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Bitcoin: les économistes crient à la bulle, en vain

1 décembre 2017, 23:22

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Bitcoin: les économistes crient à la bulle, en vain

Trop «volatile», sans «fondement» et «dangereuse»: plusieurs économistes de renom sont montés au créneau ces derniers jours contre la flambée du bitcoin, décrite comme une «bulle spéculative» susceptible d'«imploser». Sans enrayer - pour l’instant - le phénomène.

Jusqu’où ira l’envolée du bitcoin, devise virtuelle dont la valeur a été multipliée par 10 en moins d’un an, et faut-il s’inquiéter? Pour certains prix Nobel d’économie, la réponse est toute vue: cette crypto-monnaie va «s’effondrer», et ses adeptes vont s’en mordre les doigts.

«C’est une bulle qui va donner à beaucoup de monde beaucoup de moments très excitants tant qu’elle montera, puis qui va redescendre», a mis en garde mercredi Joseph Stiglitz, prix Nobel 2001, sur le plateau de Bloomberg TV.

Le bitcoin «ne sert aucune fonction socialement utile» et ne réussit «qu’en raison de son potentiel de contournement, du déficit de surveillance»: «il me semble que le bitcoin devrait être interdit», a ajouté l’économiste américain.

Dans une tribune publiée jeudi dans le Financial Times, le Français Jean Tirole, lauréat 2014 et président de l’Ecole d’économie de Toulouse, a lui aussi pointé du doigt les risques liés à cette monnaie virtuelle.

«Le bitcoin soulève deux questions distinctes. S’agit-il d’une monnaie viable à long terme? Et à supposer que cela le soit, contribue-t-elle au bien commun? Mes réponses sont: probablement pas... et définitivement pas», y explique le chercheur.

 Le «mal» 

D’autres économistes de renom ont mis en garde contre les dangers et les dérives liés aux monnaies virtuelles, à l’image du prix Nobel 2008 Paul Krugman, qui avait comparé dès 2013 le bitcoin au «mal», ou de Robert Shiller, spécialiste des bulles financières.

«L’enthousiasme pour le bitcoin est disproportionné par rapport à son application immédiate», a estimé ce professeur à l’université de Yale, lui aussi titulaire d’un Nobel (2013). «C’est l’exemple même d’une bulle spéculative», a-t-il ajouté.

Pour Jean Tirole, le bitcoin est «un actif sans valeur intrinsèque». Il «s’apparente à un rêve libertaire mais il s’agit d’une vraie migraine pour quiconque perçoit la politique publique comme un complément à l’économie de marché», argumente le chercheur.

Un message relayé par plusieurs banquiers centraux: le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau a estimé vendredi que ceux qui investissaient dans le bitcoin le faisaient «totalement à leurs risques et périls».

Randall Quarles, un des gouverneurs de la Banque centrale américaine, a lui estimé jeudi que si les «devises numériques ne posent pas de menace majeure à leurs niveaux actuels, des problèmes plus généraux de stabilité financière pourraient se poser si leur utilisation se généralise.»

 Plaisir transgressif 

Pas de quoi refroidir toutefois les ardeurs des investisseurs. Vendredi, le cours du bitcoin restait très élevé, aux alentours de 10.500 euros. Et les perspectives à court et moyen terme restaient encourageantes, au vu des prises de position des acteurs du marché.

Une autorité de régulation américaine a donné vendredi un feu vert inédit aux instruments d’investissements développés par deux Bourses et un courtier pour spéculer sur l’évolution du bitcoin. Les premiers seront disponibles à partir du 18 décembre.

Signe que les prix Nobel prêchent dans le désert? «Leurs mises en garde ne touchent pas les adeptes du bitcoin, car ils sont vus comme des membres de l’ancien monde, des gens qui appartiennent au système», juge Christopher Dembik, économiste chez Saxo Banque.

Une défiance visible sur Twitter, où certains ironisaient vendredi sur les prises de position des gouverneurs de banques centrales ou bien des prix Nobel. «Si Stiglitz et Krugman détestent tous les deux le bitcoin, alors j’achète», écrivait ainsi un internaute.

Pour Christopher Dembik, «il y a sans doute un plaisir transgressif» dans l’utilisation du bitcoin. Un plaisir qui tient à l’ADN de cette monnaie virtuelle, perçue comme sulfureuse et comme «anti-système».

«Le problème, c’est qu’au-delà des investisseurs avisés, et qui sauront se retirer au bon moment si la bulle éclate, on trouve de simples quidams, qui ne connaissent pas bien le fonctionnement de cette monnaie. Ce sont eux qui seront les dindons de la farce», prévient l’économiste.