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En Italie, des riches toujours plus riches et des pauvres toujours plus nombreux

2 mars 2018, 13:05

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En Italie, des riches toujours plus riches et des pauvres toujours plus nombreux

Un patrimoine phénoménal mais qui ne bénéficie qu’à quelques-uns, parfois les mêmes depuis des siècles: l’Italie ne cesse de voir l’écart se creuser entre riches et pauvres, un mal endémique qui la classe parmi les mauvais élèves européens en matière d’inégalités.

A la veille des élections législatives, cette répartition inégale des richesses dans un pays industriel et exportateur, neuvième puissance économique de la planète, est l’un des thèmes qui alimentent la campagne et les propositions en faveur des plus pauvres.

Elles vont de la mise en place d’un revenu universel, proposé par le Mouvement 5 Etoiles (populiste), au «revenu d’inclusion» du Parti démocrate (centre gauche, au pouvoir) en passant par le «revenu de dignité» promis par la coalition droite/extrême droite menée par Silvio Berlusconi.

«L’une des spécificités du pays, c’est qu’un petit nombre d’Italiens gagnent beaucoup d’argent tandis que beaucoup ne tirent qu’une faible rémunération de leur travail», explique à l’AFP Pier Giorgio Ardeni, professeur d’économie politique à l’Université de Bologne.

En matière d’inégalités, l’Italie, déjà marquée par l’opposition entre un Nord fringant et un Sud enlisé dans les difficultés, collectionne les classements peu flatteurs.

Comme celui d’Eurostat portant sur la période 2008-2013, qui la relègue à la 24e place sur les 28 pays de l’Union européenne, bien loin de sa prestigieuse position de 4e puissance économique continentale.

En décembre, le même organisme classait la péninsule au premier rang européen pour le nombre de pauvres, en valeur absolue, avec 10,4 millions de personnes éprouvant des difficultés à faire face à des dépenses imprévues, à se loger ou à se soigner.

«En Italie, c’est désormais le plus âgé qui soutient le plus jeune, le grand-père qui aide son petit-fils», explique à l’AFP Massimiliano Signifredi, de la communauté catholique Sant’Egidio, qui a vu d’année en année grossir le nombre de nécessiteux venant aux soupes populaires de l’association.

Riches de siècles en siècles 

Longtemps, les Italiens ont pu se prémunir contre la pauvreté, au moins en partie, grâce à leur richesse patrimoniale, résultat d’une propension à investir dans la pierre:aujourd’hui encore, 77% des familles sont propriétaires de leur logement.

«En Italie, ce patrimoine bénéficie d’une fiscalité avantageuse en matière de succession. Certaines familles ont vu leur fortune immobilière grossir de génération en génération», explique à l’AFP Marco Montemauri, agent immobilier dans un quartier prisé du centre de Rome.

«Et même si la crise est passée par là, il m’arrive de croiser des personnes dont les loyers perçus chaque année atteignent les 650.000 euros», raconte-t-il, tout en rappelant qu’il faut en déduire taxes, charges et travaux d’entretien.

Plusieurs enquêtes récentes le montrent, l’Italie a vu ces dernières décennies le revenu dérivant des biens immobiliers ou mobiliers augmenter beaucoup plus que celui tiré du travail, même si ce n’est pas le seul pays dans ce cas.

Une étude réalisée en Toscane par la Banque d’Italie a même démontré que sur les cinq familles florentines ayant les plus hauts revenus en 2014, quatre faisaient déjà partie des 3% les plus riches en 1427!

Une aisance «dynastique» qui fait que les descendants du tiers le plus riche des Florentins il y a six siècles ont statistiquement des chances d’être encore plus riches aujourd’hui.

«Comme il y a une concentration du patrimoine et que ce patrimoine se transmet de façon héréditaire, il est logique que celui qui possède ait tendance à posséder toujours plus», explique l’économiste Pier Giorgio Ardeni.

Une spirale de l’inégalité qui pourrait être enrayée «à condition de remettre en marche l’ascenseur social qui reste désespérément bloqué en Italie», ajoute-t-il.

Une difficulté qui se traduit par un taux de diplômés parmi les plus bas d’Europe: en Italie, seuls 18% des étudiants quittent l’université avec une licence en poche, contre une moyenne de 37% dans l’OCDE.