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Kishan Padaruth: «Dans les drains, des techniciens ont trouvé de quoi meubler une maison !»

28 janvier 2018, 20:00

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Kishan Padaruth: «Dans les drains, des techniciens ont trouvé de quoi meubler une maison !»

À chaque averse, c’est la panique. Maisons et rues sont inondées, poussant les personnes à se réfugier dans des centres. Pour Kishan Padaruth, Managing Partner chez Gibb, tout le monde a sa part de responsabilité. Il ajoute même que ce serait surprenant de ne pas avoir d’inondation, considérant la manière dont les constructions ont été faites.

C’est la pagaille à chaque fois qu’il pleut. Pourquoi ?

Le problème est simple. Les infrastructures n’ont pas suivi le développement. Les drains principaux ont été construits à l’époque coloniale et n’ont jamais été upgraded pour accueillir le volume d’eau de pluie qui s’y déverse actuellement. Puis, à l’époque, il y avait une grande surface perméable dans la capitale. Petit à petit, les routes et les bâtiments ont fait surface. À cela, rajoutez le réchauffement climatique, les constructions sauvages et la pluviométrie qui est croissante… Ce qui serait surprenant, c’est qu’il n’y ait pas d’inondations !

Le développement sauvage, justement, parlons-en.

Port-Louis en est le parfait exemple. Il y a des endroits où les gens ont construit sur les berges des rivières, puis s’étonnent que leurs maisons prennent l’eau. La question qui se pose est pourquoi les autorités ont octroyé des permis à ceux qui voulaient construire dans ces régions. Maintenant, on parle de «flood prone areas». Les collectivités locales doivent assumer leurs responsabilités.

Oui, mais le public dans tout ça ?

Les Mauriciens ont également une large part de responsabilité. Après les flash floods de 2013, nous avions été mandatés pour rédiger un rapport. J’avais envoyé des techniciens et des ingénieurs sur le terrain. Dans les drains, ils ont retrouvé de quoi meubler une maison ! Matelas, frigo, meubles... Mais il n’y a pas que les déchets. Des gens ont construit dans les drains aussi et encore une fois, il faut voir, savoir comment les permis ont été octroyés.

Cela suffirait-il à résoudre nos problèmes ?

Les lois existent déjà. Il suffit de les appliquer. Le problème, c’est que les permis sont octroyés par les autorités selon les plans mais il n’y a pas d’inspections sur place pour voir si tous les paramètres sont respectés, il n’y a pas de suivi.

On fait quoi alors ? «Kraz partou» ?

Ça dépend. Il y a certains endroits où on n’a pas le choix, comme au niveau du KFC sis à La Chaussée, à Port-Louis. Il y a toujours des inondations là-bas car le bâtiment a été érigé «dans» les drains. Il n’y a pas d’espace autour pour essayer de contourner le problème, donc oui, tant qu’on ne démolit pas, cette zone sera inondée. Ailleurs, il y a des maisons ou des garages qui bloquent le passage de l’eau. On ne peut pas être tolérants face à ce genre de constructions.

«S’il y a un budget de Rs 100 M, ils vont octroyer un petit budget par-ci, un autre par-là... On jette de l’argent dans les drains !»

Vous parlez de contourner le problème. Cela peut donc se faire ?

S’il y a de l’espace, c’est simple. Il faut construire des drains. On peut faire des cut-off drains…

Pardon ?

C’est simple ! Il s’agit de construire des drains autour d’une région pour capter l’eau avant qu’elle ne soit inondée, un peu comme nous avons fait à Marie Reine de la Paix. Cela a atténué le problème, car là où les gens ont «mal construit», on ne peut pas trouver une solution complètement imperméable. Au risque de me répéter, il y a des régions où on n’a d’autre choix que de passer par la démolition et le relogement. Puis, tout ça a un coût.

On parle de combien ?

On ne peut pas avancer de chiffres sans avoir fait d’études appropriées. Cela dit, selon un rapport réalisé en 2002, il aurait fallu Rs 2 milliards. Seize ans après, d’autres régions ont connu le même genre de développement sans planification et sont maintenant régulièrement inondées. La note sera plus élevée.

En parlant de coûts, il faut également que les autorités arrêtent de prendre le problème bout par bout. S’il y a un budget de Rs 100 millions, ils vont octroyer un petit budget par-ci, un autre par-là, construire 500 mètres de drains dans une rue et 20 mètres dans une autre. Cela ne sert à rien. On jette de l’argent dans les drains !

Il faut donc voir le problème dans sa globalité ? Planifier un système pour toute l’île ?

Peut-être pas, mais région par région. Si on construit 200 mètres de drains pour empêcher qu’une rue soit inondée, cela ne fait que déplacer le problème dans une autre rue. Par exemple, pour la capitale, l’eau vient de Cité la Cure et Tranquebar. Si rien n’est fait là-bas, on aura beau construire des drains à Port Louis, rien ne changera.

Quid des nouvelles technologies en matière de drains ?

Il n’y en a pas que je sache. On ne demande pas non plus aux autorités de réinventer la roue. Il faut simplement adapter les drains aux conditions climatiques et aux constructions.

Les drains qui sont «recouverts» et qu’on a du mal à nettoyer, ceux-là ne sont-ils pas «has been» ?

Absolument pas. Bien au contraire. Le fait qu’ils soient «scellés» fait qu’ils ne sont pas obstrués par les déchets que les gens balancent partout. Mais évidemment, ces drains doivent être bien pensés et conçus à la bonne taille pour pouvoir contenir toute l’eau de la région. Ce n’est pas difficile à faire, il faut simplement revoir les critères de construction par rapport à l’évolution de la pluviométrie. La dernière fois que le design a été fait, c’était en 2002. Il est peut-être temps de revoir la situation.