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Voyage en jet privé: les douaniers auraient pu fouiller les bagages de Soodhun

2 novembre 2017, 21:30

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Voyage en jet privé: les douaniers auraient pu fouiller les bagages de Soodhun

Flashback. La nuit du 2 au 3 août 2016, le vice-Premier ministre, Showkutally Soodhun, rentre au pays à bord du Gulfstream G450, jet privé du prince Mohamed Bin Salman. En sa possession, plusieurs valises qui n’ont pas été examinées par les douaniers, «en vertu de la Diplomatic Relation Act», disent-ils.

Son arrivée à bord d’un jet privé, Showkutally Soodhun l’explique. «Mon fils était malade et devait se rendre en Inde pour des soins. Je devais rentrer au pays coûte que coûte pour prendre soin de ma belle-fille et de mes petits-enfants», dit-il à la presse, le 15 août 2016. En sus, selon ses dires, Showkutally Soodhun était souffrant, d’où la proposition du prince saoudien. Jusque-là tout va bien.

Plainte aux Casernes centrales

Vient ensuite l’article du magazine Weekly, indiquant que Showkutally Soodhun avait plus de trois bagages à son arrivée à Plaisance. Allégations rejetées par Showkutally Soodhun, qui porte plainte aux Casernes centrales. Il affirme «on record» qu’il est rentré au pays avec un «hand-bag», une «petite valise» et un sac «tiéna latwal kaba». Or, Menteur Menteur, en ligne sur lexpress.mu depuis hier soir, démontre clairement que Showkutally Soodhun a menti. Contactés, le ministre et son attachée de presse sont restés injoignables.

Les images CCTV en possession de l’express à la sortie du Yu Lounge, à l’aéroport, montrent qu’en plus des trois bagages, deux autres valises passent. La production révèle les noms des douaniers et chauffeur de la deuxième voiture immatriculée 4507 JL 13, venue récupérer les deux valises. Selon l’enquête de Menteur Menteur, deux douaniers, Deepaksingh Hurdoyal et Vishan Ramnarain, ont affirmé qu’ils n’ont pas fouillé les bagages de Showkutallly Soodhun. Ils ont évoqué les dispositions de la Diplomatic Relation Act, Showkutally Soodhun ayant un passeport diplomatique numéroté R5728.

À 00 h 31, un de ses gardes du corps et une employée du Yu Lounge font sortir les trois bagages à main de Showkutally Soodhun.

 Deux autres valises quittent le Yu Lounge à 00 h 33. Elles sont embarquées dans un véhicule immatriculé 4507JL13 et déposées chez le ministre.

Showkutally Soodhun quitte le Yu Lounge à 00 h 36.

Cette explication est toutefois démolie par nos intervenants. Ils sont catégoriques : les cinq bagages de Showkutally Soodhun auraient dû être fouillés. «La Diplomatic Relation Act est une loi qui incorpore la Convention de Vienne dans notre loi. Il faut toutefois comprendre son champ d’application. Elle s’applique uniquement aux diplomates, c’est-à-dire, un chef de mission d’un pays étranger à Maurice, qui peut être un ambassadeur et les membres de l’ambassade. Avoir un passeport diplomatique ne fait pas de vous un diplomate», dit un ancien ambassadeur.

Immunité diplomatique

Selon lui, la Diplomatic Relation Act s’applique uniquement aux représentants d’États étrangers à Maurice. «Le but est d’accorder une immunité et des privilèges aux représentants d’un État accréditant (qui nomme un diplomate) auprès de l’État accréditaire (pays qui reçoit le diplomate). Dans ce cas, je ne comprends pas comment les douaniers n’ont pas fouillé les bagages de ce ministre en prétextant ce texte de loi.»

Quels avantages a donc un ministre, député ou haut fonctionnaire ayant un passeport diplomatique délivré par le bureau du Premier ministre ? «C’est juste pour que l’autre pays sache qu’il est un représentant du gouvernement et n’a pas à faire de demande de visa», dit notre source.

L’ancien secrétaire aux affaires étrangères, Vijay Makhan, abonde dans le même sens. «Un Mauricien ayant un passeport diplomatique n’a pas d’immunité à l’aéroport de Maurice. Il peut avoir des considérations spéciales mais la douane et la police ont le droit de fouiller ses bagages.» Showkutally Soodhun rentrant au pays et n’étant ni ambassadeur ni un officiel de l’ambassade, il n’est pas un diplomate venu en mission qui doit obtenir une immunité diplomatique.

La commission drogue interpellée

Selon Vijay Makhan, le passeport diplomatique est délivré à ceux qui se rendent en mission officielle à l’étranger, afin de faciliter leur arrivée dans le pays où ils se rendent. «Toutefois, si la police détient des informations sûres, disant que ce diplomate transporte des substances illicites, de l’argent ou des armes, elle peut fouiller ses bagages. Mais il faut avoir des preuves irréfutables.»

L’ancien Premier ministre, Paul Bérenger, estime, lui, qu’il faut faire attention. «On ne peut pas fouiller les bagages d’un diplomate étranger sans éviter le clash diplomatique avec un autre pays. Toutefois, un passeport diplomatique n’accorde pas d’immunité et même s’il s’agit d’un ministre ou autre, la douane a le droit de le questionner à l’aéroport.»

La question de l’immunité des diplomates étrangers a également interpellé les membres de la commission d’enquête sur la drogue. Selon nos informations, toutes les voies, y compris la voie diplomatique, pour faire entrer de la drogue dans le pays ont été abordées par la commission. Cet élément pourrait figurer dans le rapport de la commission Lam Shang Leen.

624 Détenteurs de passeport diplomatique

Répondant à une question parlementaire du député Rajesh Bhagwan, le 11 juillet, le Premier ministre a indiqué qu’il y avait 624 détenteurs de passeport diplomatique à 7 juillet 2017. Il avait aussi ajouté qu’une personne étant en liberté conditionnelle a voyagé en utilisant un passeport diplomatique à deux reprises.

Article de la Convention de Vienne ayant force de loi à Maurice

Article 36: «The personal baggage of a diplomatic agent shall be exempt from inspections unless there are serious grounds for presuming that it contains articles not covered by the exemptions mentioned in paragraph 1 of this article…»

«“Head of mission” – Person charged by the sending state with the duty of acting in that capacity.»

«“Diplomatic agent“ – Head of the mission or member of the diplomatic staff of the mission.»