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La sucrerie Mon Trésor convertie en studio de cinéma

14 avril 2018, 22:30

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La sucrerie Mon Trésor convertie en studio de cinéma

Depuis un an, la nouvelle couvait que l’infrastructure abritant l’ancienne sucrerie de Mon Trésor était pressentie pour être transformée en studio de cinéma. L’information s’est confirmée cette semaine avec la visite éclair des deux plus grosses pointures du studio Babelsberg à Maurice.

CLAP de début. Jacques Marrier d’Unienville, Chief Executive Officer (CEO) du groupe Omnicane, propriétaire de Mon Trésor, a négocié avec deux grosses pointures : Charlie Woebcken, CEO du Studio Babelsberg à Berlin et son Chief Operating Officer (COO), Christoph Fisser. Des accords de partenariat seraient quasiment finalisés. Si les démarches pour le montage financier de cette entreprise, qui coûtera des milliards de roupies, vont dans le bon sens, les futurs partenaires attendent une garantie solide du gouvernement. L’express a rencontré les trois hommes, mardi, en compagnie du producteur allemand basé à Maurice, Andreas Habermeyer d’Identical Pictures Ltd. 

L’idée de convertir l’infrastructure de l’ancienne sucrerie Mon Trésor en studio de cinéma a pris forme après l’annonce du gouvernement, en 2016, d’introduire un Film Rebate Scheme allant jusqu’à 40 %. L’optique est de faire de cette industrie le cinquième pilier de l’économie. «Comme nous développions une Smart City dans le Sud, nous avons pensé qu’un studio de cinéma s’y insérerait bien», a déclaré Jacques Marrier d’Unienville. 

C’est à travers le producteur de films Andreas Habermeyer, qui connaît Charlie Woebcken et Christoph Fisser depuis une trentaine d’années, que les premiers contacts ont été établis. Le CEO du Studio Babelsberg et son COO sont venus à Maurice en juin 2017 et ont visité l’ancienne usine avant d’y déléguer leur chef de plateau. Le verdict a été concluant. De son côté, Jacques Marrier d’Unienville s’est rendu à deux reprises à Berlin pour visiter le Studio Babelsberg, «to get the real feeling of what it is all about» et étudier son modèle économique.  

Plusieurs facteurs ont incité Charlie Woebcken et Christoph Fisser à discuter de partenariat avec le groupe Omnicane. «Maurice est intéressante à bien des égards. Vous avez une grande variété de lieux, un bon climat. Vous êtes près de l’océan. Mauritius is a good service provider in terms of hotel industry. L’île est bien située par rapport à l’Afrique du Sud et l’Inde, qui ont déjà une industrie du cinéma et qui peuvent vous apporter du business additionnel. Les films qui sont produits ici ne seront pas en compétition avec ceux que nous produisons.» 

Un engagement ferme attendu 

Toutefois, l’argument le plus déterminant, selon Charlie Woebcken, a été sans conteste l’engagement du gouvernement à faire de l’industrie du cinéma un pilier de l’économie comme cela a été le cas en Nouvelle-Zélande. «Jusqu’à présent, Maurice était intéressante pour des travelling movies mais c’est insuffisant pour bâtir une industrie du cinéma. Si Maurice veut développer une industrie du cinéma importante, il lui faut une base principale offrant l’infrastructure appropriée, à l’instar de l’ancienne sucrerie Mon Trésor, qui peut être transformée en production hub. Cette base principale est le prérequis.» 

Mais l’élément crucial qui attirera constamment des producteurs de Hollywood et d’ailleurs à Maurice pour des tournages est que le gouvernement traduise sa décision dans les faits. «Pour amortir les investissements, nous devons avoir la garantie du gouvernement que la solidité du Film Rebate Scheme s’inscrira dans la durée. En effet, c’est bien le scheme en vigueur qui demeure l’élément différenciateur quant au choix d’un pays ou d’un autre pour un tournage», indique Charlie Woebcken. 

Il explique que cela a été prouvé de par le monde qu’avec un système de Rebate Film de l’importance annoncée par le gouvernement, l’industrie du cinéma va décoller à Maurice. «Vous avez déjà attiré les producteurs de Serenity. Le producteur Roland Emmerich veut tourner Lord Maya à Maurice. Si ce projet aboutit, je peux vous assurer que cela va placer Maurice sur la carte de Hollywood comme Lord of the Rings l’a fait avec la Nouvelle-Zélande», prédit Charlie Woebcken. 

Selon ce projet, la conversion de la sucrerie de Mon Trésor, qui s’étend sur 10 hectares, comprendra l’aménagement de cinq plateaux de tournage occupant une superficie de 6 000 mètres carrés tandis que des bureaux seront aménagés sur 4 000 mètres carrés. Et 2 000 mètres carrés supplémentaires seront couverts par dix ateliers, dont celui des accessoires, des couturiers, menuisiers etc. Les promoteurs du partenariat veulent aller vite et prévoient de boucler le montage financier d’ici le troisième trimestre de 2018, d’effectuer la conversion de la sucrerie l’an prochain et de rendre le studio opérationnel d’ici novembre 2019. 

Au cours de cette visite, qui a pris fin jeudi après-midi, Charlie Woebcken, Christoph Fisser et Jacques Marrier d’Unienville ont exposé le projet à plusieurs banques qui se sont montrées très intéressées. Les officiels du gouvernement à qui ce projet a été exposé ont également été sur la même longueur d’ondes. «Il s’agit d’un ambitieux projet nécessitant un investissement important et des conditions intéressantes. Si le gouvernement nous donne cette garantie, le reste suivra. Autrement, ce projet avortera», estiment les producteurs du Studio Babelsberg et le CEO du groupe Omnicane. La balle est désormais dans le camp du gouvernement. 

Retour sur investissement 

Charlie Woebcken indique que selon des études britanniques sur l’industrie du cinéma, chaque unité de devise investie en rapportera environ cinq au pays, à commencer par des dépenses directes de l’équipe de tournage mais aussi en terme d’emplois directs. «L’industrie du cinéma sud-africaine a, par exemple, généré 70 000 emplois. Vous pouvez être sûr que cette industrie va créer bon nombre d’emplois pour les Mauriciens qui ont un niveau d’éducation élevé.» Il ajoute qu’un «production hub» incitera des sociétés offrant des services annexes telles que des compagnies de «production design», d’effets visuels et de production digitale à venir s’y implanter. «It will grow organically», conclut-il. 

(De g. à dr.) Christoph Fisser, Charlie Woebcken et Jacques Marrier d’Unienville © Juliette Wildman 

Le Studio Babelsberg 

Le Studio Babelsberg est le plus vieux studio de cinéma à grande échelle au monde. Il date de 1912 et est le deuxième plus grand au niveau européen. Il a été racheté il y a une quinzaine d’années au groupe français Vivendi par les producteurs Woebcken et Fisser qui l’ont restructuré. Leur intervention a été un succès puisque d’importants films hollywoodiens y ont été tournés, les plus récents étant notamment «Captain America Civil War», «The Bourne Ultimatum», «Inglorious Basterds», «The Grand Budapest Hotel» et «Hunger Games», pour ne citer que ceux-là. Sans compter les séries comme «Homeland». «Hollywood où nous allons quatre fois l’an pour des pitchs, est somme toute une petite famille», a déclaré Charlie Woebcken.