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Serge Lebrasse: «Soutenons davantage nos artistes !»

10 février 2018, 23:15

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Serge Lebrasse: «Soutenons davantage nos artistes !»

En 2016, après une très longue carrière, la légende du séga mauricien a fait ses adieux à la scène. C’était au J&J Auditorium. «Je ne veux pas mourir sur scène», déclarait alors le chanteur. Aujourd’hui, après plus de 60 ans de carrière dans la musique, Serge Lebrasse goûte aux plaisirs simples de la retraite. Il passe ses journées auprès de son épouse Gisèle, dans sa maison à Plaisance, Rose-Hill, où il habite depuis des décennies. L’artiste respecté reçoit la visite de ses amis et, bien sûr, écoute de la musique.

En d’autres temps, à cette période de l’année, quand on préparait la célébration de l’anniversaire de l’Indépendance, Serge Lebrasse n’avait pas une minute à lui. À l’époque, fonctionnaire au ministère des Arts et de la culture, il faisait partie de l’équipe organisatrice des festivités. Ses journées, et même ses soirées, étaient rythmées de rencontres, de repérages, de conception de spectacles et de répétitions.

L’ancien fonctionnaire se souvient comment sir Seewoosagur Ramgoolam surveillait personnellement les détails des célébrations. «Une année, le Premier ministre m’a demandé de réunir 200 personnes pour le spectacle. Sauf qu’il m’a demandé de les chercher dans toutes les régions du pays. Pour cela, il avait mis un transport à ma disposition pour faciliter mon déplacement à travers le pays pendant plusieurs jours», raconte le chanteur-animateur.

Serge Lebrasse ne sera pas au Champ-de-Mars le 12 mars prochain. Mais il suivra certainement les célébrations à la télévision. De jeunes artistes vont assurer le spectacle. À ce propos, que pense la légende du séga des compositions d’aujourd’hui ? Le sage se garde de faire des critiques. Il préfère voir le côté positif. «Il y a des jeunes qui font de belles choses. Cassiya a apporté un nouvel élan à un moment où le séga connaissait une période creuse.»

«Rencontre avec Ti Frer»

Le vieux routier est toujours triste de constater que les artistes ne reçoivent pas la considération qu’ils méritent. Il y a trop d’embûches sur le chemin des compositeurs. Le message que Serge Lebrasse veut envoyer aux autorités publiques, aux opérateurs du privé et au public est simple : «Soutenons davantage nos artistes !»

Le pionnier du séga mauricien parle par expérience. Aurait-il fait le parcours qui est le sien s’il n’avait pas eu le soutien de certains responsables de la fonction publique ? Serge Lebrasse se rappelle que c’est lui qui, au début des années 60, avait interprété pour la première fois un séga lors d’un concert au Plaza. «Ce dimanche-là, je venais de chanter un morceau de Paul Anka. Philippe Oh San le Bandmaster de la police a annoncé que j’allais interpréter un séga.» Lebrasse a exécuté sa composition Madame Eugène. Sa prestation avait tellement plu au public qu’il avait été contraint de bisser.

Par pure coïncidence, le Britannique qui était responsable du département de l’Éducation visitait, le lendemain, l’école primaire où travaillait Serge Lebrasse. Le responsable colonial a reconnu le chanteur. Ce dernier a été par la suite invité à suivre des cours de musique. Et après l’obtention de son Grade I à la Royal School of Music, il est devenu Music Instructor itinérant dans plusieurs écoles.

Après l’Indépendance, le musicien a intégré le ministère de la Jeunesse avant de terminer sa carrière au ministère des Arts et de la culture. Parallèlement, Serge Lebrasse a continué la carrière d’artiste qu’il avait débutée très jeune. En effet, c’est quand il était apprenti garde-forestier à Quartier-Militaire qu’il a rencontré le légendaire Alphonse Ravaton, plus connu comme Ti Frer. «Il était receveur d’autobus et tous les après-midi après son travail, il chantait sous la varangue de la boutique. Parfois, je l’accompagnais quand il allait faire le rabattage lors des parties de chasse», se souvient l’octogénaire.

Les activités artistiques ont permis à Serge Lebrasse de porter haut les couleurs du pays. Il se souvient comment en 1967, lors de sa participation à l’Expo 67, à Montréal, il expliquait quotidiennement aux visiteurs que Maurice n’est pas la Mauritanie. Après, c’est La Réunion, l’Europe et l’Australie, entre autres.

Les œuvres de Serge Lebrasse racontent l’histoire de Maurice. Ses compositions témoignent des grands événements qui ont marqué le pays et des tranches de vie bien mauriciennes : les cyclones Alix et Carol, le départ des jeunes pour l’armée, le travail dans le champ de cannes, le pèlerinage au Tombeau du Père Laval ou encore l’Indépendance du pays.

Le dernier enregistrement d’une interprétation de Serge Lebrasse est celle de sa composition Moris mo pei, qu’il chante en duo avec Linzy Bacbotte. Et pour le 50e anniversaire de l’Indépendance, le thème choisi est Moris mo pei. Un joli clin d’œil à une légende mauricienne.