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François, le pape qui insuffle un air d’Amérique latine

14 janvier 2018, 13:16

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François, le pape qui insuffle un air d’Amérique latine

Premier pape venu du Nouveau monde, l’Argentin Jorge Bergoglio est radicalement différent de ses prédécesseurs, façonné par le vocabulaire aux accents parfois révolutionnaires de son continent latino-américain.

Au Chili et au Pérou cette semaine, pour son 22ème voyage à l’étranger, il parlera non seulement l’espagnol mais aussi un langage spirituel et culturel compris par tous.

«Je me sens libre, rien ne me fait peur», dit le pape François, qui a pourtant accepté la lourde tâche de diriger l’Eglise des 1,3 milliard de catholiques de la planète (dont 49% dans les Amériques).

Assurément l’expression d’un «pape américain», analyse l’évêque Marcelo Sanchez Sorondo, un compatriote qui connaît le jésuite argentin depuis des décennies.

«L’Amérique du Nord et du Sud ont en commun d’être des sociétés d’origine européenne qui ont pris conscience du besoin d’indépendance; le sentiment de liberté est la base commune de toute l’Amérique», explique à l’AFP ce professeur de philosophie, devenu chancelier des Académies pontificales des sciences et des sciences sociales.

Le «premier pape» invité à parler devant le Congrès américain éprouve «un sentiment fort de la dignité humaine et de la liberté», insiste-t-il.

Liberté et justice sociale 

Reste que le sens de la liberté a différé entre les deux Amériques, alors que le Sud devenait plus pauvre. «Le pape est très sensible à la question de la justice sociale, ce qui est plus latin que nord-américain, d’où l’intérêt qu’il porte aux périphéries en difficulté», complète Mgr Sorondo.

L’archevêque de Buenos Aires était pratiquement un inconnu quand il a été élu le 13 mars 2013, devenant le premier pape à choisir le nom de François, en hommage à Saint François d’Assise figure exemplaire de la chrétienté totalement au service des pauvres.

Issu d’une famille d’émigrés italiens du Piémont, Jorge Bergoglio est devenu «une sorte de lien entre le Vieux continent et le Nouveau monde», mais «l’histoire dramatique de l’Argentine de la fin du XXème siècle est la toile de fond de sa trajectoire personnelle», résume l’universitaire Giovanni Maria Vian, dirigeant de L’Osservatore Romano, dans la préface du livre «François, le pape américain».

Le cardinal Bergoglio fut chargé d’élaborer voici dix ans à Aparecida (Brésil) le document final du Conseil épiscopal latino-américain, qui permet environ une fois par décennie aux évêques du continent de choisir des grandes orientations.

Dans ce texte très connu en Amérique latine, on retrouve énormément d’engagements actuels de François, pointe le vaticaniste de La Croix, Nicolas Senèze, dans «Les mots du pape».

A Aparecida, Jorge Bergoglio s’offusquait déjà de «l’inégalité scandaleuse», aujourd’hui l’un des thèmes clefs de son action à la tête de l’Eglise, relève le vaticaniste.

Tous les documents de ces conférences épiscopales ont donné «la priorité aux pauvres» renchérit Mgr Sarondo. «Le pape est très critique du capitalisme qui sacrifie les droits humains, ce qui est typique de l’épiscopat latino-américain», relève-t-il.

Certes, le pape polonais Jean-Paul II avait dénoncé le «capitalisme sauvage», mais François «est probablement plus concret» en prônant «une église pauvre pour les pauvres» et en vivant sans faste dans un petit appartement, ajoute son compatriote.

Jorge Bergoglio, un vrai pasteur de terrain, a sillonné les périphéries déshéritées de Buenos Aires.

Il brandit d’ailleurs l’exemple de cette mégalopole métissée, multiculturelle et multireligieuse, pour prôner l’accueil des migrants à la vieille Europe, durement attaquée.

Son expérience de la crise économique argentine a aussi alimenté sa vision de «la misère des grandes villes» peuplées de paysans perdant leurs repères culturels.

Dans des récents entretiens au sociologue français Dominique Wolton, le pape regrette que l’Amérique latine n’ait pas la force «de réagir face aux grandes exploitations agricoles» et de «résister à l’exploitation culturelle de ses propres citoyens».

Peuple et piété populaire 

Sa vision a été fortement influencée par la «théologie du peuple», la variante argentine de la «théologie de la libération», toutefois non violente et non axée sur la lutte des classes marxisante.

Ce courant valorise la culture et la piété populaire des gens communs. A cet égard le pape est très ému par la liturgie des cultures autochtones, qu’il aura à coeur de mettre en valeur au Chili et en Argentine.

«La piété populaire est l’éclosion de la mémoire d’un peuple», selon la définition très mystique donnée par le pape à un jeune journaliste argentin dans de récents entretiens titrés «Amérique Latine».

Le pape a aussi nommé des cardinaux latino-américains car «ils apportent l’air des Eglises nouvelles et l’air d’une histoire de foi et de sang», a-t-il encore confié. Remodelant ainsi à son image le conclave qui élira son successeur.