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Yuvan Beejadhur: «Nous risquons de perdre 7,5% de notre PIB d’ici 40 ans si un cyclone majeur percute l’île Maurice»

22 janvier 2018, 23:33

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Yuvan Beejadhur: «Nous risquons de perdre 7,5% de notre PIB d’ici 40 ans si un cyclone majeur percute l’île Maurice»

«On ne peut plus attendre. Après Berguitta, le Premier ministre a une occasion en or de mettre en oeuvre une task force au plus haut niveau, dont la priorité sera le changement climatique», martèle Yuvan Beejadhur. Spécialiste en économie bleue, il a récemment co-dirigé un rapport pour le compte de la Banque mondiale.

Long de 329 pages, Ocean Economy in Mauritius, Making it Happen, Making it Last comporte le terme «cyclone» pas moins de 121 fois. C’est dire la place qu’occupe ce phénomène naturel dans toute modélisation économique appliquée à Maurice. Après le passage du cyclone Berguitta, Yuvan Beejadhur est d’avis qu’il «faut un reassessment au niveau national», c’est-à-dire que le travail doit «se déployer de manière transversale dans tous les ministères».

Les secteurs touchés

D’après le rapport de la Banque mondiale, un cyclone provoque un choc économique immédiat dans l’immobilier, le commerce, les infrastructures, l’industrie et au sein de la population elle-même. D’après le rapport basé sur des valeurs historiques, le pays perd en moyenne 2 % en termes de PIB.

En outre, les contribuables sont affectés sur les cinq années suivantes car une part du PIB est consacrée à la réparation des dégâts au lieu de servir au développement du pays. «Les risques de cyclones dévastateurs augmentent de 30 % avec le changement climatique et il y a des économies qui disparaissent complètement. Mais nous ne sommes pas prêts. Si nous continuons à attendre la catastrophe pour réagir, nous risquons de perdre au minimum 7,5 % de notre PIB d’ici 40 ans, voire plus si un cyclone majeur percute l’île», s’inquiète Yuvan Beejadhur. Pluies diluviennes, dégâts côtiers, sécheresse, vents violents, tous ces phénomènes sont prévisibles et chacun doit les anticiper. Selon l’expert en économie bleue, trop de recommandations sont traitées à la légère.

Outils

Le rapport de la Banque mondiale comporte des plans d’action à court et moyen terme. Parmi eux, le Plan spatial marin qui prône l’extension des réserves marines et un plan d’action concerté pour combattre la pollution, mais aussi le développement de projets d’aquaculture en bonne intelligence avec le secteur hôtelier.

Pour aider à la mise en oeuvre des recommandations, des outils pour décideurs, comme la méthode SACRED (Systematic Analysis of Climate Resilient Development) ont été étudiés pour Maurice. Mais pour mettre en place ces projets qui font développer l’économie, tout en augmentant la protection naturelle du pays contre les effets des cyclones, tels que les inondations et dépôts de sédiments, il faut agir au plus haut niveau.

Modèle Systematic Analysis of Climate Resilient Development, Source “The Ocean Economy in Mauritius, Making it Happen, Making it Last”, October 2017, World Bank Group.

Une task force active, menée par un expert volontaire, doit pouvoir oeuvrer à travers les ministères. «Le cyclone affecte le pays à de multiples endroits, il détruit la plage, arrête le fonctionnement du port, détourne les touristes du pays, favorise le développement de maladies et provoque des destructions et accidents que nous pouvons prévenir et limiter.»

Prévention

Selon Yuvan Beejadhur, un changement radical s’impose dans la manière d’affronter un cyclone. Plus question d’attendre le passage dévastateur d’une calamité naturelle pour agir. Les autorités, les partenaires du privé, les organisations non gouvernementales ainsi que les individus savent qu’il faut maintenant adopter une attitude préventive. Sinon, «à chaque cyclone, nous perdons une part de notre développement et ce sont les populations les plus vulnérables des économies qui subissent un dommage».

Une task force stratégique et bénéficiant d’un plan budgétaire adéquat pourrait permettre d’amorcer un changement pour le meilleur et s’assurer d’un bon retour sur investissement dans les dix années à venir. D’ailleurs, relève Yuvan Beejadhur, les Seychelles ont pu se positionner comme leader en économie bleue et faire les demandes de fonds pour être soutenus dans les investissements durables. Maurice a besoin de ce type de fonds écologiques et la task force devrait s’assurer de formuler des demandes à des institutions internationales.

Secteur agricole

Mais le pays doit démarrer la transformation en fédérant ses propres forces autour du développement durable du pays, d’où la collaboration avec les dirigeants du privé et les associations caritatives. «Le secteur agricole n’est pas assez couvert par les assurances et les planteurs ne connaissent pas suffisamment les espèces résilientes aux cyclones. Pourtant, d’autres pays boostent leur production locale et innovent en matière d’assurance

Yuvan Beejadhur commente : «No free money, no free lunch». Selon lui, les aides ponctuelles des États étrangers doivent s’inscrire dans l’ordre de priorités du pays. Interrogé sur l’affaissement de la route de Terre-Rouge-Verdun, l’expert explique : «Dans nombre de pays en développement, les autorités cherchent une solution rapide et ne consacrent pas assez d’argent à faire faire des études par des véritables experts. La route de Terre-Rouge-Verdun est un parfait exemple. Par ailleurs, le projet du Metro Express est un excellent projet. Mais est-ce la priorité est-ce la priorité du pays ?»