Publicité

Rivières: des zones extrêmement sensibles à protéger

19 décembre 2017, 00:08

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Rivières: des zones extrêmement sensibles à protéger

Maurice est parcourue d’un grand nombre de voies d’eau douce naturelles, rivières et ruisseaux, wetlands (zones humides) et les marécages mais aussi artificielles telles que les réservoirs. Beaucoup de cette eau sert à l’approvisionnement pour la population ou encore de lieux de culte. Mais les voies d’eau douce ne se limitent pas à l’écoulement des eaux mais aussi à la faune, la flore et les affluents. Pierre Baissac, consultant écologique, est un ardent défenseur des rivières.

«Dans le cadre terrestre, les rivières et leurs interconnections sont le système le plus important. Il faut comprendre que les rivières ne se limitent pas uniquement à leur lit et leur débit mais aussi à tous ses affluents, la faune et la flore, des berges aux montagnes», explique-t-il. «Il faut comprendre que les rivières sont interconnectées avec la flore, qui attire la faune.» Pierre Baissac affirme aussi que «le problème est que les rivières ne sont vues que comme une ressource à exploiter mais il faut aussi préserver leurs alentours. Par exemple, le sol autour de la rivière, maintenu par les racines de la flore, est spongieux et absorbe l’eau. Quand les pluies sont moindres, le sol relâche l’eau et maintient un débit d’eau ce qui empêche un assèchement. Il faut rétablir les berges avec de la flore endémique.»

Au cours des années 60 à 70, lors de l’expansion de la culture de la canne à sucre, une bonne partie de la flore aux abords des rivières a été détruite au profit de la monoculture.

Espèces invasives

 «Depuis Pierre Poivre au 18e siècle et ce, jusqu’aux années 60, les réserves des rivières, la flore de chaque côté était protégée. Il avait remarqué les effets négatifs du déboisement sur la pluviométrie et les rivières», ajoute Pierre Baissac. «Aujourd’hui, on tente de réparer les problèmes mais il y a trop de plantes exotiques au lieu de plantes endémiques.» À Maurice et Rodrigues comme partout ailleurs, les eaux douces sont très vulnérables, comme nos lagons, à la pollution par différentes formes d’industries et les Mauriciens, par la surexploitation et par les espèces invasives. Le tilapia commun n’est pas endémique de Maurice. «Sur le terrain, on remarque que de nombreuses rivières sont traitées comme des dépotoirs, les constructions ne respectent pas les lois des réserves de rivière sur les berges et aussi nos espèces endémiques sont en danger avec les espèces invasives», lance Vikash Tatayah conservateur à la Mauritan Wildlife Foundation (MWF).

Sans compter la présence d’espèces envahissantes végétales et animales, souvent apportées à Maurice comme animaux de compagnies ou pour l’élevage et qui sont relâchées dans la nature une fois jugées trop encombrantes ou qui se sont échappées des cultures. «Nous avons des espèces introduites pour contrôler les moustiques et la malaria, d’autres qui se sont enfuies d’élevages comme les tilapias et les écrevisses d’eau douce australiennes (Cherax quadricarinatus) qui se répandent très vite», note Pierre Baissac.

De son côté, la MWF met en garde contre les tortues d’eau douce chinoises et encore davantage contre le poisson-chat. Des espèces qui se nourrissent de tout dans les eaux douces. Du côté de la flore, le plus gros problème est la jacinthe d’eau.

L’importance des zones humides

 Les points d’eau comme les marécages et les zones humides ont été sévèrement endommagés au cours des dernières décennies par les comblements pour des constructions ou autres et pourtant leur rôle est on peut plus important. Le nombre d’inondations-éclair (flash floods) depuis le début de 2010 en est la preuve. A l’exemple de Port-Louis elle-même, construite sur un estuaire. N’avoir pratiquement plus de zones humides est l’un des facteurs qui met la capitale à risque d’inondations telles que celle qui a fait des dégâts humains le 30 mars 2013. «La conjonction des pertes des zones humides et le remplacement des forêts endémiques par des plantes exotiques sur les montagnes aux alentours comme Le Pouce, par exemple, ont empêché la rétention d’eau. Ce qui a été l’un des facteurs du drame», explique le consultant écologique. Autre fonctionnalité importante, les zones humides jouent aussi un rôle de filtre et d’assainissement d’eau, empêchant des eaux de ruissellement chargées en sédiments et déchets de se déverser dans le lagon. Les voies d’eau douce sont un point important pour l’équilibre de la biodiversité de Maurice