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Au Bangladesh, les enfances perdues des camps rohingyas

11 novembre 2017, 15:06

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Au Bangladesh, les enfances perdues des camps rohingyas

Tahera Begum parcourt plus d’un kilomètre à pied à l’aube pour ramasser du petit bois pour ses parents et ses quatre frères et sœurs, un fardeau pour cette fillette de 10 ans propulsée chef de famille dans les gigantesques camps de réfugiés rohingyas.

«Je le fais car personne d’autre dans ma famille ne le peut. Mes deux parents sont malades. Ils ne peuvent pas se déplacer sans aide», explique Tahera à l’AFP en découpant des légumes dans la cabane de bâches familiale du camp de Balukhali, dans le sud du Bangladesh.

Environ 1.400 enfants sont les seuls gagne-pain de leur famille dans ces cités de tentes le long de la frontière banglado-birmane. Plus de 600.000 musulmans rohingyas de Birmanie ont trouvé abri au Bangladesh voisin pour fuir ce que l’ONU considère comme une épuration ethnique.

Les ONG sont soucieuses de la charge que représentent de telles responsabilités pour ces jeunes êtres, les rendant plus vulnérables aux maladies et au stress émotionnel.

«Cela peut les mener à du travail des enfants et à la prostitution. Ces familles voient aussi une poussée des mariages d’enfants, ce qui est très inquiétant», explique Rik Goverde, porte-parole de Save the Children International.

Pour Tahera, qui s’occupait de ses parents infirmes avant même qu’ils ne fassent le difficile voyage vers le Bangladesh, la journée commence par une longue marche dans la forêt pour ramasser du petit bois pour la cuisine.

À peine a-t-elle ramené le lourd fagot qu’elle embraye sur sa deuxième tâche quotidienne: jouer des coudes avec d’autres réfugiés pour remplir des seaux à la pompe à eau.

Plus tard, Tahera se rend au marché du coin avec ce qu’il lui reste du bois pour essayer de le vendre ou de le troquer contre des denrées de base. L’afflux de réfugiés a entraîné une spirale d’inflation, la petite fille doit négocier dur.

«Mes frères et sœurs sont plus jeunes que moi. Étant la plus âgée, c’est tout simplement mon rôle», dit-elle.

Répit

Le spectacle d’enfants transportant de pesants bidons d’eau, faisant la queue à une distribution de nourriture ou traînant des sacs de riz aussi lourds qu’eux est courant dans les camps rohingyas.

Les enfants constituent plus de la moitié de la vague des récentes arrivées et sont particulièrement affectés par ce qui est l’une des plus graves crises humanitaires de ce début de XXIe siècle en Asie.

7,5% d’entre eux risquent de mourir de malnutrition dans les camps du district de Cox’s Bazar, ont averti les Nations unies la semaine dernière.

On estime que 40.000 mineurs auraient traversé la frontière seuls, leurs parents étant morts ou ayant été séparés d’eux.

Survivre à l’horreur de la violence pour devenir le seul gagne-pain de sa famille est «quelque chose qu’aucun enfant au monde ne devrait subir», déclare Sakil Faizullah, porte-parole de l’Unicef au Bangladesh.

Des organisations internationales ont dressé des écoles et des zones destinées aux enfants pour leur accorder un petit répit dans l’océan de misère des camps. Dans ces lieux, garçons et filles peuvent dessiner, chanter et jouer ensemble.

La sœur de Tahera arrive parfois à l’y traîner. La fillette y regarde longuement des livres illustrés, mais elle ne peut guère s’attarder: elle doit retourner veiller ses parents.

«J’adore les pages de bandes dessinées. Mais je n’ai pas l’occasion d’aller là-bas tous les jours», raconte-t-elle en préparant un plat sommaire pour la famille.

Travailleuse humanitaire, Baby Barua a été choquée en apprenant que Tahera nourrissait et prenait soin à elle seule de toute sa famille.

«Elle est juste une enfant. Elle ne devrait pas avoir à faire tout ça par elle-même, ça équivaut à du travail d’enfant», estime-t-elle.

Ces mineurs «ont déjà perdu leur enfance, il est de notre responsabilité de nous assurer qu’ils ne perdent pas leur avenir», renchérit M. Faizullah de l’Unicef.