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Eric Mangar: «Chaque Mauricien doit pouvoir produire une partie de sa nourriture»

6 décembre 2017, 18:31

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Eric Mangar: «Chaque Mauricien doit pouvoir produire une partie de sa nourriture»

Le directeur du Mouvement pour l’autosuffisance alimentaire (MAA) est inquiet devant la dépendance croissante du pays en matière d’alimentation. Il lance un appel pour que chaque Mauricien produise une partie de ce qu’il mange.

Quel est votre point de vue sur les importations de Maurice en termes de besoins alimentaires ?
Nous importons 75 % de nos besoins alimentaires. Nous nous exposons à des moments difficiles en cas de pénurie, comme cela a été le cas avec le riz en 2008. Actuellement, la sécurité nutritionnelle de la population n’est pas assurée localement. Nous prenons aussi de nouvelles habitudes alimentaires. C’est ainsi que nous nous mettons à consommer des fast-foods, des pizzas et nous perdons notre patrimoine du goût.

Sans compter qu’avec la libéralisation de l’importation des produits fermiers et agricoles, la concurrence est devenue rude. Des opérateurs ont abandonné les cultures vivrières et l’élevage.

Est-ce une tendance irréversible ?
Le système alimentaire mondial est commercialement très fort. Les opérateurs sont performants. Aujourd’hui, de nombreuses fermes locales ont disparu, les fast-foods ont envahi le marché alimentaire et les Mauriciens sont de plus en plus amenés à consommer de la nourriture produite sur une base industrielle.

Que faire donc ?
Il nous faut une politique solide pour assurer la sécurité alimentaire des Mauriciens. Il n’y a pas eu de politique alimentaire en faveur de notre capital humain. Par exemple, les gouvernements successifs n’ont pas été suffisamment agressifs pour sensibiliser la population aux conséquences néfastes de la surconsommation des fast-foods.

Y a-il d’autres facteurs qui nous poussent à ne pas consommer ce que nous produisons ?
Outre le prix, des facteurs culturels conditionnent les habitudes alimentaires. Par exemple, on peut trouver, à Maurice, du cerf frais à moins cher que le mouton congelé, mais les consommateurs préfèrent le produit importé.

L’urbanisation a-t-elle un effet sur la production des aliments ?
Sous la pression de l’urbanisation, de grosses parcelles de terre sont converties pour permettre des utilisations autres que des activités agricoles, telles que la construction de routes et écoles. On doit revoir la gestion du foncier. Depuis un moment, l’agriculture mauricienne perd 800 hectares de terre chaque année. C’est plus que regrettable. La création d’une Land Bank est devenue une urgence. Tous les partis politiques en parlent depuis 1970. Mais à ce jour, la mise en oeuvre de ce projet attend toujours.

Des Smart Cities sortent de terre les unes après les autres, depuis la réforme du secteur sucrier. On ne peut pas prendre des terrains agricoles de première qualité pour construire des bâtiments. À Ébène, on a pris les terres les plus fertiles de Maurice pour faire la cybercité. Dans d’autres localités, on fait de même pour les centres commerciaux et les projets dans le cadre des Property Development Schemes.

Peut-on dire que le pays a pris une mauvaise direction dans la conjoncture ?
On a raté une occasion d’opter pour la diversification agricole. On a arrêté la production des camarons Rosenbergii. On a fermé la Palmar Richelieu Multiplier Farm. On a mis fin au Meat Marketing Scheme de l’Agricultural Marketing Board. La Richelieu Feed Factory a connu le même sort. Pourtant, la nourriture pour animaux qu’elle produisait était vendue à des prix subventionnés aux éleveurs.

Y a-t-il d’autres options possibles ?
Les coopératives agricoles méritent d’être consolidées. Le développement de l’agrotourisme doit être soutenu. La région de Nouvelle-Découverte et celle de Salazie se prêtent à des activités de cette nature. Par exemple, on pourrait inviter les touristes à visiter et à admirer le site naturel et ensuite déjeuner à des tables d’hôte. Savez-vous qu’à Salazie, un opérateur produit de la Mozarella ? Et puis, il y a l’immense réservoir de ressources qu’est l’océan qui nous entoure.

Que dites-vous aux Mauriciens pour les sensibiliser à l’autosuffisance alimentaire ?
Maurice est vulnérable sur le plan alimentaire. Chaque Mauricien doit pouvoir produire une partie de sa nourriture. Il peut le faire même s’il habite en appartement. On ignore quelle sera la situation mondiale dans 20 ans en ce qui concerne l’alimentation. Il nous faut nous orienter vers l’agriculture familiale.

Bio express

<p>Eric Mangar est le directeur du Mouvement pour l&rsquo;autosuffisance alimentaire (MAA) depuis 1987, fondé avec le concours de deux autres collègues. Le MAA oeuvre beaucoup dans les villages et dans des écoles pour sensibiliser les familles et les enfants à l&rsquo;autosuffisance alimentaire. L&rsquo;association a notamment mis en oeuvre le <em>School Gardening Programme</em> dans 67 écoles primaires. Le but : exposer les enfants au concept de la sécurité alimentaire.</p>