirer de conclusions. 

Pourtant, les bouteilles d’eau et le risque de cancer ne sont pas dissociables… 

Le plastique est dangereux, oui, mais quand ça chauffe. Par exemple, au four à micro-ondes. C’est très risqué. Mais là aussi, c’est à l’étude. Il n’a pas été prouvé que cela peut causer le cancer. On ne recommande pas de chauffer et de réchauffer des aliments dans ce type de conteneur. 

Le plastique finit dans la nature. Là, on en a vu dans l’eau. Prenez même les huîtres. Elles contiennent aussi du plastique. Même dans le sel. Parce que le plastique, cela ne se détruit jamais. Tout le plastique produit est dans la nature. Il se divise encore et encore jusqu’à devenir des micros particules. Puis se répand partout. 

D’où vient le danger ? 

On ajoute des composants au plastique, dont le BPA et le phtalate, pour qu’il devienne plus transparent et plus stable. C’est cela qui cause des problèmes quand on le chauffe. Les composants entrent dans l’aliment. Mais tant qu’on n’expose pas le plastique à la chaleur, le consommateur n’est pas à risque. Le cas échéant, cela peut avoir un impact sur les hormones comme l’oestrogène ou la testostérone ou sur le système reproductif. Pour le diabétique, cela peut générer une résistance à l’insuline.