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Angela Merkel, l’inamovible chancelière vacille

20 novembre 2017, 13:24

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Angela Merkel, l’inamovible chancelière vacille

Vit-on la fin de la chancelière Angela Merkel, 63 ans dont 12 au pouvoir? Elle qui paraissait indéboulonnable à la tête de l’Allemagne risque désormais une sortie sans gloire.

Avec l’échec dans la nuit de dimanche à lundi des pourparlers entre son camp conservateur, les libéraux du FDP et les Verts pour former un gouvernement de coalition, des élections anticipées paraissent probables.

Merkel y conduira-t-elle sa famille politique? Rien n’est moins sûr, tant sa victoire en demi-teinte aux législatives du 24 septembre --plus mauvais score conservateur depuis 1949--, la percée historique de l’extrême-droite (AfD) et désormais son incapacité à former une cabinet semblent l’avoir affaiblie.

«En dehors de l’Allemagne, on continue à (la) regarder avec admiration, alors qu’elle entre dans sa treizième année à la chancellerie. Mais dans son pays, l’admiration a faibli», résumait la semaine dernière l’influent hebdomadaire Der Spiegel.

Le journal conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung diagnostique lui une «érosion du pouvoir» chez la chancelière élue pour la première fois en 2005.

Celle que les Allemands surnomment «Mutti» («maman») avait pourtant réussi jusqu’à présent un parcours étonnant, prenant au fil des crises une dimension croissante.

Au cours des cinq dernières années, elle fut tour à tour dépeinte en bourreau des pays dépensiers en Europe, en «mère Teresa» des réfugiés fuyant guerres et terrorisme, et en «leader du monde libre» dans la foulée de l’élection de Donald Trump il y a un an.

Paradoxalement, c’est l’accueil de centaines de milliers de migrants en 2015 qui lui aura donné à la fois sa stature historique mais aura aussi jeté les bases de son déclin.

Compromis impossible 

A l’époque, la gauche exulte quand une grande partie de son propre camp conservateurs grogne.

Après la douche froide des dernières législatives, l’aile dure de sa famille politique demande à la chancelière un virage à droite, au moment même où pour former une majorité elle doit trouver un compromis avec les libéraux et les écologistes.

L’équation s’est avérée impossible, même pour cette femme politique rompue à la négociation.

En Europe aussi, sa politique migratoire a conduit à son affaiblissement. Tout comme elle refuse la «mutualisation des dettes», nombre de ses partenaires de l’UE lui refusent de «mutualiser» ses migrants.

Pour autant, qui aurait parié sur un tel parcours à l’automne 2005, après sa victoire sur le fil face au chancelier social-démocrate Gerhard Schröder? La physicienne sans charisme évident fait alors sourire.

Cette austère fille de pasteur élevée en Allemagne de l’Est a ainsi été longtemps sous-estimée par les politiques ouest-allemands.

Au fil du temps, elle a su s’imposer comme un animal politique singulier, dont la place dans l’histoire reste aussi incertaine que les principes qui la guident.

Elle a largement tiré parti des réformes économiques impulsées par Gerhard Schröder, mais ses propres efforts pour préparer l’avenir sont discutables.

Outre la sortie du nucléaire, décidée en 2011 après la catastrophe de Fukushima, notamment pour satisfaire l’opinion, la crise migratoire est l’événement-phare de ses trois mandats et sans doute sa seule vraie prise de risque.

Aïkido politique

Son style, marqué par un ultra-pragmatisme, est plutôt guidé par les rapports de force du moment que par une vision.

«Son approche rappelle l’aïkido», cet «art martial des faibles» consistant à «utiliser l’énergie de son adversaire pour le laisser chuter tout seul», analysait cet été le quotidien Handelsblatt.

Sa gestuelle «apaisante» adresse un message: «la politique est d’une complexité infinie et demande expertise et subtilité - les siennes», estimait le journal.

Dans le privé, ses passions connues sont simples: opéra et randonnées, chemisette inusable et casquette sur la tête, avec son second époux, Joachim Sauer, un scientifique de renommée internationale qui fuit la vie publique.

Sa vie d’avant la politique n’a guère connu d’aspérités, avec une enfance dans la campagne de RDA, où son père a volontairement installé sa famille afin de contribuer à l’évangélisation de la population dans l’Etat communiste.

Elle devient docteur en chimie quantique en s’accommodant du régime communiste. Ce n’est qu’après la chute du Mur de Berlin qu’elle entre en politique, devenant porte-parole du dernier gouvernement de la RDA, avant de rejoindre la CDU.

Le chancelier de l’époque, Helmut Kohl, offre à celle qu’il nomme la «gamine» ses premiers maroquins ministériels. Mais en 2000, profitant d’un scandale financier au sein de son parti, elle lui ravit la CDU, ce qu’il ne lui pardonnera jamais.

Et cinq ans plus tard, Angela Merkel devient la première chancelière.