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Kinshasa: les violences des inondations amplifiées par la folle croissance urbaine

6 janvier 2018, 09:07

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Kinshasa: les violences des inondations amplifiées par la folle croissance urbaine

Quarante-quatre morts, 5.100 habitations inondées, 192 maisons écroulées...: les mortelles conséquences des pluies torrentielles qui ont frappé Kinshasa jeudi ont été amplifiées par la folle croissance de la mégapole, la troisième plus grande d’Afrique.

Au total, 44 personnes sont mortes dans la capitale de la République démocratique du Congo touchée par un orage violent mais pas exceptionnel en cette fin de grande saison des pluies dans la nuit de mercredi à jeudi, d’après le bilan définitif des autorités provinciales livré vendredi.

Des glissements de terrain ont aussi déplacé «plusieurs milliers de personnes vers des familles d’accueil en attendant la baisse du niveau des eaux», a indiqué le gouvernement central dans un compte-rendu du conseil des ministres.

Les quartiers les plus touchés sont des communes populaires où l’activité vibrante des petits commerces cotoie des poches de pauvreté, comme Ngaliema construite sur une colline, Selembao, Bandalungwa surnommé le «petit Paris» pour ses bars et ses restaurants, et où des enfants d’une même famille sont morts noyés après l’effondrement de leur maison.

A Ngaliema, trois personnes, Brunelle, 18 ou 19 ans, sa sœur Gladys, 22 ou 23 ans et son bébé, ont été victimes de l’effondrement de leur maison construite en briques d’argile couleur sable qui s’effritaient après l’orage, ont indiqué les voisins à l’AFP.

La maison, construite au fond d’un ravin parmi la végétation, a été détruite par les eaux qui se sont précipitées du haut d’une colline jonchée de détritus, selon les habitants.

Une entreprise chinoise avait bien tenté de construire des canalisations sur la voirie du haut, mais elles ont cédé sous la violence des pluies. Deux tuyaux ont été projetés jusqu’au fond du ravin, près de la maison des victimes dont ne subsiste plus rien qu’un canapé en plein air.

«Les secours sont venus mais en retard, vers 4h00», explique un jeune homme, Magloire, qui affirme avoir découvert les corps.

La maison des deux sœurs, dont les parents étaient absents, ainsi que celle de deux voisins blessés, n’auraient pas dû se trouver là. «Ce sont des constructions anarchiques. Ça fait très longtemps que les textes de l’État interdisent de s’installer ici. Les gens s’installent quand même parce qu’ils manquent de moyens pour aller ailleurs», détaille le chef de quartier adjoint Ruffin Abedi.

Urbanisme de la pauvreté

Les inondations à Kinshasa sont «liées à la surpopulation, à l’occupation de terrains inondables qui ne devaient pas être occupés», explique à l’AFP le colonel Roger-Nestor Lubiku, ex-directeur général de l’Institut géographique du Congo (IGC).

Le gouverneur de Kinshasa André Kimbuta a d’ailleurs rappelé qu'«en vue de prévenir d’autres cas d’inondations», les autorités procéderont «incessament à la démolition de constructions anarchiques».

Kinshasa connaît une croissance démographique rapide, sans cadastre et difficile à quantifier en l’absence de tout recensement.

La capitale compterait 10 millions d’habitants, soit un doublement de population en même pas 20 ans. Entre 2000 et 2005, le nombre de Kinois est passé de 6 à 7,5 millions, d’après la cartographie satellitaire de la Revue belge de géographie.

La même revue savante énonçait en 2009 une conclusion toujours valable en 2018 sur les collines de Ngaliema: «30% de la croissance urbaine s’est effectuée sur des pentes de plus de 15%, soit présentant un risque important d’érosion».

Cette croissance est le fait d’un «urbanisme de la pauvreté», affirmait en juillet au journal français Le Monde, Corneille Kanene, ex-directeur de l’agence onusienne Habitat, ajoutant: «les trois quarts de Kinshasa sont constitués de bidonvilles sans accès à l’eau ni à l’électricité».

Cet urbanisme galopant provoque d’immenses ségrégations sociales. Les habitations fragiles de Ngaliema se trouvent à quelques centaines de mètres des villas cossues de Macampagne, et à quelques km des tours, des résidences, des ambassades et du palais présidentiel de la Gombe.

Le président Kabila a décrété deux jours de deuil pour lundi et mardi à la mémoire des victimes. Le gouverneur a sollicité l’aide du chef de l’Etat pour les obsèques des victimes.

En cette période de crise politique, l’opposant Vital Kamerhe -ex-président de l’Assemblée nationale- a dénoncé «l’absence d’une politique d’urbanisation et d’un service de secours». L’ambassadeur du Canada Nicolas Simard s’est aussi permis ce tweet: «Ce drame rappelle la nécessité d’une meilleure planification urbaine, l’entretien des infrastructures, et la gestion des urgences».