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Scandales financiers: les régulateurs sous pression

12 avril 2018, 01:30

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Scandales financiers: les régulateurs sous pression

Les scandales financiers liés à deux ressortissants angolais, Álvaro Sobrinho et Jean-Claude Bastos de Morais, et impliquant le secteur du Global Business sont venus étaler au grand jour la vulnérabilité de la juridiction mauricienne. Plus particulièrement l’existence de failles dans le système permettant de blanchir des milliards de dollars dans le circuit bancaire – soit par l’acquisition de propriétés immobilières, comme cela a été le cas récemment dans Royal Park, soit pour lancer des fonds et d’autres activités liées à l’offshore. 

Est-ce si facile de contourner le système quand il y a visiblement autant de garde-fous dans le système financier auxquels un investisseur étranger doit se soumettre? D’abord pour justifier la provenance de ses capitaux et ensuite passer le test Know Your Customer (KYC) imposé par les autorités bancaires ? 

L’expert fiscal et avocat d’affaires Dev Erriah, d’Erriah Chambers, explique que le mal est déjà fait si l’argent venant d’un crime financier (proceeds of a crime) a été blanchi dans le pays d’où est originaire l’investisseur.  

«Aujourd’hui, quand un transfert de fonds d’un pays à un autre est fait à travers le virement bancaire (SWIFT), l’argent doit théoriquement faire l’objet d’une enquête par l’institution bancaire pour déterminer sa provenance. La banque destinataire ne fait que recevoir l’argent et n’a pas d’obligation à se livrer à un exercice de vérification pour savoir si l’argent est sale ou pas.» 

 Provenance de l’argent 

Et de demander si dorénavant la Banque de Maurice ne devrait pas exiger, dans le cas d’un transfert de fonds de plusieurs milliards de roupies, que la banque destinataire fasse le même exercice dans un souci de protéger l’intégrité et la réputation de la juridiction mauricienne.  

Penny Hack, avocat d’affaires, trouve de son côté que toute personne, après avoir vérifié la provenance de l’argent et les circonstances de l’investissement, doit pouvoir se dire «qu’il n’y a aucun soupçon ‘raisonnable’ que le bien ou l’argent était le produit, en entier ou en partie, directement ou indirectement, d’un délit».  

Pour lui, le secteur offshore et celui de l’immobilier sont a priori bien gérés, mais le problème se pose à trois niveaux : la corruption et l’ingérence politique ; l’abus et la complicité de certains groupes locaux ; et enfin ces deux premières raisons engendrent une défiance au sein de certaines institutions régulatrices. Du coup, il voit «cette défiance devenir endémique vu le niveau de népotisme, d’abus de pouvoir, de passe-droits, d’incompétence et de corruption dans nos institutions.» 

Screening Minutieux 

Hormis le cas Royal Park, les risques de blanchiment d’argent sont-ils réels parmi les acheteurs de villas de luxe ? «Il y a un screening minutieux qui est fait, d’abord par l’Economic Development Board, l’ex-BOI, pour dresser le profil de l’acheteur, ensuite la banque prend le relais pour enquêter sur la provenance de ce fonds et, une fois satisfaite, elle va donner le feu vert pour finaliser la transaction. Donc, il y a plusieurs étapes par lesquelles un investissement de cette taille doit passer, ce qui élimine du coup tout risque de blanchiment d’argent», rassurent les promoteurs d’Akasha, projet de construction de villas à Tamarin. 

Toujours est-il qu’au niveau de la Financial Services Commission (FSC), l’instance régulatrice non-bancaire, la volonté y est pour combattre le blanchi- ment d’argent sous toutes ses formes. «Que ce soit au niveau d’Alvaro Sobrinho ou de Jean-Claude Bastos de Morais ou autres magouilles non détectées, nous avons le devoir de tirer ces affaires au clair pour protéger notre centre financier régional. La rapidité avec laquelle nous avons coordonné nos actions pour amener le gel de 58 comptes appartenant au promoteur de Quantum Global montre notre détermination dans cette affaire», explique une source proche de la FSC. Qui viendra prochainement avec d’autres mesures pour renforcer l’architecture économique de la juridiction et éviter que des investisseurs étrangers impliqués dans des scandales financiers ne prennent en otage le centre financier. 

D’autres observateurs financiers poussent la réflexion plus loin pour soutenir qu’il y a urgence, parallèlement à ce grand ménage, de rendre véritablement indépendantes les institutions régulatrices et financières. Dont la FSC, la Banque de Maurice, l’Independent Commission against Corruption et la Financial Intelligence Unit. Il y va de leur image.  

En attendant, elles seront appelées dans les jours à venir à passer leur test de crédibilité.