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Droit à la terre: des rastas «déracinés» à cause d’un parking

17 mars 2018, 22:15

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Droit à la terre: des rastas «déracinés» à cause d’un parking

Case Noyale Ltée, filiale de la Compagnie sucrière de Bel-Ombre, a obtenu en Cour suprême que les rastas évacuent le Triangle de Chamarel. Sur place, Case Noyale Ltée a déjà construit un parking, à quelques centaines de mètres du Nyabhingi Tabernacle, lieu de culte des rastas.

Le Triangle: parking pour le restaurant Le Chamarel

Quels sont les projets de Case Noyale Ltée pour le Triangle de Chamarel ? Sollicitée, la compagnie nous a fait parvenir une déclaration. Elle explique que le terrain contigu au Restaurant Le Chamarel – connu comme le Triangle de Chamarel – lui appartient. «Dans le but d’améliorer les services et l’offre de ce restaurant, nous souhaitions y construire un parking. Le projet de rénovation du restaurant a été complété et l’établissement a rouvert ses portes en septembre 2016.»

Selon la filiale de la Compagnie sucrière de Bel-Ombre (CSBO), au moment de faire le relevé du terrain avant la construction du parking, «nous avons noté qu’un cabanon avait été érigé illégalement sur une parcelle. C’est pourquoi, avant d’engager une procédure judiciaire, nous avons, à travers nos hommes de lois respectifs, tenté d’initier un dialogue pacifique avec l’association rastafari. Malheureusement, nous n’avons p ;u trouver de consensus.» Case Noyale Ltée précise que ce terrain est d’une superficie de 2,044 hectares. Et d’ajouter qu’«en tant qu’employeurs historiques du Sud-Ouest, nous avons toujours eu à cœur le bien-être des habitants de Chamarel et de Case Noyale».

Point juridique: des rastas contestent le titre de propriété de Case Noyale Ltée

Laval Bordelais, de l’ASCR, explique que des plantes médicinales ont été plantées dans ce lieu de rencontre.

L’ASCR a perdu en Cour suprême. Le juge David Chan Kan Cheong, qui a tranché en faveur de Case Noyale Ltée, a ordonné aux rastas d’évacuer le terrain qu’ils occupent au Triangle de Chamarel. Mais l’ASCR compte faire appel. «Nous avons 21 jours pour peaufiner nos points d’appel, c’est encore à l’étude», explique Erickson Mooneeapillay, l’avocat de l’ASCR.

 Le juge s’est montré particulièrement critique par rapport à un des arguments avancés par les rastas : la présence de leurs ancêtres sur ce lieu depuis 450 ans. En effet, Erickson Mooneeapillay a affirmé que lors de sa plaidoirie, il a souligné qu’il y a eu «une faute de frappe». Ce qui a transformé 350 ans en 450 ans. Il confie que l’un des points persuasifs qui seront mis en avant, c’est que le «juge a omis de prendre en considération» le fait que Case Noyale Ltée n’existe que depuis 1999. Le précédent propriétaire était la société De la Flèche, «qui a prescrit le terrain». L’homme de loi souligne que «Case Noyale Ltée et la société De La Flèche appartiennent toutes les deux à la Compagnie sucrière de Bel-Ombre».

Le «main case» dans cette bataille juridique sera présenté le 27 mars prochain. «Cela porte sur la contestation du titre de propriété de Case Noyale Ltée par l’ASCR», indique l’homme de loi.

Nyabhingi Tabernacle: Lieu de culte des rastas

Le Tabernacle accueille une célébration au feu de camp tous les premiers samedis du mois.

Pourquoi l’Association socioculturelle rastafarie (ASCR) tient-elle tant au Triangle de Chamarel ? «C’est l’un des derniers vestiges du marronnage. À l’époque, c’était inaccessible aux colons», clame José Rose, porte-parole de l’ASCR. Selon lui, les marrons sont les premiers à avoir occupé les lieux. Aujourd’hui s’y trouve le Nyabhingi Tabernacle, lieu de culte des rastas. «Tous les premiers samedis du mois s’y tient une célébration familiale en l’honneur de l’une des 12 tribus d’Israël», précise-t-il. José Rose indique que l’ASCR compte «environ 200 membres, dont une centaine sont actifs». Il souligne que «nous ne squattons pas ce lieu pour y habiter». Si Case Noyale Ltée a présenté des titres de propriété, José Rose en appelle, lui, à l’histoire orale. «On n’a pas écrit l’histoire de toutes les atrocités subies par les descendants d’esclaves». Le ton monte quand le porte-parole de l’ASCR clame : «Nou pé dir Case Noyale Ltée trouv enn solision pasifik. L’heure est au dédommagement.» Il poursuit : «Si dérasinn rasta dan Chamarel, désandan esklav pou désann lor simé».