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Maurice s’arme pour un meilleur contrôle du riz basmati

4 avril 2018, 22:28

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Maurice s’arme pour un meilleur contrôle du riz basmati

Le riz basmati sème son grain de sel. Désormais, son commerce ne se fera plus au petit bonheur. L’importation de ce produit au coût de Rs 1 555 899 248 en 2017, selon les chiffres de la Chambre de commerce et d’industrie de Maurice, sera sujette à changement. Le ministère du Commerce et de la protection des consommateurs prépare actuellement un mécanisme de contrôle. 

«Il n’y a aucun règlement actuellement qui régisse l’importation et la qualité du riz basmati que nous achetons de l’Inde et du Pakistan. Le ministère ne peut appliquer des sanctions au cas où il y aurait un mélange de divers types de riz, simplement parce qu’il n’y a aucune loi sur le riz basmati à Maurice. Nous sommes presque tous concernés par ce fait», s’insurge le ministre Ashit Gungah. 

Après la visite de membres de la Karachi Chamber of Commerce and Industry en février dernier suivie de celle de représentants de la Rice Exporters’ Association du Pakistan, il a été décidé d’instituer une réglementation d’ici quelques mois, ajoute le ministre : «Une de mes priorités est de mettre en place un système de contrôle technique avec des règlements qui pourront être appliqués en cas de fraude ou de supercherie dans l’importation du riz bas- mati sur le marché local et la vente.»

D’ailleurs, selon notre interlocuteur, de par leur réputation dans la production de riz et leurs bonnes relations avec Maurice, le Pakistan et l’Inde apporteront leur contribution à la mise en place du mécanisme de contrôle. «Nous bénéficierons de l’assistance technique des autorités compétentes de ces pays pour la formation des Mauriciens à cet effet», ajoute-t-il. Des séances de travail ont d’ailleurs permis d’accélérer ce dossier. 

Néanmoins, une complexité subsiste pour établir la classification (le grading) des divers types de riz basmati. En effet, selon un responsable de Monoprix, il en existe une quinzaine. «Par exemple, certains emballages affichent le terme ‘Premium basmati’. Cela peut être indicateur dans le choix du consommateur. Mais nous constatons que c’est surtout le prix qui est déterminant», déclare notre interlocuteur. 

Basmati authentique 

Effectivement, en l’absence de contrôle sur le basmati contrairement au riz ration (voir encadré), chaque commerçant pratique son propre prix. «Il nous faut voir comment appliquer le contrôle à l’importation. De nouveaux règlements seront promulgués pour permettre aux Mauriciens d’avoir accès et de pouvoir consommer du basmati authentique. Nous comptons accorder une période moratoire aux importateurs afin qu’ils puissent s’y adapter», affirme le ministre. 

Qu’en pensent les importateurs de basmati justement ? «Nous accueillons favorablement cette initiative visant à mieux réglementer l’offre à Maurice. De notre côté, chaque cargaison de riz importée de l’Inde est déjà accompagnée d’un certificat d’authenticité des autorités compétentes. Nous espérons que ces nouveaux règlements seront en phase avec la demande locale et prendront également en compte les préférences des consommateurs mauriciens», soutient Jean Pierre Lim Kong, CEO d’Innodis. 

Réagissant en tant que consommateur, le responsable de Monoprix déclare qu’avec le système de contrôle, le Mauricien sera plus à même de savoir ce qu’il consomme : «Par exemple, est-ce que le riz est vraiment de bonne qualité ou pas ? Est-ce que ce qui est inscrit sur l’emballage correspond exactement au contenu ? Le consommateur le saura désormais.» 

De son côté, Suttyhudeo Tengur, président de l’Association for the Protection of the Environment and Consumers (APEC), s’élève contre la qualité de riz basmati disponible localement : «Le basmati authentique provient d’une petite région du Pakistan et d’Inde. Ce n’est pas ce riz-là que nous avons ici.» D’où la nécessité d’une législation. «Il y a beaucoup de demandes pour le basmati tandis que l’offre est restreinte. Cela donne lieu à toutes sortes de manipulation, de transactions et de mauvaises pratiques dans l’importation», renchérit-il. 

Pour pallier cela, il se réfère aux codes européens qui définissent plusieurs normes de réglementation. Par exemple, la longueur des grains ainsi que la qualité sont spécifiées. 

La provenance du produit et une certification étatique sont également des facteurs clés à instituer selon lui. «Les variétés de basmati sont vastes. La classification est vitale. De plus, les mélanges de riz peuvent être risqués pour la santé. Ce n’est pas normal de les mixer. On dirait qu’on peut tout faire. Regardez en Chine, on en produit à partir d’éponge», confie le président de l’APEC. Et en termes de prix, il souligne qu’un contrôle doit être exercé tout en respectant la liberté du commerce pour sauvegarder l’intérêt du consommateur. 

Et si le basmati semble être le plus prisé du marché, on compte d’autres alternatives. À l’exemple du riz à long grain qui se popularise d’après les commerçants et du riz brun. Depuis quelques années, ce dernier gagne du terrain pour ses vertus sur la santé. «Hélas, on n’en vend pas beaucoup. Peut-être plus pour quelques consommateurs diabétiques. Mais la tendance générale est au riz blanc», affirme le représentant de Monoprix. 

Ce constat est partagé par un autre importateur : «Le goût n’est pas le même selon les clients. De nombreux Mauriciens sont habitués au basmati pour tous les plats comme le briani, le riz frit ou celui d’accompagnement des currys. Il leur est difficile de changer cela.» D’autres types incluant le riz sauvage sont aussi disponibles. Toutefois, il est difficile de déloger le traditionnel basmati, concluent nos interlocuteurs.

Le riz ration a la vie dure

«De ses 20 000 tonnes alimentant le marché local annuellement, le riz ration est loin de mordre la poussière. Importé du Vietnam, de la Thaïlande, de l’Inde et du Pakistan, mais essentiellement des deux derniers pays mentionnés à l’heure actuelle, ce produit sème son grain de riz. En effet, sur le volume importé qui contient moins de 5 % de brisures, 15 000 tonnes sont destinées à la consommation mauricienne et les 5 000 tonnes restantes pour Rodrigues. C’est ce qu’indique la State Trading Corporation (STC). 

Côté prix, ce produit est subventionné. En fait, précise la STC, sept compagnies agréées s’y approvisionnent en riz et l’empaquettent dans des sachets identiques de 2,5 kg pour le distribuer aux revendeurs. Le prix fixé est visible sur l’emballage. Pour le logement de 2,5 kg, le prix est de Rs 28. Quant à celui de 25 kg, il faut compter Rs 270. 

D’après l’organisme, de janvier 2016 à juin 2017, la population a bénéficié de subsides s’élevant à Rs 162,1 millions. Et dans une nouvelle politique d’empaquetage et de distribution plus étendue du riz ration, la STC vise à ce que cette denrée atteigne tous les habitants, y compris ceux disposant d’un très faible revenu.

Mighty Rice : qu’est-il devenu ? 

Présente à Maurice depuis 2008, la firme Vita Rice a lancé un riz exclusivement produit localement. Les rizières étaient alors situées sur une superficie de 350 hectares à Cluny. Ce terrain avait été loué à bail du Rose Belle Sugar Estate Board. De plus, la société avait obtenu 17 hectares de terre à bail d’Omnicane pour une période de six mois. 

Le riz produit – à long grain – dispose d’un faible index glycémique de 48. Comparativement, le riz blanc dispose d’un taux de 79, ce qui lui confère le statut de fort index glycémique. Cependant, le riz brun affiche un index d’environ 55 et le basmati, un taux d’environ 52 dépendant de sa variété. 

Que s’est-il passé depuis son implantation à Maurice ? D’après le ministère de l’Agro-industrie, le terrain de Rose-Belle a été restitué. Selon un représentant de cette instance, la culture du riz local se poursuit selon des accords avec des agriculteurs locaux. Nous avons essayé à plusieurs reprises d’avoir une déclaration de Vita Rice mais en vain. À ce stade, le riz est toujours commercialisé à Maurice en logement de 500 g au prix de Rs 50 en moyenne. Selon le site web du producteur, il est parallèlement exporté vers le Canada et les États-Unis.

Le polissage s’étend à la région 

En 2004, la firme Innodis faisait ses premiers pas dans le polissage de riz. Désormais, elle cible les marchés régionaux. En effet, au sein de Peninsula Rice Milling, son usine basée à Trianon et dotée d’équipements modernes japonais, le riz est poli ensuite mis en sachet sous le label Rimilda en logements de 2,5 et 20 kg respective- ment. 

«Nous importons notre riz uniquement de l’Inde avec certificat d’authenticité. Le produit fini s’élève actuellement à 2 500 tonnes annuelles. Celles-ci sont écoulées dans les supermarchés, hypermarchés et boutiques locales», déclare Jean Pierre Lim Kong, Chief Executive Officer d’Innodis. 

Selon lui, beaucoup d’investissement a été effectué au niveau de la rizerie et pour bien conditionner le produit. Si bien que le riz décolle bientôt pour d’autres horizons. «Nous avons récemment atteint le marché réunionnais. Notre ambition est maintenant d’étendre notre réseau sur les îles voisines», affirme-t-il