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Nouveau «Notre Père»: l'essayer, c'est l'adopter

3 décembre 2017, 20:49

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Nouveau «Notre Père»: l'essayer, c'est l'adopter

A l’autel, le prêtre, aube blanche et chasuble violette, parle soudain un peu plus fort dans le micro. «Et ne nous laisse pas entrer en tentation»,marque bien nettement le père Pierre Labaste, l’un des trois prêtres de la paroisse Notre-Dame-de-Clignancourt, dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Ce dimanche, toutes les paroisses catholiques de France sont passées à la nouvelle version du Notre Père, modifiant une traduction française de 1966, ce qu’a rappelé brièvement le père Labaste pendant son sermon. Dans l’assemblée, il y a bien eu quelques ratés. Mais à peine aubibles. Sans complexe, Edwige l’avoue : «Vous savez moi j’ai plus de 60 ans, alors… Ma voisine de derrière, elle aussi s’est trompée.»

En fait, un seul verset a évolué. Avant, les catholiques disaient : «Ne nous soumets pas à la tentation.» Il n’y a pas eu de contestation, ni de nostalgie parmi les fidèles de Notre-Dame de Clignancourt. Bénévole à la paroisse, Marie, trentenaire, est même franchement enthousiaste. En fait, elle boycottait plus ou moins l’ancienne version. «Je n’étais pas d’accord avec cette idée de Dieu qui nous tente. Je me taisais à ce moment-là de la prière ou alors je le récitais, mais sans y adhérer.»Mais les habitudes sont quand même là. Samuel, 51 ans, d’origine ivoirienne : «Je récite le Notre Père depuis mon enfance ; c’est devenu automatiqueAlors il faut que je fasse attention pour ne pas me tromper. Cela va me prendre du temps.» Et il y a ceux qui s’interrogent (un peu) sur le pourquoi et le comment d’un changement venu si tard. C’est le cas de Miguel, d’origine hispanique. «En espagnol, c’est la nouvelle formule que l’on emploie depuis très longtemps, explique-t-il.Pourquoi les Français se sont-ils réveillés aussi tard ?»

Ancienne formule juste et fausse

En tout cas, personne n’a été pris de court. «Cela fait déjà quelques semaines qu’on nous en parle», expliquent plusieurs fidèles. Il y a une dizaine jours, la paroisse a organisé une soirée pour expliquer les tenants et aboutissements de la nouvelle formule. Et puis, le père Philippe Marsset, le curé de la paroisse, a pris sa plume dans le petit bulletin hebdomadaire de quatre pages mis à disposition à l’entrée de l’église. Un numéro d’équilibrisme pas très aisé. Comment justifier en effet la nouvelle formule tout en soutenant que l’Eglise ne s’est pas totalement fourvoyée avec l’ancienne ?  «La formule de 1966 était juste du point de vue littéral et grammatical à partir de la traduction latine», explique-t-il. Mais voilà, toute traduction est «une réduction de sens par rapport à la langue originelle» et «partiellement une trahison». Donc, si l’on comprend bien, l’ancienne formule était à la fois juste et fausse (d’un point de vue théologique).

Pour la messe de 11 h 30 (celle dite des familles), c’est lui qui prend les commandes. Les premiers bancs de la nef sont réservés aux enfants. Heure oblige sans doute, l’assistance est plus fournie qu’à la messe précédente. Au moment fatidique de la récitation, le père Philippe Marsset a une autre stratégie que son vicaire. «Pour ceux qui ont peur d’hésiter, vous pouvez vous référer à la feuille rose», dit-il en brandissant le bulletin d’informations paroissial. Il lance la prière, baisse le ton, laisse les fidèles continuer. Cela roule tout seul. «Et ne nous laisse pas entrer en tentation», récite, en chœur, l’assemblée. Les langues n’ont pas fourché.