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Blakkayo: «Trankilité, man»

4 janvier 2018, 00:30

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Blakkayo: «Trankilité, man»

Pendant la première semaine de 2018, une personnalité dans chaque région nous raconte ce qu’elle fait pour commencer l’année du bon pied. La renommée de Blakkayo a largement dépassé son village, Bois d’Oiseau. Dit le «Zénéral», Blakkayo a aussi des troupes à Paris. 

«Aret fatig mwa, les mwa trankil, man.» Comme dans sa chanson, Blakkayo a besoin de calme. Pour s’entendre penser. Pour diriger. Parce que cette année, il doit vraiment «met enn seryé». Fabriquer cet album solo qu’il promet depuis des années. Si les chansons qu’il écrit toujours dans l’urgence et jamais à l’avance doivent vraiment être prêtes pour Pâques 2018, il a intérêt à s’y mettre. C’était même dans ses prières le 1er janvier. 

Quand Blakkayo a les mains jointes, ce n’est pas que pour des oraisons, mais pour dessiner l’étoile. Celle qui l’a conduit de la cour sans murs de Bois d’Oiseau jusqu’à un duplex discret à Grand-Baie. C’est là qu’il passe la semaine, loin de la fureur et du bruit. Loin des sollicitations constantes.

Blakkayo a beau être surnommé Zénéral, il a besoin de recul. À combien de jeunes estime-t-il ses troupes ? On imagine les yeux concentrés par le calcul, derrière les lunettes de soleil Prada. Sourire en coin, presque timidement, il avance un chiffre : «300». 

Trois fois cent jeunes qui gravitent autour de cet artiste aux textes rageurs qui non seulement continue la route avec Otentik Street Brothers, mais mène une carrière solo. Et est surtout devenu au fil du temps le «rassembleur». C’est en tout cas ce que «bann-la abitié dir», reconnaît-il, avec une pointe de fierté. 

Un peu grand frère, pas mal découvreur de talents et presque pro- ducteur. «Dépi mo tipti mo kontan dir sa koumsa, sa koumsa.» Les collectifs qu’il a montés s’appellent Solda Kaz Bad, puis Solda + Mwadka. Le premier a déjà produit deux albums. «Très souvent, des jeunes viennent me voir pour me demander des conseils. Me raconter comment c’est difficile de percer dans la musique.»

Parce que tout cela, il le sait, parce que tout cela, il est passé par là. Blakkayo déploie alors ses ailes protectrices. Il sait très bien qu’un petit mot de sa part dans les bonnes oreilles peut ouvrir les portes d’un studio, convaincre un musicien. Faire marcher la machine musique. D’ailleurs, l’une des étapes, enn zour, si les moyens financiers sont réunis, c’est de dire bye bye à la scène et de se consacrer entièrement à des responsabilités de producteur.

Pardon? Blakkayo veut faire ses adieux à la scène ? On imagine une sorte de lassitude dans les yeux abrités du soleil derrière des Prada. OSB a fêté ses 25 ans de carrière en 2017. Blakkayo a produit des albums que les fans chantent toujours. Et que «mem bann nouvo zénérasion pé tann sa bann mésaz_la», ditil, l’air presque étonné de la longévité de ces chansons.

Attention, arrêter la scène ne veut pas dire que Blakkayo a déjà tout donné. Bien au contraire. Plusieurs titres figurant sur les albums collectifs portent sa griffe. Il affirme qu’il n’a aucun problème à faire chanter ses chansons par d’autres. D’autres qui n’ont pas la même couleur de voix, pas le même débit, ni la même rage que lui. 

Ça lui plaît tellement cette vie artistique en communauté qu’il s’occupe aussi de «soldats» à Paris. Des petits Français nés de parents mauriciens, qui eux aussi fredonnent «larg mwa les mo alé». Voilà pourquoi Blakkayo est souvent entre Port-Louis et Paris ces jours-ci. 

Les jeunes de là-bas ont plus de moyens. Mais ils sont surtout «plus disciplinés que les Mauriciens. Kan dir vinn dan ler, zot vinn dan ler». Premier commandement du Zénéral. Et son album solo sera-t-il dan ler ? Blakkayo sourit.